L’extrême-droite française n’aime pas les discours nuancés. Le chercheur Nedjib Sidi Moussa est vilipendé par ce courant depuis qu’il a critiqué l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné depuis le 16 novembre en Algérie. Face aux attaques racistes qui le ciblent, le politologue suscite cependant un immense élan de solidarité.
Nedjib Sidi Moussa était invité, dimanche 24 novembre, sur France 5 pour débattre de l’affaire de l’arrestation de l’écrivain franco-algérien.
Sur le plateau, il y avait aussi Benjamin Stora. L’historien a réfuté catégoriquement les propos de Boualem Sansal qui avait prétendu début octobre qu’une partie de l’Ouest de l’Algérie a appartenu dans le passé au Maroc.
Nedjib Sidi Moussa, lui, a contextualisé l’affaire, rappelant les accointances de Boualem Sansal avec l’extrême-droite française, tout en exprimant clairement son opposition à son emprisonnement.
Dès le lendemain, les éditorialistes des médias proches de cette mouvance ont mis une cible dans son dos, qualifiant le politologue d’origine algérienne notamment d’islamiste. Les réseaux sociaux ont ensuite pris le relais et le politologue s’est retrouvé assailli de toute part, essuyant de graves attaques racistes et haineuses.
« C’était une attaque industrielle qui a été fomentée par des cercles d’extrême-droite et relayée sur les réseaux sociaux et les médias de masse, notamment la galerie Bolloré », dira-t-il plus tard dans Arrêt sur images. « Ils ont blessé ma famille », a-t-il poursuivi.
L’homme a dû bloquer ses comptes sur les réseaux sociaux et sa messagerie. « Je recevais des messages de haine dès le lendemain (de l’émission) à partir du moment où ces éditorialistes m’ont pointé du doigt », fait-il savoir, expliquant que ce qui lui est reproché ce n’est pas tant d’avoir critiqué Boualem Sansal, mais d’avoir cité l’extrême-droite et d’avoir fait le lien entre le passé colonial de la France et la situation actuelle.
« C’est quelque chose qui est intolérable chez plein de gens », regrette le politologue franco-algérien qui a tenu un discours différent sur l’affaire Sansal et surtout contraire à celui de l’extrême droite.
Dans un entretien paru le 28 novembre dans Mediapart, Nedjib Sidi Moussa a analysé plus en profondeur le phénomène Boualem Sansal et Kamel Daoud, promus selon lui « de manière stratégique pour mener les guerres culturelles à la française ».
Tout en réitérant son refus de principe de l’emprisonnement de l’un des idéologues de l’extrême droite française, il a insisté sur le fait que le discours de Sansal « est tout sauf humaniste : il est raciste, colonialiste et réactionnaire ».
Vive polémique en France autour du politologue franco-algérien Nedjib Sidi Moussa
Le politologue a été pendant plusieurs jours traîné dans la boue par l’extrême-droite et ses relais dans les médias et les réseaux sociaux qui l’ont accusé notamment d’être un islamiste, ce qui dénote une ignorance totale de ses œuvres.
Il est victime de ceux-là mêmes qui défendent Sansal au nom de la liberté d’expression. Ce qu’ils permettent à l’écrivain franco-algérien ne le tolèrent pas au politologue qui a les mêmes origines que Sansal, parce qu’il ne tient pas le même discours vis-à-vis de l’islam, des musulmans et de l’Algérie que celui de l’auteur de « 2084 : la fin du monde ».
L’attaque la plus virulente est venue du peintre et dessinateur proche de l’extrême-droite Xavier Gorce. « Il y a de l’égorgeur en puissance dans cet argumentaire », a-t-il écrit sur X à propos du passage de Nedjib Sidi Moussa sur France 5.
« Il a mis une cible dans le dos de Boualem Sansal », l’a accusé pour sa part le journaliste Joseph Macé-Scaron sur Europe 1.
La sociologue Florence Bergeaud-Blackler, elle, a attaqué Sidi Moussa pour son analyse livrée à Mediapart.
« Nedjib Sidi Moussa, politologue sans poste, mais au service de son maître, crache son venin sur Boualem Sansal, Kamel Daoud et tous les Arabes qui ne servent pas la cause « indigène ». Ce qu’il a dit en plateau est bien peu par rapport à ce qu’il confie ici à Mediapart », a écrit sur X celle qui a consacré plusieurs ouvrages aux Frères musulmans.
Par ailleurs, la chercheuse affiliée au CNRS a qualifié le politologue de « pauvre con », suscitant l’indignation de nombreux universitaires.
Cependant, il n’y a pas que l’extrême-droite qui se fait entendre en France. Beaucoup de voix se sont élevées pour défendre Nedjib Sidi Moussa et le politologue lui-même s’en est félicité.
Le soutien le plus remarquable qui lui a été exprimé est celui d’une quarantaine d’historiens et enseignants à travers une tribune publiée dans plusieurs médias, dont Mediapart.
« Cette polémique est symptomatique du climat actuel où toute nuance semble être perçue par les uns et par les autres comme une attaque ou une trahison », écrivent les historiens.
Les auteurs de ces attaques « poussent à assimiler tous les hommes d’origine algérienne qui montreraient un peu de nuance dans leur propos à un terroriste islamiste en puissance », ajoutent les signataires, soulignant que dans la même émission, un autre intervenant, Sébastien Ledoux, a tenu des propos similaires à ceux de Nedjib Sidi Moussa, mais il a été épargné par les attaques.
Pourtant, ajoute-t-il, « une simple recherche sur le parcours de Nedjib Sidi Moussa, une écoute de ses interviews ou une lecture de ses livres auraient bien montré que ce chercheur a pris clairement position contre l’islamisme ».
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