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Algérie – France : une relation en panne de réseaux

Algérie – France : une relation en panne de réseaux

Par luzitanija / Adobe Stock
Algérie - France

La relation entre l’Algérie et la France traverse depuis sept mois la crise la plus grave depuis l’indépendance. Si la brouille a autant duré c’est en partie à cause aussi de la panne des réseaux qui maintiennent le contact dans ce genre de situation et solidifient les liens des deux côtés de la Méditerranée.

Dans sa dernière sortie en date sur la question, vendredi 28 février, le président français Emmanuel Macron a déploré que les deux capitales ne se parlent plus comme deux grandes nations devraient le faire.

"On ne peut pas se parler par voie de presse. C’est ridicule. Ça ne marche jamais comme ça", a-t-il dit.

Trois semaines plus tôt, son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune avait fait, dans un entretien au journal l’Opinion, le constat d’un dialogue politique "quasiment interrompu".

S’il est d’usage que le contact formel soit suspendu par les tensions, la singularité dans la crise actuelle est que même les réseaux informels ne semblent pas avoir fonctionné.

Dans les relations entre les États, il y a, en appoint au travail du corps diplomatique, l’action permanente de la diplomatie parallèle et de ceux qu’on appelle dans le jargon diplomatique les "passeurs" de la relation bilatérale, qui créent et entretiennent les liens et la confiance, de surcroît dans les moments difficiles.

Depuis l’indépendance, il y a toujours eu tant en France qu’en Algérie des personnages, hommes d’affaires, politiques au pouvoir ou dans l’opposition, journalistes, avocats et autres, qui ont l’oreille des responsables de l’un et de l’autre pays.

« Il faut des gens de confiance qui sont appréciés de part et d’autre de la Méditerranée », note un spécialiste des relations franco-algériennes.

Dans son entretien à L’Opinion, le président Tebboune s’en est remis à ces personnalités françaises jouissant d’une aura et d’un respect à Alger, citant même quelques noms : l’historien Benjamin Stora et les politiques Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Raffarin, Ségolène Royal et Dominique de Villepin.

Ce sont "des intellectuels et des hommes politiques que nous respectons« et »il faut aussi qu’ils puissent s’exprimer", a dit le président algérien.

Ces "réseaux" qui manquent à la relation Algérie – France

On pourrait ajouter le journaliste Jean-Michel Apathie qui est en train de se faire lyncher pour avoir encore dénoncé les crimes de la conquête de l’Algérie, et de nombreux Franco-Algériens comme Yazid Sabeg, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy qui vient de signer une tribune avec Jean-Pierre Mignard en faveur de la relation bilatérale.

Plusieurs de ces figures intellectuelles et politiques se sont exprimées, développant un discours d’apaisement et plaidant pour l’aplanissement des divergences actuelles.

Ségolène Royal a poussé un coup de gueule contre la stigmatisation des Algériens de France et le révisionnisme de l’extrême-droite par rapport à la colonisation de l’Algérie.

Chevènement a rappelé dans Le Figaro que "l’Algérie est indéniablement le pays le plus important pour la France en Afrique« et que l’intérêt des deux pays consiste à »surmonter les polémiques et les surenchères".

Benjamin Stora s’est dit prêt à une médiation si on le lui demandait et Dominique de Villepin s’est même précipité de partager des échos d’un travail qui avance dans "le bon sens" pour mettre fin à la crise. Mais ce n’est que leur faire injure de souligner que leur action n’a pas permis d’inverser la tendance vers l’escalade.

Algérie – France : qui peut réconcilier les deux pays ?

Les "réseaux" de la relation franco-algérienne sont en fait affaiblis par deux facteurs. Il y a d’abord l’œuvre du temps. Des hommes comme Michel Rocard, Jean Daniel, Jean François Kahn, Jacques Vergès et de nombreux autres véritables amis de l’Algérie très écoutés tant à Alger qu’à Paris, ne sont plus là.

Ceux qui sont encore de ce monde, comme ceux qui ont été cités par le président Tebboune, ont beaucoup perdu de leur influence, à l’image de Jean-Pierre Chevènement.

Benjamin Stora est une sommité reconnue dans son domaine, mais il est controversé en France où l’extrême-droite l’attaque régulièrement et le qualifie d’"historien du FLN".

Pour Dominique de Villepin, il constitue le médiateur idéal, mais ses ambitions politiques font barrage à sa désignation du côté français.

Dans une France marquée par la montée inexorable de l’extrémisme, les voix qui comptent, en tout cas celles que l’on entend le plus, sont celles de Bruno Retailleau, Éric Ciotti, Marine Le Pen ou encore Jordan Bardella. Des personnes qui "aspirent un jour à diriger la France", a regretté Abdelmadjid Tebboune dans son entretien à l’Opinion.

L’affaiblissement des réseaux qui maintenaient à flot la relation entre Alger et Paris est dû aussi au changement, aussi bien à Alger qu’à Paris des équipes dirigeantes.

Ceux qui ont pris le relais ou tenté de le faire pour assurer la continuité et éviter que les relations tombent dans l’abîme n’ont pas été efficaces.

Dans les deux pays, il y a de nouvelles générations de dirigeants politiques qui n’ont pas la même vision de la relation, ni même la sensibilité pour les liens, surtout humains, qui unissent la France à l’Algérie.

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