Nouvel accès de fièvre entre l’Algérie et la France, après la tentative ratée de Paris d’expulser un influenceur algérien arrêté le 4 janvier dernier. Déjà très attendues à cause du Sahara occidental et de la détention de Boualem Sansal en Algérie, les relations entre les deux pays ont connu un nouvel épisode de fortes tensions ce vendredi.
1- Expulsion ratée d’un influenceur algérien
Boualem N., qui est connu sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme, Doualemn, a été mis dans un vol commercial jeudi vers l’Algérie d’où il a été renvoyé le jour même. Une décision qui ne passe pas à Paris. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a réagi en estimant que « l’Algérie cherche à humilier la France ».
L’affaire de cet influenceur a éclaté le 4 janvier dernier. Quelques jours après les déclarations du président Abdelmadjid Tebboune sur l’affaire Boualem Sansal dimanche 29 décembre, la machine politico-médiatique s’est emballée en France, et ce dans la foulée de la diffusion sur les réseaux sociaux de vidéos inacceptables d’influenceurs algériens.
Le 6 janvier, le président Emmanuel Macron a estimé que l’Algérie se « déshonore », en « empêchant un homme gravement malade de se soigner », en parlant de Sansal.
Deux jours avant, le 4 janvier, Boualem N., est arrêté. Il lui est reproché notamment d’avoir appelé à battre un individu considéré comme un opposant algérien, ainsi que des appels à la haine. D’autres influenceurs comme Imad Tintin, Youssef Zazou et Sofia Benlemane ont été également arrêtés. Les deux premiers « ont été placés tous les deux en garde à vue pour des faits d’apologie d’acte de terrorisme et de provocation à la haine et à la violence ».
Pour Boualem N., il a été placé dans un centre de rétention administratif, dans l’attente de son procès prévu le 24 janvier, mais le ministre de l’Intérieur a pris un arrêté d’expulsion contre cet homme de 59 ans, arrivé clandestinement en France en 1988. Jeudi, il a été expulsé vers l’Algérie qui l’a renvoyé vers la France. Le gouvernement algérien n’a pas communiqué sur cette affaire qui a soulevé un tollé de réactions en France jusqu’à dans le camp macroniste.
2- Algérie – France : les menaces de Bruno Retailleau
Le ministre de l’Intérieur français a réagi en agitant la menace de représailles contre l’Algérie. « L’Algérie cherche à humilier la France », a-t-il dit, alors que la droite et l’extrême droite, qui poussent depuis des mois vers la rupture, réclament des mesures plus dures à l’égard de l’Algérie.
Pour Retailleau, les relations entre l’Algérie et la France ont « atteint un seuil extrêmement inquiétant ». Et ce seuil risque d’être franchi rapidement. Le même ministre a estimé que la France, qui « ne peut pas supporter cette situation », doit évaluer « toutes les mesures » qu’elle peut utiliser contre l’Algérie.
3- L’arme des visas
Parmi ces mesures figure l’arme des visas. En visite à la sous-direction des visas à Nantes à Nantes, Bruno Retailleau qui est le même du gouvernement français qui s’exprime le plus sur la crise avec l’Algérie, a évoqué la possibilité de restreindre l’octroi des visas aux ressortissants, pour contraindre Alger à délivrer plus de laissez-passer consulaires pour permettre l’exécution des OQTF qui frappent les Algériens en France.
Toutefois, l’arme des visas, qui a été utilisée en septembre 2021 contre les trois pays du Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie) pour le même motif, ne semble pas faire l’unanimité au sein du gouvernement français. Selon Europe 1, le Quai d’Orsay n’est pas convaincu de son efficacité.
4- Menaces de sanctions économiques
En revanche, la piste des représailles économiques contre l’Algérie, évoquée aussi par Bruno Retailleau, fait son chemin. Le ministre de l’Intérieur a proposé d’alourdir les « tarifs douaniers » sur les produits industriels et agricoles algériens. En 2023, les échanges économiques entre l’Algérie et la France ont atteint 11,8 milliards d’euros.
L’Algérie veut du gaz et du pétrole à la France. Elle y achète principalement des équipements et des produits alimentaires. Les exportations hors hydrocarbures de l’Algérie vers la France sont insignifiantes. L’autre complexité d’appliquer une telle mesure : les relations économiques entre la France et l’Algérie sont régies par l’accord d’association avec l’Union européenne. Pour imposer des droits de douanes aux produits algériens, il faudrait que les pays de l’UE soient d’accord.
Sous couvert de l’anonymat, un ministre du gouvernement François Bayrou a confié à Paris Match que des « propositions sont sur la table », tout en restant vague sur les actions qui pourraient être lancées contre l’Algérie.
5- Accord de 1968 : un ex-premier ministre de Macron réclame sa révocation
En plus des visas et de l’économie, des appels ont été lancés par des figures de la droite et de l’extrême droite pour révoquer l’accord franco-algérien de 1968 en représailles au refus d’Alger d’accueillir l’influenceur Doualemn.
Le ministre Retailleau a dit qu’il n’était pas nécessaire de solliciter un laissez-passer consulaire pour expulser cet Algérien de 59 ans, puisqu’il détient, selon lui, un passeport biométrique algérien.
Ce n’est pas la première fois que la droite et l’extrême droite réclament la révocation de l’accord de 1968 qui régit l’immigration des ressortissants algériens en France. La revendication a atteint le camp macroniste. L’ancien premier ministre Gabriel Attal s’est prononcé en faveur de la dénonciation unilatérale de cet accord. «Face aux provocations incessantes, il faut dénoncer l’accord franco-algérien de 1968», a-t-il écrit dans une tribune publiée dans le Figaro ce vendredi 10 janvier.