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Boualem Sansal : 3 contre-vérités sur l’écrivain franco-algérien

L’incarcération de Boualem Sansal continue de faire réagir, notamment en France où l’extrême-droite est particulièrement vent debout pour exiger sa libération et s’attaquer à l’Algérie et aux Algériens. Dans les écrits le concernant, il y a beaucoup de contre-vérités. Nous en avons sélectionné trois.

L’écrivain franco-algérien est inculpé en Algérie pour atteinte à l’intégrité du territoire national. Dans une interview au média d’extrême-droite Frontières début octobre, il avait soutenu qu’une partie du territoire actuel de l’Algérie appartenait historiquement au Maroc.

Boualem Sansal est-il un opposant au pouvoir algérien ?

Dans leur argumentaire, ses soutiens dressent de lui une image qui n’est pas tout à fait la sienne. Il est notamment décrit comme un opposant au pouvoir algérien, un combattant contre l’islamisme et un humaniste.

Si l’écrivain ne suscite pas le même élan de solidarité en Algérie et même chez la gauche française, c’est parce que la description qui est faite de l’homme et de ses combats n’est pas tout à fait exacte. 

Sansal, 75 ans, a derrière lui une carrière littéraire de plus de 25 ans pendant laquelle il a toujours exprimé ses idées et ses convictions avec une grande clarté, que ce soit dans ses livres ou ses interventions médiatiques.

Les fréquentations, les écrits et les silences de Boualem Sansal démentent certains des attributs qui lui sont prêtés depuis son infortune par une partie de la classe politique et de la presse françaises. 

La qualité d “’opposant” au pouvoir algérien revient régulièrement dans les appels à la libération de l’écrivain. Rien dans ses engagements de ces dernières décennies ne permet pourtant de l’affirmer.

Boualem Sansal est un ancien haut fonctionnaire du ministère algérien de l’Industrie. Il avait entamé simultanément l’écriture et le combat contre l’islamisme politique en Algérie quelques années avant sa mise à la retraite en 2003. El Hachemi Djaaboub, le ministre de l’Industrie à l’époque, a dit que c’est lui qui a limogé Sansal. Ce dernier n’a pas quitté ce ministère par opposition à la politique menée par le gouvernement algérien.

Boualem Sansal n’a plus occupé de fonction officielle depuis, mais il ne s’est pas non plus distingué par des prises de positions claires en faveur du changement et de la démocratie en Algérie, y compris pendant le long règne de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika (1999-2019). 

Pendant le Hirak de 2019, il s’est muré dans un silence qui frise l’indifférence. Ces dernières années, il y a eu en Europe des actions pour la libération des détenus du hirak et des journalistes en Algérie, des campagnes et des pétitions, et on n’a pas beaucoup entendu Boualem Sansal. Sans être proche du pouvoir, son attitude n’est en tout cas pas celle de quelqu’un qui peut être mis dans la case des opposants. 

Combat contre l’islamisme ou contre l’Islam ?

L’auteur du “Serment des barbares” n’a jamais été inquiété pour ses écrits ou quelque autre raison dans son pays natal, où il a toujours résidé.

Et ce n’est pas grâce à la “protection” de la nationalité française qu’il n’a obtenue que depuis quelques semaines, en octobre 2024. S’il a été arrêté le 16 novembre et mis en prison malgré son statut d’écrivain, ce n’est pas pour des idées ou son “opposition”, mais pour la ligne rouge qu’il a franchie sur les frontières de l’Algérie dans un contexte de fortes tensions avec le Maroc.  

L’illusion de l’opposition de Boualem Sansal “reposait au fond sur une posture bourgeoise et droitière, c’est celle d’une certaine élite francophone, d’une fraction de la nomenklatura en déclin qui regarde de haut le petit peuple arabophone et la diaspora”, expliquait récemment dans Mediapart le politologue Nadjib Sidi Moussa. 

L’écrivain a en fait choisi son combat auprès de l’extrême-droite et il ne s’en est jamais caché. Sansal avait la légitimité de parler de l’islamisme politique car il venait d’un pays qui a traversé une décennie de terrorisme islamiste et, à plus forte raison, il y a occupé un haut poste dans l’administration algérienne. Du combat contre l’islamisme radical et les intégristes, il a glissé vers la lutte contre l’islam et les musulmans.

Si l’extrême-droite en a fait l’un de ses porte-voix, c’est parce que son discours a très vite évolué vers une islamophobie assumée. Beaucoup de vidéos sont mises en ligne depuis son arrestation le 16 novembre, dans lesquelles il multiplie les mises en garde à l’égard de la classe politique française contre l’Islam rampant et non plus l’islamisme comme il le faisait au début de sa carrière d’écrivain. 

Boualem Sansal, un humaniste ? 

Boualem Sansal n’avait aucune gêne à partager l’avis des ténors de l’extrême-droite identitaire, comme Éric Zemmour, sur le “grand remplacement” et  l’Islam “incompatible” avec la démocratie et la République et grand danger pour la France et l’humanité. 

C’est avant tout l’islamophobie assumée de Sansal qui explique aujourd’hui le silence de beaucoup d’intellectuels et hommes politiques français devant son arrestation. Une islamophobie qui a fini fatalement par se mêler avec l’obsession anti-immigration de l’extrême-droite et ses autres points de fixation comme la glorification du colonialisme et le soutien au gouvernement israélien de Benyamin Netanyahu qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international délivré par la Cour pénale internationale. 

L’attitude de Sansal face au génocide qui se déroule à Gaza depuis plus d’une année lui enlève aussi l’attribut d’ “humaniste” que lui prête l’extrême-droite française. 

“Son discours est tout sauf humaniste : il est raciste, colonialiste et réactionnaire”, dément sans ambages Nadjib Sidi Moussa.

Depuis octobre 2023, l’écrivain franco-algérien suscite l’incompréhension de tous les humanistes du monde en prêtant sa voix au courant qui assimile à de l’antisémitisme le soutien au peuple palestinien ou la dénonciation du gouvernement israélien d’extrême-droite et ses crimes. 

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