Nouveaux rebondissements dans la crise entre Alger et Paris sur la question des visas, de la focalisation sur l’Algérie alors que deux autres pays ne coopèrent pas et des mesures décidées par le gouvernement français dans son bras de fer avec son homologue algérien.
Selon l’entourage du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, celui-ci a évoqué au cours d’un tête-à-tête avec le président Emmanuel Macron une « riposte graduée » à l’égard de l’Algérie, rapporte le Figaro.
Coopération sécuritaire Algérie – France : un tournant ?
Alors que de nouvelles attaques ont émané de certains personnages de la droite dure suite à la décision de certains consulats d’Algérie de suspendre leur coopération avec les villes françaises, la directrice de la DGSI (sécurité intérieure) Céline Berthon a déploré que la coopération sécuritaire entre les deux pays soit réduite à ses « plus simples expressions ».
« Aujourd’hui, les orientations politiques pèsent beaucoup sur ce que les services peuvent faire ou pas en Algérie », a-t-elle dit sur Franceinfo, en espérant une « issue rapide à cette situation ».
Un tête-à-tête sur le dossier Algérie a réuni le ministre de l’Intérieur et le président de la République mercredi dernier, rapporte Le Figaro dans son édition de ce mercredi 12 mars.
L’entretien a porté sur la « riposte graduée » que veut déclencher Bruno Retailleau à l’égard d’Alger et « approuvée » désormais par le chef de l’État, selon le même média.
« Le président de la République est parfaitement conscient qu’il faut engager un bras de fer. Et même si la dénonciation des accords de 1968 ne doit pas être le début de notre riposte, nous sommes sur la même ligne », révèle au Figaro un conseiller de Bruno Retailleau.
« Le président veut l’exécution des OQTF et n’a pas de tabou sur la renégociation des accords bilatéraux. Il est prêt à être ferme », insiste l’entourage du ministre de l’Intérieur.
Macron et Retailleau sont toutefois convenus de « ne pas risquer de parasiter une éventuelle libération » de l’écrivain Boualem Sansal, indique pour sa part l’entourage du chef de l’État.
Sur RTL, Retailleau a confirmé qu’il a été décidé au niveau du gouvernement d’ « une riposte graduée » avec déjà des restrictions sur le déplacement des porteurs d’un passeport diplomatique algérien.
« Nous allons présenter à l’Algérie, dans quelques jours, une liste d’Algériens dont on sait parfaitement qu’ils le sont parce que c’est documenté et nous avons les preuves », a-t-il dit.
Consulats : Ciotti et Estrosi s’attaquent de nouveau à l’Algérie
Selon Retailleau, la première liste concernera les Algériens placés dans les centres de rétention, au nombre de 700, soit 43 % des personnes se trouvant dans ces centres.
Mardi, la commission des expulsions de l’Hérault avait rendu un avis favorable pour l’expulsion de l’influenceur Doualemn, ce qui risque de donner lieu à un autre bras de fer si Retailleau exécute l’expulsion et si l’Algérie la refuse, comme elle l’avait fait le 9 janvier dernier.
Alors que le ministre de l’Intérieur continue à assumer son « rapport de force », un nouvel élément est venu compliquer davantage la brouille entre les deux pays.
Deux personnages de la droite dure, le député Éric Ciotti et le maire de Nice Christian Estrosi se sont de nouveau attaqués à l’Algérie, reprochant aux consulats d’Algérie à Marseille, Nice et Montpellier d’avoir suspendu les relations consulaires avec ces villes respectives.
« Il n’y aura pas de relations apaisées (…) Qu’ils reprennent les Algériens expulsés ! Nous n’en voulons pas. Ils veulent le bras de fer ? Ils l’auront ! Nous devons nous faire respecter ! », a tweeté Estrosi.
Alger annonce donc suspendre ses relations consulaires avec la @VilledeNice. Nous ne pouvons pas accepter que la France soit piétinée par un régime qui fait du marchandage avec ses OQTF. Il n’y aura pas de relations apaisées, tant que le régime algérien ne répondra pas à nos…
— Christian Estrosi (@cestrosi) March 11, 2025
Éric Ciotti a annoncé pour sa part qu’il a évoqué mardi avec le ministre des Affaires étrangères « la nécessité de prendre des sanctions fermes contre l’Algérie après le blocage des formalités administratives et la fermeture des consulats, notamment à Nice ».
Ce mercredi matin, Céline Berthon, directrice générale de la sécurité intérieure (DGSI), a évoqué sur France Info une autre retombée de la crise, l’arrêt de la coopération sécuritaire.
« La situation avec l’Algérie est complexe », a-t-il relevé, ajoutant qu’« en l’état, nos relations sur le plan sécuritaire sont réduites à leurs plus simples expressions » et que « les orientations politiques pèsent beaucoup sur ce que les services peuvent faire ou pas en Algérie ».
Focalisation sur l’Algérie en France : Darmanin tacle Retailleau et Marine Le Pen
Autre sortie médiatique notable ce mercredi, celle du ministre de la Justice Gérald Darmanin qui a dénoncé sur CNews un « deux poids, deux mesures » avec la focalisation sur l’Algérie dans le dossier des reconduites aux frontières.
Darmanin a indiqué que lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, la Russie refusait de reprendre « des centaines » de ses ressortissants radicalisés et fichés S, notamment des Tchétchènes et des Ingouches.
Ce sont eux qui ont tué les professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard, a-t-il souligné.
« Mme Le Pen et M. Bardella n’attaquent jamais la Russie » parce qu’ils sont « obsessionnels sur le Maghreb et l’Algérie », a fustigé Gérald Darmanin.
« Je soutiens évidemment notre discours ferme et fort contre cette difficulté qu’a l’Algérie à accepter ses citoyens, mais c’est le cas aussi de la Russie. Donc j’aimerais qu’il n’y ait pas deux poids, deux mesures », a insisté le ministre qui a des origines algériennes par son grand-père.
« Ceux que nous surveillons en premier en France, ce sont des citoyens russes », a ajouté Darmanin.
Ce « deux poids, deux mesures » concerne aussi le Maroc et c’est le président Macron lui-même qui l’a signalé.
À ses interlocuteurs, le président français aurait fait remarquer que le ministère de l’Intérieur devrait améliorer son efficacité dans les expulsions, « pas seulement vers l’Algérie, mais aussi vers le Maroc », notant que le rapprochement avec Rabat ne s’est pas traduit par une meilleure coopération du Maroc sur la question des OQTF et des reconduites aux frontières.
Seulement, comme la Russie, le Maroc est épargné des débats sur la lutte contre l’immigration clandestine en France qui a certes le droit de choisir la nationalité des clandestins qu’elle veut expulser en priorité.
SUR LE MÊME SUJET :
Oradour-sur-Glane et l’Algérie : Benjamin Stora défend Jean-Michel Aphatie
France : la charge d’une députée d’origine algérienne contre Retailleau