Le Maroc a été fermement condamné jeudi 19 janvier par le Parlement européen pour ses atteintes à la liberté de la presse. Des députés de l’institution de Strasbourg veulent qu’il le soit tout autant pour son implication dans la corruption de certains de leurs collègues.
Le « Moroccogate » a éclaté en décembre dernier. Une enquête de la justice belge a mis au jour un vaste réseau de corruption de députés européens par des pays tiers afin d’influencer la politique étrangère de Bruxelles.
Ces pays tiers sont le Qatar et le Maroc. Une résolution condamnant l’émirat du Golfe a été adoptée avec célérité le 15 janvier. Elle a notamment appelé à suspendre tout travail avec ce pays et d’interdire à ses lobbyistes l’accès au siège du Parlement européen.
Lors du vote, un passage condamnant également le royaume a été rejeté. Ceux qui ont voté contre ont expliqué que ce qui est reproché au royaume était encore au stade d’« allégations ».
Mais à mesure qu’avançait l’enquête de la police et de la justice bruxelloises, on s’est vite rendu compte que le réseau de corruption a été en fait mis en place par le Maroc et que le Qatar n’avait fait que l’utiliser pour son compte.
Des preuves tangibles de l’implication du renseignement extérieur marocain (la DGED) ont été trouvées et au moins un ancien député, l’Italien Antonio Pier Panzeri, a avoué avoir reçu, lui et sa famille, des « cadeaux » de l’ambassadeur du Maroc en Pologne, Abderrahim Atmoun. D’importantes sommes d’argent en liquide ont été retrouvées dans le domicile de Panzeri.
Les mêmes mesures que celles prises contre le Qatar
Alors que l’enquête était toujours en cours, le Haut représentant pour la politique étrangère de l’UE, l’Espagnol Josep Borell, s’est rendu en visite au Maroc le 5 janvier dernier. Sur place, il a promis qu’il n’y aura pas d’impunité dans cette affaire mais il a tenu à rassurer les responsables marocains, qualifiant notamment le royaume de « partenaire fiable » pour l’Union européenne.
Une attitude qui ne passe pas auprès d’une partie des députés européens, qui avaient déjà très peu apprécié que le Maroc soit épargné par la résolution du 15 décembre.
Dans une lettre à la présidente du Parlement européen, la Maltaise Roberta Metsola, datée de mardi 24 janvier, des députés écologistes et de gauche réclament que le Maroc soit aussi condamné et fasse l’objet des mêmes mesures qui ont été prises contre le Qatar.
La lettre est signée Miguel Urban Crespo, Ana Miranda, Rivasi Michèle, Pineda Manu, et Alfonsi François.
« Ce scandale ne se limite pas au Qatar. Il y a des signes qui laissent penser que le Maroc a emprunté la même voie en interférant dans le processus démocratique de l’Union européenne par le paiement. Ces signes montrent que le Maroc est impliqué dans un réseau organisé, pendant plusieurs années, pour influencer les décisions de l’Europe par des pots-de-vin », écrivent les cinq membres du Parlement européen.
Ils citent les conclusions de la police belge selon lesquelles l’ambassadeur Abderrahim Atmoun a remis des « cadeaux » à l’ancien député Antonio Panzeri et à sa famille.
Malgré tout cela, Josep Borell s’est rendu au Maroc et « malheureusement, il ressort de cette visite que l’Union européenne considère le Maroc comme un ami fiable et un partenaire stratégique, malgré son implication dans le scandale », regrettent-ils.
« À la lumière de ce qui précède, nous, membres du Parlement européen, vous demandons d’user de votre pouvoir afin que le PE prenne à l’égard du Maroc les mêmes mesures que celles prises contre le Qatar », concluent-ils à l’adresse de Roberta Metsola.