Dans un entretien au quotidien français L’Opinion publié dimanche, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a mis en garde contre « l’irréparable » alors que les relations entre l’Algérie et la France traversent une grave crise depuis plus de six mois.
En octobre dernier, le président de la République a dit qu’il ne faisait que préserver « le cheveu Mu’awiya » avec la France. Après plus de trois mois, il a une nouvelle fois mis en garde contre une rupture entre les deux pays. Il a expliqué au journal français pourquoi il a utilisé cette métaphore.
« Mu’awiya Iᵉʳ est le fondateur du puissant empire des Omeyyades et son premier calife au VIIe siècle. C’était un dirigeant très intelligent, prêt à faire beaucoup pour ne pas arriver à la rupture. C’est mon état d’esprit pour ne pas tomber dans une séparation qui deviendrait irréparable », a répondu le président Tebboune, qui n’écarte pas donc une rupture des relations entre les deux pays qui sont réduites aujourd’hui à leur plus simple expression.
Même la relation d’amitié entre Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron qu’on disait solide, n’a pas résisté à la violence de la crise diplomatique entre les deux pays qui a éclaté le 31 juillet quand la France a décidé de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, malgré les mises en garde de l’Algérie.
Tebboune : « Nous perdons du temps avec le président Macron »
Le 13 juin dernier, en marge de la réunion du G7 à Bari en Italie, Tebboune a rencontré Macron pendant 2 h 30, et lui a dit au sujet de la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental : « Vous faites une grave erreur ! Vous n’allez rien gagner et vous allez nous perdre. »
Un mois et demi après, le président Macron est passé à l’acte. Dans une lettre au roi Mohammed VI dévoilée le 31 juillet, il a reconnu la marocanité du Sahara occidental. Le jour même, l’Algérie a retiré son ambassadeur à Paris. Depuis, la crise entre les deux pays ne cesse de s’aggraver.
« Le climat est délétère, nous perdons du temps avec le Président Macron », a déploré le président de la République qui a confié que l’Algérie avait « beaucoup d’espoirs de dépasser le contentieux mémoriel. »
Malgré l’espoir suscité par la visite en octobre 2022 de la première ministre Élisabeth Borne, une « femme compétente » qui a permis aux deux pays de tracer une feuille de route, les relations n’ont pas avancé.
Sur le dossier de la mémoire, le président Tebboune a réitéré son soutien à l’historien Benjamin Stora qu’il a reçu à deux reprises. « Il a toute mon estime et réalise un travail sérieux avec ses collègues français et algériens sur la base des différentes archives, bien que j’aie déploré que l’on n’aille pas assez au fonds des choses », a-t-il dit.
Algérie – France : Tebboune pose ses conditions pour le dialogue
Benjamin Stora est le chef de file du côté français de la commission mixte d’historiens mise en place par les deux présidents lors de la visite d’Emmanuel Macron en Algérie en août 2022.
Tout en mettant en garde contre l’irréparable, le président Tebboune ne ferme pas la porte à la réconciliation, en posant ses conditions pour le dialogue, par des déclarations fortes de la part de son homologue français Emmanuel Macron. « Tout à fait. Ce n’est pas à moi de les faire », en parlant de « déclarations » à faire pour renouer le contact.
« Pour moi, la République française, c’est d’abord son président », a dit Tebboune, en plaidant que des voix de l’apaisement comme celles de Dominique de Villepin, Jean-Pierre Raffarin, Ségolène Royal et Jean-Pierre Chevènement puissent avoir plus de temps pour s’exprimer dans les médias français.
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