L’accord franco-algérien de 1968 est devenu l’abcès de fixation de la droite et de l’extrême-droite en France.
Mercredi 26 février, le gouvernement français a menacé de le dénoncer d’une façon unilatérale si l’Algérie ne reprenait pas des clandestins sous OQTF, dans un délai d’un mois à six semaines.
Vendredi, le président Emmanuel Macron a pris la parole sur la crise entre l’Algérie et la France. Sur l’accord de 1968, il a désavoué son ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et a écarté toute abrogation unilatérale.
« On ne va pas dénoncer de manière unilatérale les accords de 1968. Cela n’a aucun sens« , a tranché le président français qui est le gardien des traités et des accords signés par la France avec les autres pays.
Mais Bruno Retailleau, qui s’est emparé de la gestion de la crise avec l’Algérie, maintient sa ligne dure, et menace d’une « riposte graduée » à l’égard du gouvernement algérien.
Candidat pour la présidence du parti Les Républicains (droite), Retailleau fait partie de ceux qui réclament l’abrogation de l’accord de 1968, parce que, selon lui, il donne des avantages considérables aux ressortissants algériens en France.
Bien que vidé de sa substance par trois avenants signés en 1985, 1994 et 2001, le sort de l’accord de 1968 peut déterminer l’avenir immédiat de la relation entre l’Algérie et la France.
L’Algérie y tient symboliquement et celui qui a émis pour la première fois l’idée de sa révocation, l’ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier Driencourt, avait précisé que cela pourrait déboucher sur la situation extrême de rupture des relations diplomatiques entre les deux capitales.
L’accord de 1968 doublement bénéfique pour la France
La tournure prise par les débats donne le sentiment qu’il s’agit d’un accord qui confère réellement de gros avantages aux Algériens que la France a bien voulu leur concéder. Ce qui est loin de la vérité, et ce sont les connaisseurs de la chose qui le disent en replaçant l’accord dans son contexte historique.
À sa signature, l’accord était doublement bénéfique pour la France. Il s’agit, d’un côté, de mettre fin à la libre circulation instituée par les accords d’Évian et de l’autre, de continuer à bénéficier de la main d’œuvre algérienne vitale pour le tissu économique français pendant la période dite des "Trente glorieuses".
"On est passé d’une circulation de peuplement, avec des gens qui pouvaient circuler librement, à l’instauration d’une migration de travail. On avait besoin de main-d’œuvre sur tous les terrains", a expliqué sur France Info Benjamin Stora, l’historien qui a beaucoup travaillé sur la période coloniale et la relation algéro-française postindépendance.
L’idée trouvée par les autorités françaises de l’époque était de donner aux Algériens "le statut de travailleurs étrangers« , soit une forme de »compensation« car »il n’y a donc plus de liberté de circulation« , ajoute Benjamin Stora.
L’avocat et homme politique français Jean-Pierre Mignard dit les choses encore plus crûment : "Ce n’est pas un cadeau que la France à fait à l’Algérie".
Dans un entretien à TSA, Mignard a expliqué que les accords de 1968, "l’ont été aussi parce que la France avait besoin des travailleurs algériens qu’elle connaissait bien et qui connaissaient bien sa langue, ce qui était considérable pour l’industrie française".
"Nous avons été très satisfaits de pouvoir compter sur le savoir-faire professionnel et les capacités linguistiques des travailleurs algériens", reconnaît-il.
L’affirmation selon laquelle les Algériens sont avantagés par rapport aux ressortissants des autres pays est démentie par les faits et les chiffres 55 ans après la signature de l’accord.
"Les Marocains, qui ne bénéficient pas d’un accord identique et bien que leur immigration est tardive, constituent 11,7 % de l’immigration en France, quasiment autant que les Algériens (12,2 %)", a simplement noté le juriste Hocine Zeghbib dans une tribune publiée dans Le Monde en janvier dernier.
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