En France, le débat autour de l’accord franco-algérien de 1968 n’en finit pas. Ce mardi 4 mars, ce traité a été débattu au Sénat à l’initiative des sénateurs Les Républicains qui dénoncent un accord « totalement déséquilibré », appelant à sa dénonciation.
Le gouvernement français, représenté lors des débats par le ministre délégué chargé de l’Europe Benjamin Haddad, semble avoir changé de ton après l’intervention du président Emmanuel Macron et a étalé sa position qui consiste en une renégociation pour durcir les conditions de l’immigration familiale algérienne au profit d’une immigration plus qualifiée.
Pour la sénatrice LR Muriel Jourda, si la France met fin à ces accords, « nous ne ferons que rétablir des relations équilibrées entre deux pays qui, me semble-t-il, ne se doivent plus grand-chose ».
Révision de l’Accord de 1968 : les trois pistes proposées par Paris
En réponse à la majorité sénatoriale de droite et du centre, qui dénonce l’accord en question, le ministre délégué a rappelé que le traité de 1968 ne concernait pas l’immigration illégale et n’abordait pas la question des laissez-passer consulaires, rapporte Public Sénat.
Dans le volet de l’immigration illégale, « l’Algérie relève pour l’essentiel du droit commun et non d’un accord dérogatoire », a indiqué l’intervenant.
Selon lui, le taux de délivrance des laissez-passer consulaires est d’ailleurs en hausse de 42 % l’année dernière, précisant que « ce chiffre est en augmentation, mais il est insuffisant ».
Concernant l’accord de 1968, Benjamin Haddad souligne que le gouvernement français ouvre la voie à une renégociation avec l’Algérie.
« Il ne correspond pas aux exigences du temps présent, à ce que sont nos intérêts migratoires et nos exigences », a-t-il jugé devant les sénateurs.
Le ministre délégué chargé de l’Europe a évoqué trois propositions de modification. En premier lieu, il a plaidé pour un rapprochement des principes de l’accord avec l’application du droit commun, en particulier pour l’immigration familiale.
La France veut durcir les conditions du regroupement familial pour les Algériens
Il explique à ce propos que l’accord franco-algérien de 1968 « facilite l’immigration familiale, au détriment de l’accueil de talents, d’étudiants ou de professionnels », plaidant ainsi pour un durcissement des conditions du regroupement familial pour les Algériens.
La deuxième possibilité consiste en une introduction dans cet accord de « dispositifs attractifs pour les profils les plus dynamiques », dont les étudiants et les travailleurs qualifiés. Et en fin, il estime qu’il faudrait renforcer dans l’accord « les exigences républicaines d’intégration en matière linguistique ou civique ».
Contrairement au Premier ministre, François Bayrou, et au ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui avaient donné un ultimatum à Alger, avant de remettre en cause cet accord, Benjamin Haddad n’a pas abordé l’idée d’une dénonciation devant les sénateurs.
« Une cacophonie irresponsable au sommet de l’État », dénonce la gauche sénatoriale
Il s’est plutôt aligné sur la position d’Emmanuel Macron qui n’a pas manqué de recadrer le chef du gouvernement et le ministre de l’Intérieur, dans une déclaration au Figaro lundi 3 mars, en rappelant que cet accord relève exclusivement de ses prérogatives, précisant qu’une rupture unilatérale de l’accord par la France n’aurait « pas de sens ».
L’intervention du chef de l’État français semble avoir refroidi les ardeurs de Retailleau et de Bayrou quant à la remise en cause de l’accord qui lie les deux pays. Mais pour la gauche sénatoriale, il s’agit tout simplement d’une « cacophonie au sommet de l’État ».
Ce qui est qualifié par la sénatrice socialiste Corinne Narassiguin « d’irresponsable ». Lors des débats, elle a affirmé que « le mauvais spectacle actuel au sujet de l’Algérie affaiblit la voix de la France sur la scène internationale ».