L’Algérie va encaisser une belle cagnotte en 2022 grâce à la hausse des prix du pétrole, ce qui permet au président de la République de tenir son engagement d’augmenter les salaires et l’allocation chômage.
Abdelmadjid Tebboune a réitéré, dans une entrevue avec la presse nationale qui sera diffusée ce dimanche 31 juillet, son engagement à augmenter les salaires et le montant de l’allocation chômage, fixé depuis son institution en mars dernier à 13 000 Da par mois.
« Puisqu’il y a des recettes supplémentaires cette année, je m’engage à augmenter les salaires, et même l’allocation chômage », a promis le chef de l’Etat.
En avril dernier, il avait en quelque sorte conditionné une telle augmentation par celle des recettes en devises du pays. Et celles-ci sont à leur meilleur niveau depuis 2014.
Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit pour cette année 58 milliards de dollars de recettes des exportations des hydrocarbures, soit près du double de l’année dernière (34 milliards) et près du triple de celle d’avant (22 milliards).
Le baril de pétrole se maintient au-dessus de la barre des 100 dollars et il faudra sans doute un cataclysme pour que les recettes de l’Algérie pour cette année 2022 soient très en-deçà de la prévision du FMI.
La revendication de la revue à la hausse des salaires revient avec insistance dans le monde du travail ces derniers mois, dans un contexte d’inflation généralisée qui a gravement impacté le pouvoir d’achat des Algériens.
Depuis son élection en décembre 2019, le président Tebboune a pris au moins trois mesures-phares allant dans le sens de la préservation du pouvoir d’achat : augmentation du SMIG de 18 000 à 20 000 dinars et suppression de l’impôt sur le revenu global (IRG) pour les salaires inférieurs à 30 000 Da en avril 2021, puis institution en mars 2022 d’une allocation chômage au profit des jeunes sans emploi âgés entre 19 et 40 ans.
Parallèlement, le gouvernement est revenu sur plusieurs taxes envisagées et a surtout mis en veille son projet de révision du système des subventions généralisées.
Toutes ces mesures ont néanmoins un impact limité, tant sur les finances publiques que sur l’amélioration du pouvoir d’achat. La seule vraie mesure susceptible de soulager un grand nombre de citoyens et de solliciter fortement la bourse publique demeure l’augmentation des salaires.
Le président de la République a décidé d’y aller maintenant que les recettes de l’Etat le permettent. Sauf que l’équation n’est pas aussi simple qu’elle ne le paraît.
Les recettes pétrolières, un facteur volatile
En attendant les clarifications nécessaires, plusieurs interrogations entourent l’annonce présidentielle, notamment concernant les catégories qui seront concernées par les augmentations et l’ampleur de ces dernières.
La disponibilité des ressources financières ne se posant à priori plus, il reste le problème des leviers légaux dont dispose le gouvernement pour revoir à la hausse les salaires et celui des inégalités qui pourraient en découler.
Même s’il ne l’a pas spécifié dans sa déclaration, il demeure évident que les seuls salariés qui peuvent être augmentés sur décision gouvernementale sont les fonctionnaires.
A ceux-ci peuvent s’ajouter ceux du secteur économique public et privé payés au SMIG et les catégories indexées sur ce dernier, puisque le gouvernement a aussi la latitude de décréter l’augmentation du salaire minimum. Il peut aussi décider de relever les retraites et autres pensions et, comme déjà promis, l’allocation chômage.
Or, le gros des salariés est constitué des employés du secteur économique public et privé dont les rémunérations évoluent logiquement suivant les performances de chaque entreprise.
A moins qu’il mette la main à la poche, l’Etat n’a aucun moyen légal d’ordonner une augmentation des salaires dans le privé et même dans les entreprises économiques publiques qui, en principe, jouissent de l’autonomie de gestion.
Du reste, dans un contexte économique difficile, beaucoup d’entreprises ne sont pas en situation de supporter durablement de grosses dépenses supplémentaires.
Augmenter les fonctionnaires et les catégories qui peuvent l’être et exclure les salariés du secteur économique, c’est prendre le risque de produire pour cette seconde catégorie le juste contraire de l’effet escompté, puisque son pouvoir d’achat sera encore malmené par l’inflation que ne manquera pas de générer l’augmentation simultanée de plusieurs millions de fonctionnaires.
Les travailleurs du secteur économique public pourront toujours être touchés par les augmentations sur décision de l’actionnaire exclusif de la quasi-totalité des entreprises publiques, c’est-à-dire l’Etat qui supportera la dépense inhérente.
Mais qu’en sera-t-il lorsque les recettes ne le permettront plus ? Et l’interrogation vaut aussi pour l’augmentation de la masse salariale de la Fonction publique. Indexer les salaires sur un facteur aussi volatile que les cours du pétrole est sans doute un pari très risqué.