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Cinéma : un film sur L’Émir Abdelkader bientôt à l’affiche

C’est une production qui promet de faire parler d’elle ! Mohamed Yabdri, comédien, scénariste et réalisateur algérien, prépare un film documentaire inédit consacré à l’Émir Abdelkader, figure majeure de l’histoire algérienne contemporaine.

Pour ce projet ambitieux qu’il porte en producteur indépendant, il s’entoure d’une équipe de cinéma algérienne et collabore avec des historiens américains et des experts de renommée mondiale.

L’objectif : faire connaître l’Émir Abdelkader, et offrir une relecture moderne et documentée d’un grand résistant du 19ème siècle vu par l’Occident. La sortie est attendue pour la fin 2025, le compte à rebours est lancé !

Mohamed Yabdri fait revivre l’Émir Abdelkader dans un documentaire-drame original

Pour son nouveau film sur le personnage légendaire qu’est l’Émir Abdelkader, le réalisateur Mohamed Yabdri voit grand. Dans des déclarations exclusives à TSA Algérie, il révèle : « C’est un documentaire-drame avec des interviews, des reconstitutions, des scènes basées sur l’histoire de l’Émir Abdelkader. Ça va être un film de cinéma, ce n’est pas pour la télévision ».

 

Ainsi, le réalisateur, installé à Saint-Paul (Minnesota, États-Unis) depuis 2012, annonce la couleur : il ne s’agit pas d’un documentaire classique mais d’une œuvre hybride entre récit historique, fiction et esthétique perfectionné.

D’une durée de 65 à 70 minutes, le film, actuellement en post-production, va faire revivre l’histoire de l’Émir dans une production jamais vue, soutenue par une équipe principalement algérienne.

« C’est une équipe pratiquement 100 % algérienne, à part un bout du costume et le maquilleur. Ici, aux États-Unis, il y a quelques techniciens qui m’aident pour l’éclairage des interviewés, mais c’est tout. L’équipe technique principale est algérienne, et je crois que j’ai eu les meilleurs ! », confie le réalisateur.

Hormis les interviews des divers historiens américains, sollicités en Virginie, dans l’Iowa, dans le Massachusetts, et à New York, le tournage des scènes jouées a eu lieu à Alger et Oran, dans des lieux emblématiques comme le Fort de Santa Cruz, la Villa Abd-el-Tif ou encore les studios du Centre algérien du développement du cinéma (CADC) à El Achour.

« Comme tout Algérien, le personnage m’a toujours inspiré »

Le film entièrement scénarisé par Yabdri mêlera l’arabe algérien -darija- dans sa forme du 19ème siècle, l’arabe standard, et le français parlé par un seul personnage. Un choix assumé pour l’authenticité de l’histoire.

En ce qui concerne la sortie, le réalisateur originaire d’Oran prévoit une sortie en avant-première en Algérie pour l’automne 2025 avant une projection à l’international. « Pour la sortie à l’international, j’espère qu’elle aura lieu en 2026, dans l’un des trois grands festivals que je vise, mais rien n’est encore défini », dit-il.

Acteur, réalisateur, producteur et scénariste, Mohamed Yabdri se distingue par sa polyvalence. Devant comme derrière la caméra, porté par une curiosité instinctive, il se voit comme un « cinéaste indépendant ». C’est cet instinct qui l’a conduit, presque par hasard, sur les traces de l’Émir Abdelkader aux États-Unis en 2023.

« Comme tout Algérien, le personnage m’a toujours inspiré, il y avait ce côté un peu prophétique. Avant que je ne vienne aux États-Unis en 2012, j’entendais parler d’une ville portant le nom de l’Émir Abdelkader. Comment ? Pourquoi ? Depuis quand ? Je n’en avais aucune idée. J’ai alors commencé à faire des petites recherches », détaille le réalisateur de 44 ans.

Elkader, la ville américaine au nom d’un héros algérien

Cette ville, c’est Elkader, située dans l’État de l’Iowa, nommée ainsi en hommage à l’émir algérien et sa résistance face à l’occupation française. Mohamed Yabdri n’hésite pas à faire les 4h30 de route depuis Saint-Paul, caméra en poing.

« J’ai passé deux jours à faire des interviews pour présenter cette ville aux Algériens. Ça a commencé comme ça. Dans cette ville, il y a quelque chose qui m’a donné envie d’aller plus loin encore », raconte-t-il.

À Elkader, il rencontre des gens émus par la figure de l’Émir : « Leur vision du personnage dans ce petit coin du monde -une ville de 1.200 habitants- était extraordinaire. Et il y avait des gens qui venaient de partout ! ».

Ce qui devait être une capsule vidéo prend une autre ampleur lorsqu’il découvre le travail de John Kiser, historien, journaliste d’investigation et auteur du livre « Commander of the Faithful : the Life and Times of Emir Abd el-Kader ».

Yabdri n’hésite pas, il traverse le pays jusqu’en Virginie pour le rencontrer et l’interviewer dans sa ferme. Il affirme : « C’est à partir de son livre que j’ai décidé de faire une recherche plus approfondie et d’écrire des scènes qui vont assurer le côté « drame » de ce film ».

Un acte d’humanité qui résonne 165 ans plus tard

Le film est aujourd’hui 100 % autofinancé. Le budget, dépasse les 50 millions de dinars (environ 330.000 €). Pour le réalisateur, « c’est beaucoup de sacrifices. On est fatigués par les soucis financiers, mais en même temps, je suis plus libre, et cette liberté m’oblige à être plus constant, plus pointu ».

