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Allocation touristique en Algérie : après l’augmentation, des interrogations

Allocation touristique en Algérie : après l’augmentation, des interrogations

Par Михаил Шорохов / Adobe Stock
Des billets d’euro

L’allocation touristique pour les voyageurs algériens a été officiellement augmentée de 100 à 750 euros pour les adultes et à 300 euros pour les mineurs.

L’annonce a été faite dimanche 8 décembre à l’issue d’un conseil des ministres présidé par le président de la République Abdelmadjid Tebboune. La mesure entre en vigueur en janvier 2025 et les modalités d’application seront fixées par décret, selon le communiqué du Conseil des ministres.

En attendant, les spéculations et les interrogations vont bon train quant aux modalités d’application de la décision présidentielle et son impact.

L’allocation touristique est le montant de devises que tout citoyen algérien résident peut obtenir au taux de change officiel auprès des banques pour les besoins de son voyage et de son séjour dans un pays étranger. Ce taux était fixé à l’équivalent en devises de 15.000 dinars, soit un peu plus de  100 euros au taux officiel actuel de la monnaie unique européenne, par voyageur et une fois par année civile.

La somme est évidemment dérisoire. En Europe par exemple, elle couvre à peine le prix d’une nuitée dans un hôtel moyen. Les Algériens qui voyagent à l’étranger pour tourisme, études, soins ou autres, étaient contraints de recourir au marché parallèle où les principales monnaies étrangères, notamment l’euro et le dollar, coûtent environ 80% plus chers que leur cours officiel. L’augmentation substantielle de l’allocation est accueillie avec soulagement en Algérie.

Même si elle demeure très en-deçà de ce qui se fait chez les pays voisins (1800 euros en Tunisie et 10 000 euros en Egypte par exemple), la mesure est accueillie avec beaucoup de soulagement en Algérie. Sept cent cinquante euros, c’est une augmentation substantielle, sachant que le montant n’a pas été revu depuis 1997.

Le nouveau montant est du reste une somme qui peut permettre de financer un séjour touristique à l’étranger. Une famille de quatre personnes, deux adultes et deux mineurs, peut obtenir un total de 2100 euros (750 euros pour chacun des parents et 300 euros pour chacun des deux enfants). Une telle somme est largement suffisante pour un séjour d’une semaine par exemple en Tunisie, principale destination touristique des Algériens.

Évidemment, ce montant risque de s’avérer insuffisant pour d’autres destinations comme la France où les autres catégories, les étudiants et les malades notamment, et surtout pour ceux qui se rendent à l’étranger pour acquérir un véhicule d’occasion de moins de trois d’âge dont l’importation est autorisée depuis 2023.

Allocation touristique en Algérie : quelles modalités et quel impact sur les réserves de change ?

Maintenant que le nouveau montant de l’allocation touristique est officiellement connu, il subsiste des interrogations quant aux modalités de l’application de la mesure. Faudra-t-il, pour effectuer l’opération de change, présenter à la banque un billet d’avion valide pour justifier le voyage ?

Dans ce cas, qu’en sera-t-il pour ceux qui voyagent par voie terrestre, notamment vers la Tunisie. La majorité des Algériens qui passent des séjours à l’étranger entrent dans cette catégorie, sachant que la Tunisie est la première destination touristique des Algériens et la majeure partie d’entre eux s’y rendent par route. Exiger un billet d’avion, ou encore un visa valide,  équivaudrait à exclure une grande partie des voyageurs algériens de l’accès à l’allocation touristique.

L’autre interrogation est d’ordre économique. Elle concerne l’impact de la nouvelle mesure sur la trésorerie publique, précisément sur les réserves de change du pays.

Il ne faut pas perdre de vue que le montant de l’allocation touristique a été multiplié d’un coup par sept et demi. Mécaniquement, le montant global consacré par l’Etat à cette dépense devrait augmenter dans la même proportion, voire plus si l’on considère que le nombre de touristes algériens sortant pourrait augmenter avec cet accès à une somme plus significative de devises subventionnées. Comment l’Etat fera-t-il pour financer l’impact de sa mesure ?

L’économiste Chabanne Assad, du cabinet de conseil Finabi, a tenté une simulation du coût global annuel de l’allocation touristique. L’expert s’est basé, dans une analyse publiée sur son compte LinkedIn avant l’annonce du nouveau montant, sur le nombre total des Algériens résidents qui se sont déplacés à l’étranger en 2023, soit 5,58 millions de voyageurs. Il avait tablé sur une allocation à 700 euros.

La multiplication du nombre de touristes sortants par 700 euros donne 4,095 milliards d’euros. A 750 euros, c’est 4,18 milliards d’euros. Pour l’économiste, il faut néanmoins prendre en compte que tous les voyageurs ne changeront pas pour le montant maximum puisqu’il y aura parmi eux une proportion d’enfants. Le montant global sera donc de moins de 4,1 milliard d’euros.

Ça reste toutefois une grosse dépense qui tirera vers le bas les réserves de change du pays estimées à 72 milliards de dollars.

Pour financer la dépense, Chabanne Assad préconise d’utiliser les transferts de la diaspora (1,8 milliard d’euros en 2023) et combattre l’informel pour permettre aux bureaux de change agréés de collecter les fonds jusque-là échangés au noir.

Beaucoup d’observateurs scrutent justement le marché parallèle pour voir l’impact de la nouvelle mesure sur la valeur des principales devises étrangères.

L’économiste est formel, la nouvelle mesure  « portera un coup de massue au marché informel des devises ». Pour le moment, ce n’est pas encore le cas. Au lendemain de l’annonce, l’euro et le dollar ont établi de nouveaux records face au dinar dir le marché noir.

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