Économie

Algérie – France : quels scénarios en cas de guerre commerciale ?

Entre l’Algérie et la France, il n’y a quasiment que le commerce qui continue à fonctionner dans un contexte de grave crise diplomatique. Mais même les relations commerciales ne sont pas à l’abri d’une dégradation. L’hypothèse d’un “choc économique” est évoquée par le très sérieux institut français d’analyse Xerfi.

En 2024, les échanges commerciaux entre l’Algérie et la France avaient atteint 11,1 milliards d’euros contre 11,6 milliards en 2023, selon les Douanes françaises.

“Plus rien n’avance si ce n’est les relations commerciales. Le dialogue politique est quasiment interrompu”, avait relevé le président de la République Abdelmadjid Tebboune dans un entretien accordé au journal français L’Opinion début février.

Algérie – France : une guerre commerciale aux lourdes conséquences

Philippe Gattet, directeur-expert au cabinet Xerfi, met toutefois en garde contre davantage de dégradation de la relation politique qui pourrait déboucher sur une “guerre commerciale” entre l’Algérie et la France.

“Si les tensions politiques venaient à s’intensifier, une guerre commerciale franco-algérienne pourrait coûter cher”, explique-t-il dans une analyse mise en ligne sur le site internet de Xerfi.

Si les tensions politiques venaient à s’intensifier, une guerre commerciale franco-algérienne pourrait coûter cher à la France. Le principal produit vendu par l’Algérie à la France est le gaz naturel liquéfié (GNL).

Gaz algérien : un enjeu stratégique pour la France

Le gaz algérien est présenté comme “un maillon clé de l’approvisionnement français” dont le remplacement “exigerait des ajustements coûteux et stratégiques”.

L’analyste évoque deux scénarios en cas d’arrêt des livraisons algériennes. Si l’arrêt concerne uniquement les ventes sur le marché spot, l’impact sera “limité”. La France remplacera le gaz algérien par le GNL américain pour un surcoût de seulement 68 millions d’euros.

La suspension des contrats de long terme aura en revanche une lourde incidence financière, soit 1,25 milliard de dollars de surcoûts pour la France.

Bien que la note soit salée, Philippe Gattet estime qu’elle serait “absorbable” au regard des capacités de diversification énergétique de la France, constatées après la guerre en Ukraine et le remplacement du gaz russe par celui d’autres fournisseurs.

Le pétrole ne poserait pas de problèmes notables, l’auteur de l’analyse estimant que les livraisons en provenance d’Algérie sont “facilement remplaçables” par le pétrole libyen, américain ou d’Afrique de l’Ouest.

En tout cas, une guerre commerciale entre Alger et Paris serait “un signal d’alarme”, aucune des deux capitales ne pouvant se permettre une “rupture brutale”.

La France pour sécuriser son approvisionnement énergétique, l’Algérie pour préserver l’un de ses marchés clés. Néanmoins, “dans un monde où les relations économiques sont de plus en plus marquées par la géopolitique, la rationalité économique ne suffit plus toujours à éviter la crise”, estime le directeur-expert de Xerfi.

Commerce extérieur : voici ce que représentent les exportations françaises vers l’Algérie

Celui-ci souligne un “paradoxe” dans le commerce entre la France et l’Algérie. Alors qu’en 2024, elle représentait 16,6 % des exportations françaises vers l’Afrique, un chiffre clé pour la présence française sur le continent, mais seulement 0,8 % du commerce extérieur français, “une goutte d’eau”, l’Algérie demeure “une source de dépendance énergétique non négligeable”.

En 2023, la France avait importé 4,28 milliards de mètres cubes de GNL algérien, soit 14 % de ses importations, et ce chiffre est passé à 18 % en 2024. Pour l’expert de Xerfi, c’est “un chiffre stratégique, mais fragile”.

Il note que depuis 2021, le déficit français avec l’Algérie se creuse par le fait de l’explosion des importations d’hydrocarbures. Ce déficit a atteint 1,5 milliard d’euros à cause de “la spécialisation des échanges”,  79,2 % des ventes de l’Algérie à la France étant constituées de gaz et de pétrole.  Les flux inverses sont composés de produits pharmaceutiques, d’automobiles et de machines industrielles.

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