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Allocation touristique de 750 € : 2 grands obstacles à surmonter

Allocation touristique de 750 € : 2 grands obstacles à surmonter

Par Tomasz Warszewski / Adobe Stock
Des billets d'euro.

La hausse de l’allocation touristique pour les voyageurs algériens soulève deux grandes questions auxquelles le gouvernement tente de trouver des réponses. Le premier est la lutte contre la fraude. Le second est l’impact sur les réserves de change de l’Algérie. Explications.

La décision d’augmenter l’allocation touristique de l’équivalent en devises de 15.000 dinars à 750 euros par année et par adulte (300 euros pour les enfants) a été annoncée le 8 décembre dernier par le président de la République Abdelmadjid Tebboune à l’issue d’un Conseil des ministres.

Selon le communiqué de la présidence de la République publié à l’issue de cette réunion, la nouvelle allocation touristique devait entrer en vigueur en janvier 2025, après fixation des modalités et des conditions de son attribution.

Un processus qui n’a pas encore abouti. En fait, les autorités chargées ont mis en place une nouvelle instruction qui remplace celle du 28 août 1997 relative au droit de change pour voyager à l’étranger. Cette instruction a institué un droit de change au profit des nationaux résidents au titre des dépenses liées à des voyages à l’étranger.

Allocation touristique en Algérie : comment éviter la fraude ?

L’article 4 de cette instruction de la Banque d’Algérie a fixé les modalités d’attribution de l’allocation touristique. Elle précise que la demande du droit de change pour dépenses liées à des voyages à l’étranger doit être appuyée des documents justificatifs suivants :

– Une fiche d’information dûment remplie délivrée par le guichet de banque ou d’établissement financier, intermédiaire agréé ;

– Le passeport en cours de validité du demandeur, délivré ou prorogé en Algérie ;

– Un titre de voyage en cours de validité du demandeur.

« Pour les voyageurs utilisant un moyen de transport individuel, le titre de voyage est remplacé par une assurance internationale, automobile ou autre délivrée en Algérie », indique l’article 4.

Pour la nouvelle allocation touristique de 750 euros, le premier obstacle est lié à la définition des conditions d’attribution. Qui peut en bénéficier et où elle sera servie aux voyageurs ?

Jusqu’à présent, le droit de change est octroyé au niveau des banques, mais pour la nouvelle allocation, le député Zoheir Nasri a dévoilé sur sa page Facebook un autre schéma : le demandeur doit se déplacer dans la succursale de la Banque d’Algérie de sa wilaya de résidence, muni de son passeport, du titre de voyage et de l’assurance voyage et de la somme en dinars équivalente à 750 euros.

Après avoir accompli cette étape, il reçoit un récépissé qu’il présentera au bureau changé installé dans la zone douanière de l’aéroport ou du port pour recevoir les 750 euros. Pour les postes frontaliers terrestres, notamment, ceux avec la Tunisie, le député n’a rien dit.

Le dispositif dévoilé par ce député est lourd et va sans doute allonger la durée de traitement des voyageurs dans les ports et les aéroports du pays. Toutefois, il n’est pas encore officiel.

Sa divulgation par un député montre que les autorités cherchent à mettre des gardes fous pour lutter contre la fraude afin d’éviter que l’allocation touristique ne se trouve injectée sur le marché noir des devises alors que l’objectif derrière sa hausse est de lutter contre les bureaux de change clandestins qui ont pris de l’ampleur ces dernières années en Algérie.

Hausse du droit de change : quel impact sur les réserves de change de l’Algérie ?

Selon nos sources, c’est le premier obstacle qui se dresse sur le chemin de l’application de la nouvelle allocation touristique dont le montant, conséquent par rapport à celui qui est en vigueur depuis 2007 (moins de 100 euros au taux de change actuel), fait saliver les trafiquants, en raison de l’énorme différence entre le taux officiel (140 dinars actuellement) et parallèle de l’euro (251 dinars algériens).

Le deuxième grand problème qui préoccupe les autorités est l’impact de la nouvelle allocation touristique sur les réserves de change du pays qui devraient se stabiliser autour de 72 milliards de dollars durant les trois prochaines années (2025, 2026 et 2027), selon les prévisions du gouvernement.

Selon le député Abdelkader Berriche qui s’est exprimé cette semaine dans les colonnes d’Echorouk, l’allocation touristique de 750 euros coûterait à l’État entre 5 et 7 milliards de dollars par an, ce qui suppose qu’elle sera distribuée à plus de 6,5 millions de voyageurs par an, ce qui est énorme.

L’Algérie a adopté une gestion rigoureuse de ses réserves de change et a pris de nombreuses mesures ces dernières années pour réduire les importations, et éviter leur érosion, sachant qu’elles proviennent essentiellement de l’exportation des hydrocarbures qui dépendent des fluctuations du prix du pétrole sur le marché mondial.

Cette dépendance devrait se réduire progressivement, dans les prochaines années, avec la hausse des exportations hors hydrocarbures.

Mais pour le moment, les exportations hors pétrole et gaz demeurent modestes, même si elles augmentent considérablement depuis 2020, passant de moins de deux milliards de dollars à plus de 5 milliards de dollars en 2023.

La question est comment compenser ce montant si une partie des devises qui alimentent le marché noir n’intègre pas le circuit bancaire ? Tout dépendra de l’effet de la nouvelle allocation touristique sur le marché noir des devises.

Si l’écart entre le taux officiel et parallèle se réduit, il est possible que les banques captent une bonne partie des devises qui alimentent le marché noir, ce qui permettra de financer une partie de l’allocation touristique.

Mais si cet écart demeure important, il sera difficile aux banques d’attirer des devises qui proviennent par exemple des transferts des Algériens résidents à l’étranger.

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