Économie

Boissons : « Les habitudes de consommation des Algériens ont changé »

Dans cet entretien à TSA, le président de l’Association des producteurs algériens de boissons (Apab), Ali Hamani, explique les raisons qui poussent les producteurs à recourir aux matières premières importées dans la fabrication des jus de différents arômes.

Le marché des sodas, des jus de fruits et de l’eau embouteillée est un des secteurs les plus stables en matière de prix et de la disponibilité du produit en Algérie ? Comment peut-on expliquer cela ?

Nous considérons que le marché de ces boissons est satisfaisant comparativement aux besoins de consommation nationale puisqu’il les couvre à 100 % dont 85 % par les seules entreprises affiliées à l’Apab.

Statistiquement parlant, la consommation estimée en 2024 est comme suit :

  • Pour les jus de fruits, la consommation nationale est de 0,7 milliard de litres par an, soit 17,5 litres par habitant et par an.
  • Pour les boissons gazeuses, les Algériens consomment 1,5 milliard de litres par an, soit 37,5 litres par habitant et par an
  • Pour les eaux embouteillées, la consommation est de 2,1 milliards de litres, soit 52,5 litres par habitant et par an.

En ce qui concerne les prix pratiqués, il n’y a pas eu d’augmentation majeure, sauf en ce qui concerne l’indexation des augmentations des intrants et autres matières premières, dont celles importées, à l’instar notamment du PET utilisé comme matériau d’emballage.

Toutefois, il faut noter que la consommation des boissons gazeuses a légèrement diminué en Algérie, du fait que le consommateur algérien a privilégié de s’orienter vers les jus de fruits, les nectars et les boissons aux jus ainsi que vers les eaux embouteillées (eaux minérales naturelles et eaux de sources).

Combien y a-t-il de producteurs de boissons en Algérie ?

Différentes sources d’information nous donnent des chiffres estimés différemment et d’une manière contradictoire.

Pour le Centre national du registre de commerce (CNRC), il y a 1767 producteurs inscrits. Pour l’Office national des statistiques (ONS), il y a 800 entreprises qui activent dans ce domaine. Pour l’Apab, le nombre de producteurs de boissons en activité varie entre 400 à 500.

Les emplois créés sont au nombre de 120.000, dont 20.000 directs et 100.000 indirects.

Pourquoi les producteurs algériens utilisent-ils peu d’agrumes locaux pour produire les jus de fruits ?

Il faut noter qu’à partir de l’année 2000, le marché algérien des boissons a vu l’émergence de quelques producteurs transformateurs de fruits.

Malheureusement, la faiblesse et l’irrégularité de la production agricole et la qualité des fruits à transformer n’ont pas permis de répondre à la demande des industriels et n’ont pas permis un développement de l’industrie de transformation en corrélation avec les besoins du marché.

Nous pouvons valablement confirmer que depuis quelques années, sous l’impulsion des producteurs de boissons et de yaourts, nous assistons à l’émergence de l’industrie de la première transformation des fruits en Algérie, et qui est estimée à près de 10 % des besoins en matières premières et qui sont utilisées principalement dans la production des yaourts.

Pour répondre à votre question, il y a trois arguments. Actuellement en Algérie, en ce qui concerne le concentré de jus, nous attirons votre attention qu’il n’existe pas d’unités de production spécialisées en la matière.

Par ailleurs, la production de fruits pour l’industrie des boissons qui requiert des spécifications techniques nécessaires est inexistante sur le marché local.

À titre d’exemple, nous disposons d’oranges de bouche et non d’oranges industrielles. En effet, ces dernières doivent être à la fois disponibles à des prix compétitifs et dont la qualité doit être à fort rendement en jus.

Il est à noter que les prix pratiqués sur le marché des fruits de bouche /de table, tels que les oranges, les pommes, les poires, les citrons, les cerises, les pêches et les abricots sont peut-être attractifs pour les consommateurs mais ils le ne sont pas pour les industriels.

Ces prix ne permettent pas aux producteurs de jus de recourir aux matières premières locales potentielles à transformer. Il en est de même pour les fruits exotiques (ananas, mangues…) qui ne sont pas produits localement, mais importés.

Considérant qu’il n’existe que 9 unités de transformation de fruits et légumes recensées à ce jour, dans le cadre de la dynamique des investissements, il est souhaitable qu’une stratégie nationale pour la plantation d’arbres fruitiers spécifiques à l’industrie de la transformation des fruits, soit mise en place que ce soit de la part des producteurs de boissons ou des agriculteurs.

Certains reprochent aux boissons algériennes de contenir trop de sucre. Qu’en est-il réellement ?

Pour répondre à votre question, je dois noter qu’un amendement de certaines dispositions des textes ci-dessous doit intervenir bientôt pour être en harmonie avec la réglementation internationale et avec les bonnes pratiques de l’industrie des boissons.

Il s’agit de :

  • L’arrêté interministériel du 21 mars 2022 portant adoption du règlement technique relatif aux « jus et nectars de fruits, des jus de légumes et boissons aux jus de fruits et/ou de légumes » ;
  • L’arrêté interministériel du 29 août 2022 portant adoption du règlement technique fixant les spécifications de certaines boissons rafraîchissantes.     

Il a été arrêté en commun accord avec les membres du comité technique intersectoriel ayant étudié les dispositions de porter les amendements suivants :

  • Dans le premier texte, les jus de fruits ne doivent pas contenir de sucre ajouté, alors que les boissons aux jus doivent contenir un taux de sucre ajouté limité à 10,5 % ou de 105 g/Litre.
  • Dans le second texte, le taux de sucres totaux est limité à 105 g/Litre pour les boissons rafraîchissantes, à l’exception des boissons aromatisées aux jus de fruits (5 % à 10 % de jus) où il est question de sucres ajoutés à 105 g/Litre.

Les sirops sont concernés par 20 % de sucres totaux. À titre d’exemple, l’Apab a préconisé que les sirops soient aussi limités à un taux de sucre de 105 gr/litre au lieu des 200 gr/l.

En conclusion, nous pouvons affirmer que les entreprises membres de l’Apab sont actuellement alignées sur les spécifications liées aux taux de sucres dans les boissons.

Cependant, nous regrettons que seules les boissons soient actuellement diabolisées alors que cette industrie ne consomme que 10 % de la consommation nationale annuelle de sucre.

Il convient que la stratégie visant à limiter les maladies non transmissibles, notamment le diabète, prenne en considération la nécessité de réglementer le taux de sucre dans l’industrie de tous les produits alimentaires.

Aussi, il y a la nécessité d’assurer la sensibilisation des consommateurs quant au comportement et au mode de consommation du sucre et des denrées sucrées.

Par ailleurs et pour répondre aux soucis des consommateurs, il est à noter que le contrôle de qualité et de conformité des boissons est régulièrement assuré par les services de la répression des fraudes, rattachés au ministère du Commerce intérieur et de l’Organisation du marché, conformément aux dispositions de la loi n°09-03 du 25 février 2009 relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes.

Aussi, il faut préciser aux consommateurs que pour des résultats exhaustifs et une évaluation du paramètre lié au taux de sucre correspondant à chaque produit et marque de boissons, des prélèvements d’échantillons sont effectués aussi bien au niveau des entreprises de production que sur les lots mis sur le marché et orientés vers les laboratoires officiels pour des analyses approfondies.

En tout état de cause, les opérateurs concernés sont verbalisés en cas de non-respect des spécifications techniques des produits.

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