Pour lui, ce film dépasse l’écran. C’est avant tout une manière d’exprimer son patriotisme, de raviver les mémoires, et de révéler au monde un personnage clé de l’Algérie moderne dans sa vision par les Occidentaux.

« En tant qu’Algérien vivant à l’étranger, j’essaie de trouver les personnages en commun entre les cultures… On n’a pas besoin de la validation de notre histoire par l’Occident, mais c’est intéressant de la voir racontée par les autres d’une manière tout aussi extraordinaire », exprime-t-il.

En effet, peu de figures historiques suscitent autant d’admiration et de respect que l’Émir Abdelkader. Né en 1808 à Biskra et mort en 1883 à Damas, de son nom complet Abdelkader Ibn Mahieddine, il était poète, stratège militaire et chef religieux. Il était à la fois un résistant et un pionnier des droits de l’Homme.

Dans le film-documentaire de Mohamed Yabdri, l’accent est mis sur un épisode marquant de sa vie : l’affaire des Druzes en Syrie en 1860, lorsqu’il sauve des milliers de chrétiens menacés de massacre.

« Il aurait pu les laisser à leur sort, mais il a estimé qu’ils avaient le droit de vivre. Il s’est opposé aux siens, les musulmans, pour empêcher ce génocide. C’est un niveau exceptionnel d’humanisme », explique le scénariste algérien.

« Il n’y a pas eu de personnage aussi solide dans l’histoire depuis Saladin »

Le choix de cette période de la vie du personnage n’est pas anodin. D’après Yabdri, l’Émir Abdelkader est une référence morale universelle, car « il ne levait son épée que pour la justice », et « quand il ne pouvait nourrir ses prisonniers, il les libérait ».

Le réalisateur a pris le parti de concentrer son œuvre sur une timeline précise autour de 1860. Les scènes filmées évoquent le passé de résistant du chef militaire en introduction, puis se focalisent sur l’exil en Syrie et l’acte de bravoure qui a bouleversé et bouleverse encore l’opinion mondiale.

Les témoignages américains, dont ceux de John Kiser, du cinéaste Ron Maxwell, et de l’anthropologiste musulmane Afeefa Sayeed, vont dans ce sens : « Les voix disent qu’il n’y a pas eu de personnage aussi solide dans l’histoire depuis Saladin, jusqu’à la venue de l’Émir Abdelkader, fondateur de l’Algérie moderne ».

Depuis août 2023 jusqu’en septembre 2024, les interviews et les tournages se sont étalés sur une année, et rien n’a été laissé au hasard. « Pour les reconstitutions, on a travaillé tous les détails », assure Mohamed Yabdri qui enfile la casquette de réalisateur.

Costumes algériens, tenues historiques venues de Turquie,  décor d’antan…On replonge dans le 19ème siècle de l’Émir Abdelkader El Djazaïri entre l’Algérie et l’empire ottoman.

Des géants du cinéma algérien rassemblés

Pour la direction technique, Mohamed Yabdri a fait appel à Hamid Aktouf, figure du cinéma algérien et ancien collaborateur du réalisateur Mustapha Boudie.

Du côté des témoignages historiques, il a réuni une brochette de spécialistes, de John Kiser qui se passionne littéralement pour l’Émir à l’écrivain algérien Waciny Laredj, qui a plusieurs publications sur le personnage, en passant par l’historien algérien Mohamed El Amine Belghit « qui révèle des choses inédites ».

Côté comédiens, le film promet de surprendre avec des pépites du cinéma algérien. « Biyouna a été particulièrement choisie, elle joue dans un registre qu’elle n’a jamais abordé auparavant ! », annonce Mohamed Yabdri.

Finie la comédie pour la célèbre actrice, place à une interprétation profonde : « Elle était très engagée dans ce film. C’est d’ailleurs l’une des personnes qui m’ont soutenu dans ce projet ».

Pour donner corps au héros révolutionnaire, le comédien Hocine Mustapha, « sosie de l’Émir », était incontournable ; et Mourad Khan, « qui a bouffé les scènes ! », est à retrouver dans la peau d’un personnage ottoman, entre autres « comédiens qui sont allés au bout de leur interprétation ».

« Ce qui m’intéresse, c’est de parler aux Algériens »

Le film, fidèle à « l’élocution, la modestie et la noblesse naturelle » de l’Émir Abdelkader, va jusqu’à introduire Ibn El Arabi, maître soufi du 13ème siècle, interprété par l’artiste Larbi Bestam. « Il apparaît comme la conscience de l’Émir », souligne le réalisateur, qui est resté « fidèle à la description du personnage ».

Avec ce film, Mohamed Yabdri ne cache pas sa double ambition : parler aux Algériens en premier lieu, et toucher un public plus large en bousculant les frontières du cinéma.

Il explique : « Je suis porteur de ce projet et je suis Algérien, donc ce qui m’intéresse, c’est de parler aux Algériens, c’est important pour moi. Et c’est aussi un film destiné à un large public international ».

Le tout en insistant sur la version originale du film : « La langue du film est en arabe/anglais. Plus tard, si une plateforme veut le diffuser, il y aura sans doute du doublage, mais le film en sortie cinéma sera sans doublage, seulement avec ses sous-titrages ».

Une chose est sûre, c’est un rendez-vous à ne pas manquer !

 

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