L’apaisement entre Alger et Paris n’aura pas duré longtemps. À peine entamé, il est réduit à néant par une nouvelle crise inédite et plus complexe que la précédente, et qui menace désormais l’économie.
Le 31 mars dernier, après 8 mois de tensions inédites, un appel téléphonique entre les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron avait permis aux deux pays de renouer le dialogue.
Ce réchauffement a été acté lors de la visite du ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot dimanche 6 avril à Alger, avec l’annonce de la reprise de la coopération entre les deux pays dans les domaines, de l’immigration à l’économie en passant par la justice et la mémoire.
Un apaisement de courte de durée
Le 8 avril, deux groupes français ont même annoncé avoir remporté des contrats publics en Algérie, une première depuis de nombreux mois.
Vallourec va fournir des tubes à Sonatrach pour 250 millions de dollars. Le géant gazier algérien a aussi attribué un marché à Viridien, spécialisé dans le domaine des sciences de la terre, et dont le montant n’a pas été précisé.
Alors que les milieux d’affaires franco-algériens savouraient la fin de la crise, ce retour à la normale a été brutalement interrompu par l’arrestation en France d’un agent consulaire algérien et son incarcération.
L’annonce de cette incarcération vendredi 11 avril a mis le feu aux poudres. Alger a expulsé douze agents consulaires français. Paris a fait de même et rappelé son ambassadeur pour consultations. Il devrait rapidement regagner son poste rapidement.
Les inquiétudes des milieux d’affaires français en Algérie
Dans la foulée, le patron du géant français des mers CMA CGM Rodolphe Saadé a annulé son voyage en Algérie, sur recommandations des autorités françaises, a accusé le Conseil du renouveau économique algérien (CREA) dans un communiqué publié dimanche 15 avril.
Le patron du géant mondial des mers avait rendez-vous avec le président de la République et le ministre des Transports pour discuter d’importants investissements de son groupe en Algérie qui cherche à moderniser ses ports.
La plus grande organisation patronale algérienne a annoncé l’annulation de sa visite en France et de sa rencontre avec le patronat français, le Medef, le 9 mai prochain.
Pour le CREA, l’annulation de la visite de Rodolphe Saadé en Algérie a été « provoquée » et « justifiée » par les autorités françaises.
Le CREA a jugé « paradoxal » que les mêmes autorités françaises, qui expriment des « préoccupations quant à la participation limitée » des entreprises françaises aux appels d’offres internationaux en Algérie, prennent des « mesures qui entravent les initiatives d’investissement privé ».
Relativement épargnée par la première brouille entre l’Algérie et la France, l’économie pourrait, cette fois, faire les frais de la nouvelle crise franco-algérienne.
Dans ce contexte, à Alger, les milieux d’affaires français ne cachent pas leur inquiétude. Cette fois, ils sont convaincus que les relations économiques entre les deux pays ne seront pas épargnées par le rouleau compresseur de la nouvelle crise.
Jeudi, la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF), a tiré la sonnette d’alarme. « La relation algéro-française a subi ces derniers jours un regain de tension qui a malheureusement affecté la collaboration économique et plus spécifiquement l’investissement et le développement d’entreprises françaises de renom en Algérie », a alerté la Chambre de commerce algéro-française dans un communiqué signé de son président Michel Bisac.
La nouvelle crise entre Alger et Paris a considérablement affecté le moral des patrons français présents en Algérie qui « ne savent plus à désormais à quelle sauve, ils vont être mangés », pour reprendre l’expression d’un chef d’entreprise qui préfère garder l’anonymat.
« Cette fois, il est difficile pour l’économie de s’en tirer », anticipe-t-il.
Si les groupes français basés en Algérie semble à l’abri de la tempête, le commerce entre les deux pays va sans doute en pâtir. Et s’il est encore tôt pour parler de retombées, les signaux forts d’une rupture brutale des relations économiques entre l’Algérie et la France s’accumulent.
Les patrons de Total Energies et Engie vont-ils maintenir leur visite en Algérie ?
Les annulations de la visite en Algérie du patron du groupe français CMA CGM et de la rencontre entre le patronat algérien et français programmée le 19 mai prochain à Paris sont les marqueurs que l’économie est en train d’être rattrapée par la politique.
À cela s’ajoute la mise à l’écart du blé français lors d’un appel d’offres lancé la semaine passée par l’Algérie.
L’avenir incertain des relations économiques entre l’Algérie et la France est plus incertain alors deux grands patrons français sont attendus dans les prochains jours en Algérie.
Il s’agit du PDG de Total Energies Patrick Pouyanné et de la patronne du géant français du gaz et de l’électricité Engie Katherine MacGregor. Des déplacements peu probables dans le contexte de la crise entre Alger et Paris, même si aucune décision concernant le maintien ou leur annulation n’a été annoncée.