La diaspora algérienne en France, estimée à trois millions de personnes, est prise dans la tourmente de la crise politique entre les deux pays qui dure depuis maintenant plus de six mois.
Les Algériens de France cristallisent les attaques d’une partie de la droite et d’une extrême-droite qui font de tout ce qui a trait à l’Algérie un point de fixation et un fonds de commerce électoral.
« Une caisse de résonance de la relation algéro-française »
La communauté algérienne en France est « centrale », souligne le diplomate et ancien ministre algérien, Abdelaziz Rahabi.
« C’est une caisse de résonance de la relation algéro-française » et, de ce fait, « une normalisation, une stabilisation et un retour à la normale favoriserait la situation globale de notre communauté en France », a-t-il expliqué dans un récent passage sur Berbère Télévision. Autrement dit, la situation actuelle pèse lourdement sur la diaspora.
En signant la « Déclaration d’Alger » en août 2022, à l’occasion de la visite en Algérie du président Emmanuel Macron, les deux pays se sont engagés à faire des Franco-Algériens une passerelle entre les deux rives de la Méditerranée.
Plusieurs représentants de la communauté algérienne en France étaient d’ailleurs dans la délégation qui a accompagné le président français dans son voyage algérien.
La diaspora algérienne cible d’attaques en France
Deux ans après, la relation bilatérale traverse une grave crise, la plus grave depuis l’indépendance, selon de nombreux observateurs, et la diaspora algérienne se retrouve à essuyer les pires attaques de l’extrême-droite et de ses relais médiatiques.
Outre les clichés et les amalgames habituels, la communauté algérienne est désormais accusée d’être utilisée par l’Algérie pour « déstabiliser la France », après l’arrestation de quelques influenceurs algériens appelant à la violence.
Les Algériens de France étaient habitués à ce genre de généralisation hâtive, au moindre fait divers ou acte délictuel de l’un des leurs. Ils étaient déjà au centre des attaques pendant les débats électoraux lors des élections européennes et législatives de l’été dernier. Beaucoup de cadres avaient songé à quitter la France à cause de la montée du racisme et de l’islamophobie.
Des sondages pour stigmatiser les Algériens de France
La crise politique en cours n’a fait qu’aggraver les choses. Certains médias en sont allés jusqu’à commander des sondages pour connaître l’avis des Français sur les Algériens de France.
Avec des résultats très conformes aux attentes des médias qui les ont commandés, ceux de la galaxie Bolloré.
Le 8 janvier, Europe 1, CNews et Le Journal du Dimanche (JDD) ont dévoilé les résultats d’un sondage selon lequel 66 % des Français souhaitent l’arrêt immédiat de toute immigration en provenance d’Algérie.
Une semaine plus tard, Sud Radio, un média d’extrême-droite, est allé demander aux Français de « choisir » entre les Marocains et les Algériens. Il en est ressorti que 71 % des Français ont une « image négative » des Algériens et que 32 % seulement ont une telle perception des Marocains.
Diaspora algérienne en France : les langues se délient
Karim Zéribi, ancien député européen, est l’un des rares représentants des Algériens de France à s’exprimer régulièrement sur la situation de la diaspora et sur la crise en cours entre les deux pays.
Après avoir dénoncé il y a quelques semaines cette tendance à vouloir toujours opposer Algériens et Marocains de France, Zéribi a poussé en janvier dernier un véritable coup de gueule sur CNews, dénonçant un « climat politico-médiatique anti-algérien » croissant en France.
Jugeant la situation « insupportable et irresponsable », l’homme politique, à l’origine de la création du Conseil mondial de la diaspora algérienne, a souligné que les Algériens de France, dans leur écrasante majorité, « aiment ce pays, travaillent et respectent les lois de la République », comme ces 15.000 médecins algériens qui « servent aujourd’hui la santé en France », a-t-il illustré.
L’homme d’affaires, Yazid Sabeg, lui aussi d’origine algérienne, estime le nombre de Franco-Algériens à « 4 millions peut-être ».
La France et l’Algérie peuvent s’appuyer sur « cette dimension humaine, presque unique, pour sceller une alliance constructive », a-t-il suggéré dans un appel lancé cette semaine avec l’avocat Jean-Pierre Mignard pour dépasser la crise actuelle entre Alger et Paris.
Les deux pays ne peuvent pas « se résoudre à se laisser constituer une communauté franco-algérienne repliée sur elle-même et du fait de sa double appartenance finalement malheureuse », ont écrit les deux hommes.
Chems-Eddine Hafiz, le recteur franco-algérien de la Grande mosquée de Paris (GMP), a lui-même subi les attaques de l’extrême-droite.
« Je ressens une grande tristesse et une grande incompréhension (…) la diaspora algérienne se voit réduite à une image dégradante, qui n’est pas elle », a-t-il déploré dans un entretien publié par TSA fin janvier dernier.
« Je pense à tous ces hommes et ces femmes qui étudient, soignent, enseignent, aident, travaillent dans la société française et participent à sa prospérité », a-t-il dit.
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