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« Bruno Retailleau essaye de se faire un nom en vilipendant l’Algérie »

« Bruno Retailleau essaye de se faire un nom en vilipendant l’Algérie »

Source : Facebook Bruno Retailleau
Bruno Retailleau

Erwan Davoux est directeur de la revue Geopolitics. Ancien chargé de mission à l’Élysée, ce proche de Dominique de Villepin conseille de nombreuses personnalités politiques françaises sur les questions diplomatiques. Il répond aux questions de TSA.

On assiste à une crise sans précédent entre la France et l’Algérie. A-t-on atteint un point de non-retour dans la relation ?

Erwan Davoux. Je ne le crois pas. L’objectif immédiat doit être précisément de l’éviter afin de « ne pas insulter l’avenir ». Pour cela, il faut maintenir des canaux de discussion sérieux dans une certaine confidentialité.

Concrètement, comment apaiser ces tensions ?

Il est nécessaire que des personnes de bonne volonté, des deux côtés de la Méditerranée, se fassent entendre davantage. C’est ce que je tente de faire à mon modeste niveau.

La relation bilatérale doit être envisagée sous un angle plus global que la seule question des visas et des obligations de quitter le territoire français. C’est réducteur de s’en tenir à ces aspects. Nous avons un destin partagé, tout y concourt : la proximité géographique, l’histoire tragique, les binationaux, les enjeux économiques, sécuritaires.

L’usage encore répandu du français en Algérie est également un vecteur de rapprochement. Ceux qui évoquent un « divorce franco-algérien » sont des démagogues dont la pseudo-pensée est un cloaque.

Enfin, je crois que la France doit avoir une relation intense, de qualité, avec l’Algérie et avec le Maroc, même si elle est de nature différente et sans chercher à jouer, in fine, au jeu des vases communicants. C’est possible. Jacques Chirac le fit, ses successeurs n’ont pas été à la hauteur.

Emmanuel Macron a pris la parole, mais son ministre de l’Intérieur continue sa campagne anti-algérienne. Le président a-t-il perdu la main sur ce dossier important ?

Le président a « sifflé la fin de la récréation », mais se trouve dans une situation politique très complexe. Son gouvernement n’a pas de majorité et il a peu de cohérence politique. Il se doit pourtant d’œuvrer au maintien de cette équipe gouvernementale dont la chute aurait pour effet de le placer dans une situation intenable.

De ce fait, il n’a pas l’autorité habituelle que lui confère sa fonction. Néanmoins, il incarne seul la France sur les questions diplomatiques et de défense.

L’intrusion de Bruno Retailleau dans un dossier diplomatique complique les choses. Que doit faire le président ?

En raison de la situation politique complexe évoquée précédemment et de son ambition de conquérir la tête du parti politique « Les Républicains », Bruno Retailleau s’autorise des prises de paroles qui dépassent largement le cadre de sa fonction.

Il essaie de se faire un nom en vilipendant les autorités algériennes, l’Algérie, les Algériens, les binationaux…

Pour conquérir les voix de quelques milliers de militants, Il se permet une confusion des genres totale entre son objectif partisan et son rôle dans l’appareil d’État. C’est naturellement très préjudiciable. Le Quai d’Orsay devrait être aux avant-postes. Ce n’est plus le cas.

On connaît le poids grandissant de l’extrême droite en France, dans la politique, mais aussi dans les médias, avec une focalisation sur l’Algérie. Cela n’est-il pas un obstacle à une relation apaisée ?

Oui, l’extrême droite a le vent en poupe et a su polariser le débat public sur les thèmes qui lui sont chers. Beaucoup préfèrent aller dans le sens du vent plutôt qu’offrir une alternative forte et crédible.

Certains médias sèment la haine et entretiennent des clivages artificiels ou surjoués quotidiennement. Je pense, notamment, à CNEWS qui renvoie une image catastrophique du débat public français à l’étranger et, particulièrement, dans chacun des trois pays du Maghreb.

L’Algérie est devenue une cible quotidienne de pseudos experts qui viennent tranquillement expliquer que « l’Algérie est une menace plus importante pour la France que la Russie ». Cette chaîne a atteint son plafond de verre et ne s’adresse qu’à une petite minorité de Français, même si elle est très présente sur les réseaux sociaux. Elle ne représente en rien les positions de la France, dont elle dessert les intérêts à l’étranger.

Vous êtes un proche de Dominique de Villepin. Quelle est son approche de la relation avec l’Algérie ?

J’épouse toutes ses prises de position à l’international. Je crois qu’il est dans le vrai lorsqu’il dénonce la tentation « en France de faire de l’Algérie le bouc émissaire d’un certain nombre de nos problèmes », notamment « en matière d’immigration ».

Il prône « le dialogue qui implique le respect et la capacité d’assumer cette histoire qui est partagée et qui est si importante des deux côtés de la Méditerranée ». Naturellement, les invectives préalables ne peuvent être le prélude à des échanges fructueux.

Dominique de Villepin est un diplomate de formation qui a exercé des fonctions éminentes à un moment où la diplomatie française rayonnait à l’étranger. Une des dernières personnalités politiques qui dispose d’une vraie vision à l’international et qui incarne l’héritage gaullo-chiraquien.

Peut-il jouer un rôle de médiateur dans cette crise ?

Trois anciens Premiers ministres de Jacques Chirac pourraient jouer un rôle médiateur en raison de leur grande expérience diplomatique, de leur capacité à négocier, de leur esprit non-partisan et de leur connaissance de l’Algérie : Dominique de Villepin naturellement, Alain Juppé (qui est néanmoins astreint à un devoir de réserve) et Jean-Pierre Raffarin.

Ce dernier avait d’ailleurs mené avec succès une mission au début des années 2010 visant à dépasser certains contentieux économiques. Au-delà, il avait su créer un climat de confiance et un dialogue constructif avec les autorités algériennes.

Néanmoins, deux conditions préalables doivent être requises pour ce genre de mission : être missionné formellement par Emmanuel Macron et entretenir une certaine proximité avec ce dernier. Je ne suis pas certain que les conditions soient remplies, seuls les intéressés peuvent vraiment y répondre.

L’essentiel aujourd’hui est la désescalade. Au prochain Président de la République française de s’emparer de la question, avec son homologue algérien, dans une approche renouvelée en évitant les nombreux écueils.

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