Après le risque d’invasion de criquets, c’est au tour du manque de pluie de menacer les récoltes de céréales en Algérie en 2025.
À Tiaret et Bouira, deux importants bassins céréaliers en Algérie, des agriculteurs signalent des parcelles de blé qui souffrent de la sécheresse. Une situation préoccupante si elle devait se prolonger.
Sécheresse en Algérie : des champs de blé touchés à Bouira et Tiaret
À Bouira, un agriculteur montre sur les réseaux sociaux une parcelle de céréales où, si la couleur verte domine, la couleur marron des feuilles les plus basses indique un stress hydrique.
Dans la wilaya de Tiaret, la situation est plus grave. Sur plusieurs parcelles, les plants sont de petite taille et la couleur verte a totalement disparu. Dans les cas les plus graves, comme à Sougueur, sur certaines parcelles la récolte de blé est compromise.
Ce qui fait réagir un spécialiste qui demande si certaines de ces parcelles ne souffrent pas d’un semis tardif qui les auraient fragilisées.
Les parcelles sur des sols peu profonds sont les plus affectées.
Il s’agit de signes inquiétants de manque de pluie. Cependant le mois d’avril est à peine entamé et des épisodes pluvieux sont attendus à cette époque de l’année en Algérie. La situation n’est pas perdue si les plantes ne se dessèchent pas totalement et que les pluies surviennent.
Quant à la culture irriguée sous rampe pivot, les blés sont au stade épiaison et la récolte s’annonce excellente. C’est le cas dans différentes wilayas du sud et notamment dans le sud de la wilaya de Khenchela où, un reportage de la Télévision algérienne montre des parcelles de blé dans un état plus que satisfaisant. Ce qui permet d’envisager d’atteindre la réduction des importations de blé dur, un objectif fixé par l’Algérie pour 2025.
Le ministère de l’Agriculture et du Développement rural est engagé dans un programme visant d’ici 2027 à l’irrigation d’un million d’hectares au sud avec comme objectif d’élargir les superficies des cultures stratégiques telles que le blé dur, le maïs jaune et les oléagineux.
Sécheresse en Algérie : des facteurs aggravants
Outre l’irrégularité traditionnelle des pluies, du climat semi-aride et des effets du réchauffement climatique, s’ajoutent la faible profondeur des sols.
En Algérie, dans plusieurs régions, la profondeur des sols céréaliers est relativement faible. En conséquence, leur capacité à retenir l’eau des pluies est plus limitée.
À cela s’ajoute l’utilisation locale de la paille pour l’élevage alors que dans bon nombre de régions céréalières à l’étranger, les engins de récolte sont munis de broyeurs intégrés. La paille ainsi broyée est répandue uniformément au sol ce qui permet d’améliorer sa fertilité et la rétention d’eau.
Face au manque de pluie au nord du pays, à chaque fois que cela est possible, la solution passe par l’irrigation de complément.
Cela a été le cas en janvier 2023. À l’époque, le responsable de l’organisation et de la régulation des filières agricoles, auprès du ministère de l’Agriculture et du développement rural, Ali Zoubar indiquait que l’institut national des sols, de l’irrigation et du drainage (INSID) « suit de très près la situation et émet des bulletins d’alerte météorologiques pour chaque zone » et « à chaque fois qu’il y a nécessité, l’irrigation d’appoint est déclenchée ».
Cependant, il n’est pas possible d’irriguer l’ensemble des 3 millions d’hectares de terres céréalières. Aussi l’Institut Technique des Grandes Cultures (ITGC) explore plusieurs pistes : variétés résistantes à la sécheresse, lutte contre la concurrence pour l’eau liée à la présence de mauvaises herbes.
En 2010, suite à un séminaire international tenu à Sétif, cet institut s’est intéressé à « l’agriculture de conservation ».
Une technique qui consiste à abandonner le labour et à lui préférer le semis direct. Avantages attendus, un coût moindre et surtout une meilleure conservation de l’humidité du sol qui permet au blé de résister à des périodes de 3 à 4 semaines sans pluie.
Si le manque de pluie devait se prolonger, les parcelles de céréales semées tardivement et celles caractérisées par des sols peu profonds pourraient être sinistrées.
Dans ce genre de situations, les agriculteurs tentent de tirer un revenu en récoltant les tiges desséchées comme fourrage ou en louant ces parcelles sinistrées à des éleveurs de moutons.
En 2023, face à l’étendue de la sécheresse, l’Office algérien des céréales (OAIC) avait indemnisé les agriculteurs affectés par la sécheresse à travers la dotation gratuite l’année suivante en semences et engrais.
Si le manque de pluie dans les régions ouest et centre d’Algérie venait à se prolonger, l’élevage pourrait être impacté.
Algérie : comment produire du blé malgré le manque de pluies ?
En effet, les quantités de paille traditionnellement conditionnée après récolte sous forme de bottes pourrait être réduite. Un déficit qui pourrait affecter le secteur de l’élevage alors que le président Abdelmadjid Tebboune a chargé en novembre 2024 les représentants de l’Union nationale des paysans algériens (UNPA) et de la filière ovine de réfléchir à un programme d’action pour développer l’élevage et venir à bout du manque de viande rouge.
Lors de sa rencontre le 22 mars dernier avec les représentants de la presse, le chef de l’Etat a fait appel aux compétences nationales dans le domaine agricole à l’image des réalisations récentes dans le domaine des stations de dessalement de l’eau de mer.
En Espagne, en Australie ou États-Unis, des agriculteurs arrivent à produire du blé dans un environnement marqué par le stress hydrique.
Entre les moyens matériels mis à la disposition des agriculteurs par les pouvoirs publics et les résultats de la recherche agronomique locale, nul doute que la filière céréales dispose des moyens pour se réinventer face au défi climatique actuel.