Un ambassadeur convoqué deux fois en un peu plus d’un mois, c’est du jamais vu dans l’histoire des relations entre l’Algérie et la France.
C’est aussi un signe supplémentaire que les deux pays traversent bien la crise la plus grave depuis l’indépendance.
Stéphane Romatet, l’ambassadeur de France en Algérie, a été convoqué par le secrétaire d’État chargé de la communauté nationale à l’étranger, Sofiane Chaib, indique un communiqué du ministère des Affaires étrangères diffusé ce mardi 28 janvier.
Cette fois, le diplomate français a été convoqué pour lui signifier la « ferme protestation » du gouvernement algérien suite aux traitements « provocateurs » réservés à des ressortissants algériens au niveau des aéroports de Paris, explique la diplomatie algérienne.
L’Algérie dénonce des traitements « dégradants » envers ses ressortissants dans les aéroports parisiens
À la mi-décembre dernier, Stéphane Romatet avait été convoqué au ministère des Affaires étrangères suite à la diffusion par la Télévision algérienne des aveux d’un ancien terroriste reconnaissant que les services français ont tenté de le manipuler pour créer des cellules terroristes en Algérie.
La convocation n’avait pas fait l’objet d’une communication officielle. Elle a été révélée par le quotidien gouvernemental El Moudjahid.
Cette deuxième convocation de l’ambassadeur de France en Algérie fait suite à des témoignages sur des « mauvais traitements » sur des ressortissants algériens dans des aéroports parisiens.
« L’Algérie relève avec une profonde préoccupation les témoignages concordants d’un certain nombre de ressortissants algériens sur des traitements provocateurs, dégradants et discriminatoires auxquels ils sont soumis par la Police aux Frontières au niveau des aéroports de Roissy Charles-De-Gaulle et d’Orly », précise le communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Aussi, le secrétaire d’Etat Chaib a convoqué Stéphane Romatet « ‘pour lui signifier la ferme protestation du gouvernement algérien face à de tels agissements totalement inadmissibles », lit-on encore.
L’Algérie dénonce des pratiques qui “déshonorent” le gouvernement français
Le membre du gouvernement algérien a aussi affirmé à l’ambassadeur de France “le rejet catégorique de l’Algérie de toute atteinte, de quelque manière que ce soit, à la dignité de ses citoyens, ou de les instrumentaliser à des fins de pression, de provocation ou de tentative d’intimidation à l’encontre de leur pays », ajoute le communiqué.
Le ministère des Affaires étrangères conclut en indiquant qu’il a été demandé à l’ambassadeur “d’informer son gouvernement de la nécessité de prendre toutes les mesures indispensables, afin qu’il soit mis fin, sans délai, à ces agissements et pratiques inacceptables qui déshonorent le gouvernement français ».
La relation entre l’Algérie et la France traverse une crise aiguë, qualifiée par les observateurs de plus grave entre les deux pays depuis l’indépendance.
L’Algérie est sans ambassadeur à Paris depuis le retrait de Saïd Moussi fin juillet dernier, en protestation contre la décision de la France de reconnaître la “souveraineté marocaine” sur le Sahara occidental.
Les tensions ont été exacerbées par plusieurs éléments, dont les attaques de l’extrême-droite française suite à l’arrestation à Alger de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal à la mi-novembre, les révélations sur les agissements des services français en Algérie et surtout l’affaire des influenceurs algériens arrêtés en France pour appels à la violence.
Le 9 janvier, l’Algérie a refusé d’accueillir l’un d’entre eux, expulsé le jour même par la France.
Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a accusé l’Algérie de chercher à “humilier la France”. De nombreuses voix de l’extrême-droite et de la droite dure, dont le même Retailleau, ont multiplié les appels à prendre des mesures contre l’Algérie, contribuant à envenimer davantage la situation.
Le 6 janvier, le président Emmanuel Macron s’est attaqué à l’Algérie, estimant qu’elle se “déshonore” en maintenant en détention l’écrivain Boualem Sansal.
Le journal El Moudjahid a rapporté que, lundi, “des voyageurs algériens munis de visas en règle ont subi un calvaire à leur arrivée aux aéroports français, notamment à Paris”.
Dès la descente d’avion des voyageurs algériens à l’aéroport CDG, tous les guichets ont été “ à l’aéroport CDG, à l’exception d’un seul, réservé exclusivement pour eux.
“Il s’en est suivi des files d’attente interminables et des contrôles intrusifs d’une longueur démesurée” écrit El Moudjahid qui cite le témoignage du cinéaste algérien Bachir Derrais.