Dans son bureau situé au dernier étage d’un siège ultramoderne situé à Alger, le patron français de la filiale algérienne d’une grande entreprise française scrute l’horizon.
Même si le ciel d’Alger est dégagé, avec un soleil éclatant en ce début du mois de février 2025, les nouvelles ne sont pas rassurantes. La grave crise diplomatique entre Alger et Paris a plongé les milieux d’affaires français en Algérie dans l’incertitude totale. L’inquiétude grandit avec l’escalade des mots.
Dans ce contexte, il est difficile d’anticiper l’évolution et de cerner les risques sur les affaires. Tout dépendra de l’évolution de la crise diplomatique entre la France et l’Algérie. Aucun chef d’entreprise ne veut se retrouver dans pareille situation.
Les patrons français en Algérie face à l’incertitude
« Ce qui se passe entre l’Algérie et la France est triste », concède ce patron sous couvert de l’anonymat.
Résident à Alger depuis quelques années, il affirme que la crise diplomatique entre la France et l’Algérie « n’a aucun impact sur son entreprise, ni son quotidien dans la capitale algérienne ». Du moins pour le moment.
« Quand je vais en France, je suis étonné que certains me demandent comment ça se passe à Alger. C’est une ville où la sécurité est totale. Je n’ai jamais eu de problème depuis que je suis à Alger. Alors, je réponds que tout va bien. Rien n’a changé en fait », explique-t-il, tout en relatant les faits saillants de l’actualité franco-algérienne de ces derniers mois.
« Pour le moment, il n’y a aucun changement. Bien sûr, qu’il y a un climat pesant. Personne ne peut le nier, mais tout se passe bien avec nos partenaires algériens », assure-t-il. Pour l’avenir, il est difficile de le prédire.
Après une année 2024 qualifiée « d’excellente » pour de nombreuses entreprises françaises installées en Algérie, l’année 2025 s’annonce incertaine en raison justement des tensions politiques avec la France.
« Pas de blocage » des entreprises françaises en Algérie
« Il n’y a pas de signes d’un blocage des entreprises françaises en Algérie », répète à TSA Michel Bisac, président de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF), l’une des rares voix qui s’expriment régulièrement sur l’impact de la crise sur les entreprises françaises implantées en Algérie.
« Le seul blocage est lié aux restrictions des importations des produits finis pour la revente en l’état, mais tous les opérateurs français et algériens sont concernés », enchaîne-t-il.
Pour développer la production locale, l’Algérie a pris de nombreuses mesures pour réduire les importations, tout en offrant aux investisseurs la protection du marché pour se développer. Ainsi, les produits fabriqués localement sont interdits d’importation.
Ce qui peut constituer un avantage de taille pour les investisseurs algériens, selon le sénateur français Rachid Temal qui a effectué, il y a une semaine, une visite de deux jours à Alger, à l’invitation de la CCIAF.
Pour Michel Bisac, les « interventions politiques dans les affaires ne sont jamais bonnes ».
« Laissons-nous travailler, l’Algérie n’est pas un ennemi »
« En France, il y a une escalade des mots. Entendre chaque jour que les Algériens sont des clandestins sous OQTF ou des délinquants, ça suffit ! Il faut que cela s’arrête. Tout le monde veut que cette crise s’arrête. Laissons-nous travailler, l’Algérie n’est pas un ennemi, nous travaillons bien avec les Algériens », s’agace Michel Bisac.
Ce patron met à chaque fois en avant l’ampleur des échanges économiques entre l’Algérie et la France.
« J’étais le premier à souligner l’ampleur des liens économiques entre l’Algérie et la France. Peu de gens en France connaissent la densité de cette relation économique », enchaîne-t-il.
En 2023, ces échanges ont atteint 11,8 milliards d’euros, alors que 6.000 entreprises françaises travaillent avec l’Algérie, selon lui.
Michel Bisac considère que le président Abdelmadjid Tebboune a « ouvert une porte » pour le règlement de la crise avec son interview dans le quotidien L’Opinion où il a répondu « point par point » à toutes les questions soulevées depuis le début de cette crise. « Maintenant, c’est au gouvernement français de faire un pas », propose-t-il.
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