L’Algérie, grand importateur de blé, peine à développer sa production locale pour réduire sa dépendance vis-à-vis de l’étranger. La filière algérienne des céréales souffrent de plusieurs problèmes liés au retard dans sa modernisation.
Des producteurs de blé se sont regroupés récemment devant la Direction des services agricoles (DSA) de Annaba. Motif, des retards de paiement. En juillet dernier, ils ont livré du blé jugé non conforme car germé à la Coopérative des céréales et des légumes secs (CCLS) locale.
Ces agriculteurs au nombre d’une quarantaine ont confié à la chaîne Web Akhbar Echark qu’ils attendaient d’être payés pour le blé livré début juillet à la CCLS de la commune d’El Hadjar ou du moins être indemnisés.
En juillet, la livraison s’est déroulée dans la plus grande confusion, la CCLS refusant de réceptionner le grain des agriculteurs. Près de 150 camions de 20 tonnes étaient restés plusieurs jours en attente devant des grilles fermées. Finalement une solution avait été trouvée : les camions avaient été déchargés. Si chaque agriculteur avait alors reçu un bon de pesée, ils n’avaient pas reçu les 6.000 DA par quintal de blé dur livré.
Inquiétude concernant les semis d’octobre
Lors de leur regroupement devant la DSA d’Annaba, les agriculteurs se sont étonnés que leur blé « soit entreposé dans de simples hangars au risque de détérioration par la pluie ».
Présent sur les lieux, le président de la Chambre d’agriculture d’Annaba a déclaré multiplier les contacts avec les autorités locales et le ministère concerné.
Un des agriculteurs a indiqué qu’en 33 années de pratique, c’était la première fois qu’un tel retard de paiement se produisait, ajoutant à propos de la précédente récolte : « On a eu des dépenses pour payer la location des terres, les semences, les engrais, le carburant et si on ne nous paye pas nous n’avons plus les fonds pour semer en octobre ».
Un autre agriculteur a indiqué que le regroupement réunissait des agriculteurs d’Annaba et d’El Tarf ajoutant qu’ils se regroupaient pacifiquement. Il a ajouté qu’ils avaient été reçus par la DSA qui leur a indiqué avoir envoyé jusqu’à 3 courriers au ministère de tutelle mais sans aucun retour.
Relatant l’entrevue avec la DSA, un agriculteur a confié que le blé en question avait été déclaré impropre à la consommation et que la solution passait par l’indemnisation des agriculteurs par le fonds de calamités agricoles mais qu’il s’agissait d’une décision dépendant de la tutelle.
Exaspéré, l’agriculteur s’est écrié ne pas comprendre ce déclassement pour non-conformité et qu’il consommait de son blé sans avoir constaté le moindre effet sur sa santé.
Un blé impropre à la confection de pain
Un agriculteur a remis en cause les décisions prises par les agents chargés de l’agréage des livraisons. La germination des grains sur pied se manifeste par l’apparition d’une tige mais peut également être invisible à l’œil.
La pluie arrivant sur le grain mûr déclenche le réveil des enzymes qui commencent alors à dégrader l’amidon.
Dans tous les cas, la qualité du grain se trouve irrémédiablement altérée. Le blé est alors déclassé en blé fourrager et ne peut en aucun cas servir à faire du pain. Le plus grave est que même coupé avec de la farine issue de grains non germés il reste non panifiable.
Pour mesurer les dégâts causés sur les grains, il existe des tests de laboratoire. Un poids est lâché dans un mélange de farine et d’eau. Le temps que met ce poids pour atteindre le fond est alors mesuré.
Pour un temps compris entre 240 secondes et 380 secondes, il n’y a pas d’activité enzymatique et le blé est dit panifiable. Mais si le poids tombe en moins de 170 secondes, cela signifie que le gluten a été dégradé et le blé est déclaré non conforme pour la panification.
La germination des grains sur les épis est liée aux pluies abondantes du mois de juin qu’ont connues plusieurs wilayas du littoral algérien. Le phénomène de réchauffement climatique qui touche l’Algérie pourrait être la cause de cette plus grande irrégularité des pluies.
Pour les régions littorales concernées, la solution passe par le choix de variétés résistantes. Peu habitués à ce type de pluie, les agriculteurs n’avaient pas anticipé ce risque.
Le cas du blé germé des wilayas d’Annaba et d’El Tarf pose la question des indemnisations. Celles-ci peuvent être attribuées sur la base du contrat d’assurance souscrit par l’agriculteur.
Cependant peu d’entre eux assurent leurs cultures bien que cela soit obligatoire lorsque l’agriculteur recours aux subventions publiques.
Ni la germination sur pied ni le risque de sécheresse ne sont pris en compte. Les contrats ne couvrent généralement que les risques de grêle ou d’incendie. Reste alors une seule solution, le recours au fonds de calamités agricoles.
À plusieurs reprises, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Abdelhafid Henni, a dit que pour les agriculteurs victimes de la sécheresse et des inondations, des indemnisations étaient prévues sous forme de dotations en semences et engrais.
Il est également question d’un rééchelonnement sur 5 années des remboursements du prêt de campagne Rfig. Un prêt que les agriculteurs auraient dû rembourser avant le 30 septembre sous peine de pénalités financières.
Contre les calamités agricoles de tout ordre, la modernisation du matériel agricole utilisé peut être une solution. Abdelhafid Henni a également annoncé qu’une concertation avec le ministère de l’Industrie était en cours pour offrir aux agriculteurs du matériel permettant d’améliorer leur productivité.
À l’avenir, l’entreprise publique PMAT pourrait produire des moissonneuses-batteuses de marque Sampo dotée d’une barre de coupe de plus grande largeur alors que celle des modèles actuels n’est que de 2,98 mètres. Un moyen de réduire la durée des moissons et donc la perte de grains par égrainage.
La largeur des outils se pose également dans le cas du semis. Chaque variété de blé possède une période optimale de semis. Mais le plus souvent les opérations de semis en Algérie accusent un retard considérable et se prolongent jusqu’à fin décembre.
Un retard qui réduit la résistance des plants à la sécheresse et se traduit par des pertes de rendement. La lenteur des opérations et leur coût élevé se traduit également par la faiblesse des superficies emblavées.
En Algérie, sur près de 7 millions d’hectares de terres céréalières, en 2022 seul 1,98 million d’hectares a été semé. L’alternative serait de disposer d’outils de plus grande largeur ou d’envisager la simplification des opérations en abandonnant le traditionnel labour.
Une alternative permettant de faire passer la vitesse des chantiers de semis de 2 hectares par jour à 6 hectares avec à la clé une réduction des charges de mécanisation et une meilleure valorisation de l’humidité du sol.
De quoi parer aux risques de sécheresse et donc de moins recourir aux indemnisations.