search-form-close
Benjamin Stora : « Abroger l’accord de 1968, c’est remettre en cause les Accords d’Évian »

Benjamin Stora : « Abroger l’accord de 1968, c’est remettre en cause les Accords d’Évian »

Capture d'écran YouTube
Benjamin Stora

La crise entre l’Algérie et la France est la plus grave jamais enregistrée depuis 1962. C’est ce qu’a indiqué l’historien français, Benjamin Stora qui évoque « une situation inédite ».

L’Algérie et la France vivent au rythme d’une grave crise diplomatique qui a tendance à s’inscrire dans la durée. Pour Benjamin Stora, cette crise est la plus importante entre les deux pays.

« Le point de paralysie qui existe entre les deux pays actuellement est le plus important depuis l’indépendance de l’Algérie, en 1962 », a affirmé en effet l’historien dans une interview accordée au magazine français Historia parue vendredi 7 mars.  « C’est une situation inédite », a-t-il lâché.

Et d’expliquer : « Certes, d’autres moments de crise ont existé au fil des décennies, comme lors de la nationalisation des hydrocarbures par l’Algérie, en 1971, ou lorsque celle-ci a interrompu le processus électoral en 1991 et que François Mitterrand s’y est opposé. Mais, cette fois-ci, la tension me semble plus profonde qu’elle n’a jamais été ».

« Le point de bascule a été la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara occidental »

Benjamin Stora a ainsi rappelé, pour appuyer son analyse, qu’il « n’y a plus d’ambassadeur d’Algérie à Paris depuis plusieurs mois, ce qui ne s’est jamais vu ». En outre, ajoute-t-il, « les canaux classiques de coopération sur les plans sécuritaire, migratoire ou culturel se sont fermés ».

Le 31 juillet, l’Algérie a retiré son ambassadeur à Paris, après la divulgation d’une lettre du président Emmanuel Macron au roi du Maroc Mohammed VI dans laquelle il reconnaissait la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

Benjamin Stora estime par ailleurs que « le point de bascule a été la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara occidental ». Ce fut « pendant l’été 2024 », rappelle-t-il. « À partir de là, les autres points de désaccord (…) se sont intensifiés ou sont venus s’ajouter ».

Accord de 1968 : « Mais pourquoi parler d’abrogation ? »

L’historien a souligné qu’avant ce changement, l’Algérie acceptait le retour sur son sol de ses ressortissants frappés d’une OQTF en France « davantage que les autres pays ».

Questionné sur l’accord de 1968 que certains en France veulent encore réviser ou dénoncer carrément, Benjamin Stora a été catégorique.

 « Mais pourquoi parler d’abrogation ? Cela voudrait dire que ce qu’a signé le général de Gaulle en 1968 n’était pas bon – or, revenir sur cette signature-là me semble être une remise en cause implicite, inconsciente, de ce que le président français avait aussi signé en 1962, c’est-à-dire les accords d’Évian », a-t-il déclaré.

Pour lui, il faudrait « plutôt passer par des négociations pour prendre en compte ce que la situation a de particulier ».

« De nombreux Algériens ou Franco-Algériens vivent en France. Cela pose la question du flux que cela engendre naturellement d’une rive à l’autre, de par les liens familiaux qui existent, la nécessité de rencontres, de participer aux fêtes, aux événements communs… Cela crée un espace mixte franco-algérien considérable, qui est, de toute façon, un legs de notre histoire. Dès lors, cela nécessite que les deux pays en discutent ensemble et négocient », développe Benjamin Stora.

Pour l’historien français qui est né à Constantine en Algérie, « le défi, dans une telle situation, me semble de rechercher des voies d’apaisement plutôt que de réveiller sans arrêt des mémoires douloureuses ».

SUR LE MÊME SUJET : 

Benjamin Stora à TSA : « Maintenant l’Algérie a aussi le droit de riposter… »

Benjamin Stora, historien français et admirateur de la révolution algérienne

  • Les derniers articles

close