Malgré le flot de faits, de déclarations et de rebondissements dans la crise entre l’Algérie et la France, l’affaire du couple algéro-français que le maire Robert Ménard a refusé de marier n’est pas éclipsée.
L’affaire dépasse, en fait, le sort de deux individus. Elle reflète le déchirement imposé à la communauté de plusieurs millions de personnes que constituent tous ces immigrés et Français ayant un lien avec l’Algérie.
Elle démontre aussi la force des liens que Français et Algériens peuvent tisser, loin des stéréotypes que l’extrême-droite veut imposer dans le débat public, comme celui des Algériens qui font venir leurs compatriotes du pays au nom du regroupement familial ou encore le cliché du mariage blanc que l’on tente de généraliser à toute union binationale.
L’Algérien Mustapha empêché de se marier avec Eva la Française
Pour résumer, Mustapha, un sans-papier algérien, et Eva, une Française, se sont présentés en 2023 à la mairie de Béziers pour officialiser leur union par un contrat de mariage.
Le maire proche de l’extrême-droite, Robert Ménard, a refusé de les marier sous prétexte que l’Algérien était sous OQTF (obligation de quitter le territoire français). Immédiatement après, en juillet 2023, Mustapha est expulsé vers l’Algérie.
Au grand dam du maire, ce n’était pas un mariage de complaisance que le couple voulait contracter pour permettre à l’homme d’obtenir des papiers en France.
La pratique existe certes, mais là, on est devant deux jeunes, un Algérien et une Française, qui, vraiment, tiennent à vivre ensemble et à ne pas être séparés.
Depuis juillet 2023, Eva n’a pas cessé de se battre pour permettre à son fiancé algérien de revenir en France. Este en justice, Robert Ménard risque gros, jusqu’à 5 ans de prison et une amende de 75.000 euros. Les juges lui ont signifié qu’il a transgressé la loi qui n’interdit pas le mariage des citoyens français avec des étrangers sans-papiers, même s’ils sont sous OQTF.
Son attitude reflète l’état d’esprit qui est celui des responsables français issus de la droite dure et de l’extrême-droite en ce moment : dès qu’il s’agit de lutter contre l’immigration illégale, ils croient que tous les excès sont permis, y compris les entorses à la loi. Ils passent outre les textes, en connaissance de cause ou pas. Et ce qu’a fait Robert Ménard n’est pas un cas isolé.
Affaire du mariage refusé : Algériens et Français ont tissé des liens très forts
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, s’est retrouvé presque dans la même situation en multipliant les expulsions d’Algériens pour différents motifs.
Bien qu’il n’ait pas été personnellement assigné comme le maire de Béziers, Retailleau a été désavoué par la justice qui a établi qu’il a commis une entorse à la loi en expulsant, le 9 janvier dernier, l’influenceur algérien Doualemn, pour « appels à la violence ».
Le tribunal de Melun a annulé l’OQTF du ressortissant algérien et, mercredi 12 février, un juge du même tribunal a recadré le ministre de l’Intérieur en direct sur France Inter en lui rappelant qu’il existe un texte en France qui stipule que « lorsqu’un étranger est titulaire d’une carte de résident et que l’administration lui retire sa carte de résident de 10 ans, il ne peut pas faire l’objet d’une OQTF ». Et il se trouve que Retailleau lui-même avait voté ce texte au Sénat, avant qu’il ne devienne ministre en septembre dernier.
Algérie – France, une dimension humaine presque unique
Le combat que mène la Française Eva pour sauver son mariage avec un Algérien et les larmes qu’elle a versées à la sortie du tribunal ont levé le voile sur la souffrance qu’endurent les familles des deux bords à cause de cette gestion à la hussarde du dossier immigration au niveau central et local.
Combien sont-ils à se retrouver dans une situation de déchirement similaire ? Surtout, combien seront-ils si l’extrême-droite est suivie dans ses propositions extrêmes, comme la suspension des visas pour les Algériens ?
Une telle mesure risque de séparer non seulement des couples, mais des enfants et leurs parents, leurs frères et sœurs, leurs cousins, étant donné qu’une grande partie des demandes de visa pour la France émanant des Algériens sont motivées par des visites familiales.
La dimension humaine de la relation algéro-française ne se limite pas, par ailleurs, aux liens que gardent les immigrés et les binationaux avec leur pays d’origine.
Il y a aussi beaucoup de couples mixtes. Au fil des décennies, les Algériens et les Français ont appris à se connaître et ont tissé des liens. Des liens souvent très forts comme le montre cette affaire de mariage refusé.
SUR LE MÊME SUJET :
Refus de Robert Ménard de marier un Algérien : nouveau rebondissement