Le groupe Sonatrach ne produit pas uniquement du pétrole et du gaz dont les exportations permettent à l’Algérie de tirer l’essentiel de ses devises. Il investit aussi dans la production de l’eau dessalée et l’agriculture.
Dans le grand sud, le géant pétrolier public exploite plus de 26.000 hectares de culture. Plus connue pour l’exploration pétrolière que l’agriculture, cette société s’oriente vers l’agriculture saharienne.
Un lien réunit ces deux activités : le forage de puits. Que ce soit pour la recherche d’eau ou de pétrole, le matériel est identique et permet de créer des emplois.
L’agriculture saharienne implique également de gros travaux d’aménagement. Outre les forages et les pistes, il s’agit de creuser d’immenses bassins, de poser des canalisations et d’installer des bases de vie.
Or, comme le leader du BTP Cosider qui est également engagé dans l’agriculture saharienne, la Sonatrach dispose de matériel et de savoir-faire logistique.
Sonatrach, un géant pétrolier qui investit dans l’agriculture en Algérie
Arar Abdallah, le directeur général d’Agro-alimentaire activités-3A, la filiale de Sonatrach spécialisée dans l’activité agricole, le confirme : « Nous avons une complémentarité entre les différentes activités : certaines entreprises creusent les sols, d’autres s’occupent des semis, tandis que d’autres encore se chargent de l’irrigation ».
C’est à l’occasion du Salon international de l’agriculture d’Oran, tenu du 29 janvier au 1er février, qu’Arar Abdallah a dressé un premier bilan d’étapes suite au programme du ministère de l’Agriculture et du Développement rural. Un programme qui fait suite aux orientations du président Abdelmadjid Tebboune en conseil des ministres. L’agence APS en révèle le détail.
Les superficies mises en culture par la filiale de la Sonatrach atteignent aujourd’hui 4.000 hectares à Touggourt, 3.000 à Ouargla, 16.000 à Adrar et 3.000 à Saïda. Une activité tournée vers « les cultures stratégiques telles que les céréales (blé et orge) et à l’élevage du bétail », selon Ara Abdellah, rapporte le quotidien El Moudjahid.
A leur début, ces activités agricoles ont été confiées, comme dans le cas de l’Arabie Saoudite, aux compagnies pétrolières américaines qui opéraient en Algérie.
A la suite de la loi de 1983 portant sur l’Accession à la Propriété Foncière Agricole (APFA), 150 rampes pivot ont été importées et 40 d’entre-elles ont été installées sur les 2 000 hectares des fermes pilotes de Gassi-Touil, les autres étant vendues à des investisseurs privés.
Les premières récoltes ont été suivies par d’autres aux résultats plus moyens. Des chercheurs de l’Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie d’El Harrach ont eu l’occasion de dresser un premier bilan de la culture du blé à Gassi Touil.
C’est le cas d’Arezki Mekliche qui, en 2015 à l’occasion d’un colloque à l’université de Ouargla, a décrit les défis qu’ont dû affronter les pionniers de l’agriculture saharienne en Algérie.
Il est apparu qu’une partie des semences utilisées provenant du nord du pays étaient infestées de graines de mauvaises herbes.
Celles-ci se sont développées sous les pivots ce qui s’est traduit par des pertes de rendement alors que, durant les premières années, les herbicides adéquats manquaient parfois.
L’irrigation réalisée à partir d’eau chargées en sel a abouti, dès les premières campagnes à une chute de rendement. Seul le branchement ultérieur sur la ligne d’alimentation en eau de la dizaine de pivots étudiés d’un forage présentant une eau moins chargée en sel que les forages voisins a pu rétablir de meilleurs rendements.
Agriculture saharienne en Algérie : de nombreux défis à relever
Dès 1996, l’ingénieur pédologue Rabah Lahmar a attiré l’attention sur les risques de salinisation des terres du fait de l’utilisation d’eaux contenant entre 2 et 8 gr/L de sels.
Il illustrait le défi posé en faisant remarquer que pour « un hectare de blé qui consomme 6.000 m3, si l’eau d’irrigation contient 2 gr/L de sels, la culture peut alors laisser dans le sol en fin de cycle 12 tonnes de sels ».
Il suggérait alors une meilleure maîtrise de l’irrigation et un drainage adéquat. Une situation qui a amené les firmes d’agrofourniture à proposer des produits correcteurs.
Les études menées par des universitaires sur les premiers pivots installés ont montré des cas d’attaques de moineaux avec des pertes de 46 à 86%.
Sur les plants de blé, la présence de fusariose a été diagnostiquée nécessitant l’emploi de fongicides pour réduire ces attaques favorisées par l’humidité permanente du feuillage liée au mode d’irrigation. Sous des pivots abandonnés, des relevés floristiques ont mis en évidence la présence d’espèces de mauvaises herbes étrangères dans la région.
Face à ces déconvenues, certains investisseurs cessèrent leur activité, l’expert Kader Etsouri évoquant « Les cimetières des exploitations » à travers les rampes pivot abandonnées. Ce n’est qu’avec le relèvement des prix d’achat du blé opéré en 2008 par l’OAIC, que les surfaces ont augmenté au sud.
En mai 2022, Hassan Benyahia, directeur de production à la Société 3-A confiait au quotidien El-Moudjahid « nous avons relancé l’activité de la ferme, mise à l’arrêt depuis plus d’une quinzaine d’années ». Une relance qui passe par la production de semences de blé dur sur 160 hectares pour arriver en 2024 à 450 hectares. But, faire de Gassi Touil : « un pôle d’excellence de production de semences et de suivi du comportement de nouvelles variétés ».
Pour sa part, le chef de projet, Mustapha Bouhaouchine confiait son souhait d’arriver en 2022 à la production de « 6.500 quintaux de semences de blé dur » et de « 18.500 bottes de paille » en ayant comme objectif un rendement moyen de plus de 50 quintaux. De la paille vendue aux éleveurs, mais indispensable pour l’amélioration de la fertilité du sol.
A travers ses implantations dans les wilayas de Touggourt, Ouargla, Adrar et Menia le programme de la Sonatrach est ambitieux.
Progressivement les équipes techniques capitalisent l’expérience nécessaire pour relever le défi de la salinité et de la protection des cultures contre les parasites.
Autre annonce du directeur général, le développement de l’élevage : « A moyen terme, nous ambitionnons d’atteindre un cheptel de 20.000 têtes de bovins ».
L’entreprise envisage également de se lancer dans l’aquaculture avec la production de tilapia et de crevettes, cette activité connaît un développement local suite à un partenariat avec la Corée du sud. La diversification des activités de la Sonatrach se traduit par la contribution à une meilleure autosuffisance alimentaire et par la création de postes de travail particulièrement appréciée par les jeunes sans emploi comme dans le cas de la wilaya d’Ouargla.