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Algérie – France : brusque retour à la case départ

Algérie – France : brusque retour à la case départ

Photo par Leo Altman / Adobe Stock

Des déclarations publiques faites de part et d’autre ont laissé entrevoir un début de dégel dans les relations entre Alger et Paris qui traversent depuis six mois leur pire crise depuis l’indépendance de l’Algérie.

Mais il semble que la brouille soit partie pour durer. Ces dernières heures, les signes d’un retour à la case départ se sont multipliés.

Début février, le président de la République Abdelmadjid Tebboune avait exprimé sa disposition à reprendre le dialogue pour peu que des déclarations fortes soient faites du côté français, c’est-à-dire au plus haut niveau de l’Etat. C’était dans un entretien accordé au quotidien français l’Opinion, d’ailleurs salué pour sa teneur par de nombreux observateurs. 

Quelques jours plus tard, l’ancien Premier ministre français Dominique de Villepin a fait des révélations à la chaîne de télévision publique algérienne Al24 News sur des efforts qui sont faits pour sortir de la crise, assurant que « cela va dans le bon sens ».  

« Ce que je peux dire, sur la base de mes rencontres avec de nombreux responsables en France, que ce soit dans les milieux politiques ou économiques, c’est qu’il y a une grande attente et un grand espoir de parvenir à des solutions », a dit l’ancien chef de la diplomatie française sous Jacques Chirac.

Mais il semble que, parallèlement aux « efforts » dont il a fait état, les parties parisiennes hostiles au rapprochement ont aussi déployé les leurs, et avec plus d’efficacité.

Lundi 17 février, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a repris les expulsions dont il n’ignorait pas la suite qui leur sera réservée par Alger. Un ressortissant a été expulsé et l’Algérie l’a refoulé vers la France. C’est la troisième expulsion ratée depuis le début de l’année.

Bruno Retailleau a promis un bras de fer à l’Algérie dès sa prise de fonctions en septembre dernier et il a été bien servi.

Air Algérie dans le collimateur de Bruno Retailleau

Dans la foulée, la presse française a révélé la teneur d’une note interne de la police française selon laquelle la compagnie Air Algérie aurait instruit ses chefs d’escale en France de ne pas laisser embarquer les personnes expulsées non munies d’un laissez-passer consulaire. 

Cette fois, c’est la compagnie aérienne algérienne que Bruno Retailleau a menacé de sanctionner. « J’ai demandé à mes services de voir dans quelles conditions on pouvait sanctionner cette compagnie. On est en train de voir toute l’échelle de la riposte possible », a-t-il dit ce mardi sur TF1. 

Le ministre de l’Intérieur semble se complaire dans ce jeu de menaces à l’égard de l’Algérie. Plus d’une fois, il a été rappelé indirectement à l’ordre par son collègue des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot sur ces empiètements répétés sur un dossier qui relève de la diplomatie et qui plus est extrêmement sensible.

Pour séduire l’électorat de la droite et de l’extrême-droite, il n’y a pas meilleur rôle et posture plus confortable. Retailleau joue à la fois la fermeté et l’impuissance, proposant des « leviers » contre l’Algérie, et soutenant dans le même temps qu’il ne détient pas la prérogative de les actionner.

La stratégie semble marcher pour le ministre de l’Intérieur qu’on dit très « ambitieux ». Il s’est déjà mis en poche l’électorat de son parti Les Républicains, en attendant peut-être celui, plus large, de toute la droite et de l’extrême-droite lors de la présidentielle de 2027.

C’est en fait tout le courant extrémiste qui monte dans les sondages et les urnes en partie sur le dos de la relation avec l’Algérie.

Dans la journée du 17 février, la ministre de la Culture Rachida Dati s’est rendue en visite officielle au Sahara occidental occupé, une première pour un responsable français de ce rang.

Cette fois, il est difficile, du point de vue d’Alger, d’évoquer des ambitions de politique intérieure et encore moins un acte isolé.

Combien même la ministre d’origine marocaine est connue pour son lobbying en faveur du Maroc, il est impensable qu’elle puisse prendre seule l’initiative d’un tel acte dévastateur pour la relation avec un grand pays étranger, de surcroît dans une conjoncture où cette relation est au bord de la rupture.

Algérie – France : les mêmes causes produisent les mêmes effets

Dans sa réaction, très ferme du reste, la diplomatie algérienne n’a pas évoqué le rôle néfaste de l’extrême-droite qu’elle pointe d’habitude dans sa communication sur la crise avec la France.

Le ministère des Affaires étrangères a dénoncé un acte d’une « gravité extrême » imputable au gouvernement français qui « s’écarte » ainsi lui-même des efforts de l’ONU pour le règlement du conflit sahraoui.

La crise actuelle est partie de la reconnaissance par le président Macron de la « marocanité » du Sahara occidental en juillet dernier, elle a été aggravée par les affaires des expulsions ratées de ressortissants algériens. Les mêmes causes produisent ainsi les mêmes effets.

Ceux qui ont autorisé le déplacement de Rachida Dati dans les territoires occupés ne pouvaient donc pas ignorer les conséquences d’un tel acte sur ce qui reste de la relation avec l’Algérie. Pour rendre toute réconciliation impossible dans l’immédiat, on ne s’y prendrait pas autrement.

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