L’Algérie veut se doter d’une nouvelle loi sur les partis politiques. Un projet de loi a été préparé par la commission chargée de la réforme. Le texte a été transmis aux partis politiques.
Les consultations autour de la nouvelle loi sur les partis politiques constituent la première étape d’un dialogue national autour de cette réforme.
Ces consultations ont été annoncées par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, dans son discours devant les membres du Parlement fin décembre dernier.
La première mouture de l’avant-projet de loi est fin prête. Le texte prévoit beaucoup de changements pour les statuts et le fonctionnement des formations politiques.
Des changements dictés par la nécessité de rendre conforme le dispositif législatif en vigueur aux dispositions de la Constitution de 2020 qui garantit aux partis politiques la liberté d’opinion, d’expression, de réunion et de manifestation pacifique, le droit d’accès aux médias publics et aux financements publics, ainsi que l’exercice du pouvoir à travers l’alternance démocratique, explique le gouvernement dans l’exposé des motifs.
Interdiction du nomadisme politique en Algérie
Le multipartisme a été instauré en Algérie il y a plus de 35 ans et la loi en vigueur qui régit les partis politiques date de 2012. Les autorités estiment qu’il est temps de l’adapter aux évolutions que connaît le pays.
Les changements apportés émanent de « la pratique et l’expérience » qui ont démontré « certaines insuffisances et lacunes » dans les dispositions de la loi en vigueur et la non-prise en charge de certaines situations, indique encore le gouvernement.
La première « lacune » que le nouveau texte prend en charge, c’est ce qui est appelé le « nomadisme politique », ou le changement d’affiliation politique après avoir été élu sous les couleurs d’un autre parti.
Si le projet est adopté dans sa mouture initiale, la pratique sera strictement interdite et sanctionnée. « Le membre d’un parti politique élu à l’Assemblée populaire nationale ou au Conseil de la Nation qui aura volontairement changé d’appartenance sous laquelle il a été élu, est déchu de plein droit de son mandat électif et radié définitivement des listes du parti », stipule l’article 21 du projet de loi.
Dans un autre registre, et dans le but de consacrer le fonctionnement démocratique et l’alternance au sein des partis, l’article 37 prévoit que la composante des organes délibérant et exécutif des partis politiques est élue pour deux mandats de cinq ans au maximum.
Boycott des élections : ce que risquent les partis politiques en Algérie
L’article 53 du même avant-projet de loi interdit en outre de mêler l’activité partisane et le militantisme syndical. « Le parti politique ne peut avoir un lien organique de dépendance ou de contrôle avec un syndicat, une association ou toute autre organisation qui n’a pas de caractère politique », y lit-on.
Autre phénomène auquel la nouvelle loi aspire à mettre fin, celui du boycott de plusieurs échéances électorales successives. Cet avant-projet de loi veut donner la possibilité au ministère de l’Intérieur de « saisir la justice pour dissoudre un parti politique qui n’aura pas présenté de candidats à deux élections consécutives ».
Dans l’actuelle loi, cette dissolution peut être prononcée si un parti politique ne participe pas à quatre élections législatives et locales consécutives.
L’article 87 précise les cas dans lesquels le ministre de l’Intérieur peut demander à la justice de prononcer la dissolution d’un parti politique.
Ces cas sont l’exercice par un parti d’une activité contraire à la Constitution ou à la loi, le défaut de candidats à deux échéances électorales consécutives au moins, et le non-respect des dispositions de l’article 84 de la présente loi.
L’article 84 donne au ministre de l’Intérieur la possibilité de prononcer la suspension l’activité d’un parti politique notamment en cas de non-exercice de ses activités organiques ou l’exercice de ses activités après l’expiration du mandat des organes et en cas de conflit entre ses membres entraînant la cessation des activités du parti.
Tous les partis politiques en Algérie, qu’ils soient en conformité ou non avec la loi en vigueur, sont tenus de se conformer aux dispositions de la nouvelle loi, et ce, à travers des congrès qui interviendront immédiatement après la promulgation du texte et sa publication au Journal officiel (article 95).
Des peines pénales, certaines privatives de libertés, sont en outre prévues pour certains faits délictuels en relation avec le fonctionnement des partis politiques.
Le financement de l’étranger, « à quelque titre que ce soit », fait encourir au responsable qui le reçoit une peine de 5 à 10 ans de prison ferme et une amende de 500 000 à 1 million de dinars. Le parti incriminé est, lui, puni d’une amende de 1 à 5 millions de dinars.
La classe politique n’a pas encore fait savoir son avis sur le nouveau texte. L’une des rares réactions est celle de Soufiane Djilali. Le président de Jil Jadid a exprimé un avis tranché sur les réseaux sociaux, estimant que cet avant-projet de loi « abolira indirectement le multipartisme » et que s’il est adopté, « la parenthèse démocratique se refermera ».
Pendant que les Algériens se mobilisent pour défendre leur pays contre les attaques extérieures, le pouvoir rend public un avant-projet de loi qui abolira indirectement le multipartisme. S’il est adopté, la parenthèse démocratique se refermera.
— Soufiane Djilali • سفيان جيلالي (@SoufianeDjilali) January 14, 2025