Le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-Eddine Hafiz a pris position ce vendredi 28 mars dans un entretien à Sud Radio sur l’affaire Boualem Sansal, en lançant un appel au président Abdelmadjid Tebboune pour lui accorder une grâce présidentielle. Il fait quelques révélations sur cette affaire qui survient dans un contexte de grave crise entre Alger et Paris.
Est-ce que vous appelez le président algérien à gracier Boualem Sansal, qui a été condamné jeudi 27 mars par le tribunal de Dar el Beida (Alger) à 5 ans de prison ferme, a demandé le journaliste de Sud Radio Jean-Jacques Bourdin ?
« Je le fais avec plaisir, mais je l’ai déjà fait à plusieurs reprises. Je suis avocat et je sais ce que c’est la prison. Au même temps, il est âgé et il est malade. Son épouse est malade. Vraiment, à titre humanitaire, c’est quelque chose qui tombe dans le sens », a -t-il répondu.
Hafiz lance un appel au président Tebboune pour gracier Boualem Sansal
Boualem Sansal a été condamné jeudi 27 mars en première instance par le tribunal de Dar el Beida (Alger) à cinq ans de prison ferme et 500.000 dinars d’amende. Lors de son procès qui a eu lieu jeudi 20 mars, le parquet a requis 10 ans de prison ferme et un million de dinars d’amende.
Arrêté et placé sous mandat de dépôt la mi-novembre dernier en Algérie, l’écrivain franco-algérien d’extrême droite est poursuivi pour “atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, actes susceptibles de nuire à l’économie nationale et détention de vidéos susceptibles de porter atteinte à la sécurité du pays ».
Le 2 octobre, il a déclaré au site Frontières, qu’une partie de l’Algérie appartenait historiquement au Maroc.
Face à Jean-Jacques Bourdin ce vendredi, le recteur de la Grande mosquée de Paris a réitéré son appel au président Tebboune pour gracier Boualem Sansal dont l’arrestation a aggravé la crise entre l’Algérie et la France, déclenchée le 31 juillet dernier par la décision du président Emmanuel Macron de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.
Le même jour de l’annonce de cet alignement de la France sur les thèses marocaines concernant les territoires sahraouis occupés, l’Algérie a retiré son ambassadeur à Paris. Près de huit mois après, le poste est toujours vacant.
« Vous appelez le président algérien à la grâce ? », a demandé le journaliste. « Bien sûr, et depuis le début, c’est-à-dire quand il a été interpellé. Je me suis intéressé à lui, après quelques vérifications, et on m’avait dit que dès sa garde à vue, il a eu accès à pouvoir parler à quelqu’un de l’extérieur. Je crois même qu’il a parlé à deux personnes, je ne sais pas lesquelles », a répondu encore Chems-Eddine Hafiz.
Ce dernier a démenti les informations des médias français selon lesquelles l’avocat François Zimeray n’a pas obtenu de visa pour défendre Sansal « parce qu’il est juif ».
Affaire de l’avocat François Zimeray : la mise au point de Hafiz
« C’est faux. Personne, sous l’autorité du président Tebboune, n’a refusé son entrée parce qu’il est juif », a assuré le recteur de la Mosquée de Paris, en rappelant que c’est l’éditeur Gallimard qui a constitué François Zimeray comme avocat de Sansal, et non pas l’intéressé, ce qui est contraire au droit pénal.
L’avocat français a fait une deuxième demande de visa pour se rendre en Algérie, il « n’a pas reçu de réponse mais n’a pas été refusée », selon Hafiz.
Relancé par le journaliste pour savoir si le président Tebboune va gracier l’écrivain franco-algérien, Chems-Eddine Hafiz a répondu : «Si on fait de la politique-fiction, je pense que le président de la République algérienne va décider de sa grâce».
Dans la foulée, le recteur de la Grande mosquée de Paris a rappelé un premier geste d’apaisement d’Alger dans cette affaire que l’extrême droite et la droite ainsi que des ministres gouvernement français comme Bruno Retailleau utilise pour s’en prendre l’Algérie. Il a expliqué que les faits reprochés à Boualem Sansal ont été requalifiés.
Le dilemme de Boualem Sansal
« Au début, les faits qui lui ont été reprochés étaient de l’ordre de le faire passer devant l’équivalent (en France) de la Cour d’assises, c’est-à-dire le tribunal criminel, c’est-à-dire, une instruction plus longue et des conditions plus difficile pour lui. L’affaire a été correctionnalisée. Boualem Sansal est passé devant le tribunal correctionnel. Maintenant que son procès est terminé, il lui reste une chose : est ce qu’il va faire appel ? », a développé le recteur de la Grande mosquée de Paris.
Chems-Eddine Hafiz a enchaîné en expliquant qu’une éventuelle grâce présidentielle de Boualem Sansal dépend de la décision de Boualem Sansal de faire appel ou non de sa condamnation.
« S’il ne fait pas appel, c’est qu’il reconnaît les faits », a-t-il dit. Dans ce cas, Boualem Sansal pourrait bénéficier de la grâce présidentielle. Si l’écrivain fait appel de sa condamnation, il ne pourra pas être gracié, a expliqué Chems-Eddine Hafiz qui est avocat honoraire.
Un « dilemme » pour l’écrivain franco-algérien qui a nié les faits qui lui sont reprochés lors du procès.
Crise Alger – Paris : reprise du dialogue
« Je ne sais pas dans quel état d’esprit se trouve Boualem Sansal », a poursuivi le recteur de la Grande mosquée de Paris, en révélant que les deux présidents Tebboune et Macron ne sont pas parlés au téléphone, mais « il y a eu des émissaires », confirmant ainsi la reprise du dialogue entre Paris et Alger.
« Il n’y a pas eu de relations directes entre les présidents Macron et Tebboune, mais il y a eu des émissaires sur l’ensemble de la relation franco-algérienne», a révélé Chems-Eddine Hafiz.