Économie

Aïd 2025 : l’exportation de moutons vers l’Algérie divise l’Espagne

L’Algérie a décidé d’importer jusqu’à un million de moutons pour l’Aïd el-Adha 2025 et l’Espagne figure parmi les pays fournisseurs. La décision de Madrid d’autoriser l’exportation d’animaux vivants vers l’Algérie divise le pays.

Si l’organisation professionnelle agricole, Asaja Extremadura, qui regroupe plus de 5.000 agriculteurs et éleveurs, a donné au ministère espagnol de l’Agriculture sont accord pour « faciliter l’exportation d’ovins espagnols vers l’Algérie » afin de combler les pertes dues à la décision du Maroc de faire l’impasse sur le rituel du sacrifice de l’Aïd el-Adha 2025, la filière viande locale n’est pas d’accord.

L’Association espagnole des industries de la viande (Anice) a exprimé son opposition en pointant des répercussions négatives sur le marché local.

L’Anice représente plus de 600 entreprises, dont de nombreuses PME qui génèrent des milliers d’emplois en Espagne.

L’industrie espagnole de la viande représente un secteur important de l’économie espagnole. Avec un chiffre d’affaires annuel de près de 25 milliards d’euros, ce secteur représente un lobby de poids.

La plainte de la filière abattage intervient après la décision de l’Espagne d’autoriser l’exportation vers l’Algérie par bateaux d’animaux âgés de 6 à 24 mois.

Le 15 avril, le média espagnol EfeAgro a indiqué avoir eu confirmation de la part du ministère espagnol de l’Agriculture de la Pêche et de l’Alimentation (MAPA) que « l’Espagne autorise l’exportation par bateau d’ovins vivants vers l’Algérie à partir du 21 avril prochain, suite à un accord conclu avec les autorités algériennes ».

Une exportation autorisée « uniquement pour l’abattage et probablement jusqu’à la fête » de l’Aïd el-Kebir 2025, qui aura lieu au début du mois de juin, selon ces sources espagnoles.

Les menaces de la filière espagnole de l’abattage

L’Anice critique l’accord algéro-espagnol sur plusieurs points. Il y a d’abord l’effet sur le marché local : « Cette mesure réduira l’offre dans un marché tendu, où les prix des ovins ont atteint des records historiques, en raison de la forte baisse du nombre d’ovins enregistrée ces dernières années », indique l’association, dans un communiqué.

L’Anice, fait remarquer qu’en plus des exportations de moutons vers l’Algérie, il s’agit de tenir compte aussi de celles vers le Maroc. Elles interviennent dans un contexte de baisse continue des effectifs du cheptel espagnol sous l’effet de la sécheresse.

« Nous traversons une période marquée par des pénuries nationales, avec des prix records et une forte tension sur le marché. Autoriser l’exportation d’animaux vivants maintenant est une solution facile mais profondément préjudiciable à toute la chaîne de valeur », a déclaré Giuseppe Aloisio ,  le directeur général de l’Anice.

Menaces de l’Anice, les réelles motivations

L’Anice estime que l’exportation de moutons vers l’Algérie « crée une incitation à déplacer l’activité d’élevage vers des marchés spéculatifs, centrés sur le commerce d’animaux vivants », rapporte le média Agronews Castille-et-León. Mais, le fonds du problème est que ce type d’exportation ne permet pas de « consolider la valeur ajoutée qui provient de l’abattage, de la découpe et de l’exportation de produits carnés produits en Espagne ».

En effet, à travers les salles de découpe et des entreprises de transformation, la filière de l’abattage concerne de nombreux emplois et constitue une activité très rentable. Aussi, à travers l’exportation, la filière espagnole de l’abattage voit disparaître une partie de ses revenus.

Agronews Castille-et-León prend pour exemple le cas de la viande de bœuf qui concerne « plus de 149 millions d’ euros d’exportations ». Le marché algérien est capital pour la viande bovine espagnole : « Depuis 2019, les exportations de viande bovine et d’abats vers l’Algérie ont augmenté de plus de 116 % en valeur et de plus de 40 % en volume » selon la même source.

Menaces de l’Anice, l’argument sanitaire

L’autre biais d’attaque de l’Anice contre l’exportation de moutons sur pieds concerne « un changement dans la politique de santé » des autorités sanitaires algériennes.

Agronews rappelle que : « Historiquement, l’exportation d’animaux vivants vers ce pays d’Afrique du Nord était exclue pour des raisons sanitaires. Le risque de maladies animales hautement contagieuses avait été une raison suffisante pour maintenir cette frontière sanitaire infranchissable ».

L’Anice se demande ce qui a changé au niveau de la situation sanitaire actuelle en Espagne pour que cette restriction, en vigueur depuis des années, soit levée si soudainement par les autorités algériennes.

« Bien qu’elle soit limitée au transport maritime, la décision soulève néanmoins des doutes raisonnables sur les critères qui ont motivé le changement », souligne l’association.

Dernier argument de l’Anice, la dégradation au niveau international de l’image des produits agroalimentaires espagnols. La filière espagnole se targue d’avoir acquis « un prestige croissant en matière de qualité, de sécurité alimentaire, de traçabilité et de durabilité ».

Pressions sur le gouvernement espagnol

Forte de ses arguments l’Anice appelle les pouvoirs publics espagnols à « repenser la mesure et protéger la chaîne de valeur nationale », résume Agronews Castille-et-León .

Dans son communiqué, l’Anice exhorte le gouvernement espagnol de reconsidérer l’autorisation de ces exportations vers l’Algérie et de donner la priorité aux besoins du marché intérieur en rappelant que les abattoirs, l’industrie et les éleveurs sont « confrontés à une situation critique ».

Et à ce titre cette association demande que « l’exportation de viande et de produits carnés reste la pierre angulaire des relations commerciales avec des pays stratégiques comme l’Algérie, en évitant les décisions qui pourraient compromettre la durabilité du modèle agro-industriel espagnol ».

Menaces sur les importations et la production nationale

Ces pressions du lobby de la filière abattage sur les pouvoirs publics espagnols rappellent la situation qu’ont vécue de nombreux pays à l’époque de l’épidémie du Covid-19. Leurs moyens financiers ne les mettaient pas à l’abri de contraintes multiples dont celles liées à l’arrêt des moyens logistiques au niveau international.

Une situation qui incite à compter sur la production nationale. Avec plus de 20 millions d’hectares de pâturages steppiques, l’Algérie dispose d’un potentiel important pour développer l’élevage du mouton.

Des parcours cependant gravement menacés de désertification du fait du surpâturage. Jusqu’ici l’élevage pastoral a été de type cueillette, les éleveurs se contentant de faire pâturer par leurs bêtes la végétation naturelle. Une autre façon de faire pourrait être de les faire participer à la plantation d’arbustes fourragers.

Entre sécheresse et menaces sur les importations en provenance d’Espagne, jamais le mouton de l’Aïd el-Adha 2025 n’aura été autant désiré.

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