Politique

Crise Algérie – France : pourquoi Alger cible Bruno Retailleau

Bruno Retailleau se plaint de faire la Une de la presse algérienne et d’être ciblé par le gouvernement algérien dans sa réaction à l’emprisonnement d’un agent consulaire.

Pourtant, c’est le contraire qui aurait étonné, tant le ministre français de l’Intérieur s’est mis sciemment aux avant-lignes du courant anti-algérien en France depuis plusieurs mois. 

“Je suis la cible, je suis la grande cible”, a déclaré Bruno Retailleau ce jeudi 17 avril sur RTL. Lundi dernier, le gouvernement algérien a annoncé via un communiqué du ministère des Affaires étrangères avoir sommé 12 agents consulaires français de quitter le territoire algérien sous 48 heures.

La mesure a été prise en réaction à l’arrestation et l’incarcération en France d’un agent consulaire algérien, le 8 avril. 

L’Algérie y a vu un “procédé indigne par lequel le ministre de l’Intérieur voulait rabaisser l’Algérie”.

Mardi, le secrétaire d’Etat chargé de la Communauté algérienne à l’étranger, Sofiane Chaib, a encore plus directement accusé Bruno Retailleau d’avoir orchestré et “réchauffé” cette affaire pour saboter le processus de réconciliation entre l’Algérie et la France après une longue crise de huit mois.

Crise France – Algérie : une succession troublante d’évènements 

Le secrétaire d’Etat a précisé que les 12 agents français expulsés par l’Algérie ne relèvent pas du corps diplomatique et que ce sont des agents placés sous l’autorité du ministre de l’Intérieur français. 

L’Algérie a mis en avant la succession troublante des évènements. Deux jours après la visite à Alger du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot dimanche 6 avril, qui a acté le début du retour à la normale, un agent consulaire algérien est arrêté à Paris, précisément par des agents placés sous la tutelle de Bruno Retailleau.

Cela aurait pu en effet être pris pour une malheureuse coïncidence si le ministre de l’Intérieur ne s’est pas distingué ces derniers mois par ses appels au bras de fer et au “rapport de force” avec l’Algérie, sur fonds de course à la présidence du parti Les Républicains avec son rival Laurent Wauquiez. 

Bruno Retailleau a été nommé ministre de l’Intérieur en septembre dernier. Dès sa première sortie publique, il a annoncé la couleur de ce que sera sa posture vis-à-vis de l’Algérie.

Évoquant la question des laissez-passer consulaires et des OQTF, il a promis de discuter avec le Maroc, un pays qu’il “respecte beaucoup”, et d’aller au “rapport de force” avec les pays “récalcitrants”, dont l’Algérie. Pourtant, les chiffres officiels français ont démontré que les deux pays du Maghreb ont absolument le même taux d’exécution des OQTF. 


Bruno Retailleau, une posture anti-algérienne assumée 

 

Au fil des semaines, Bruno Retailleau a redoublé de véhémence à l’égard de l’Algérie jusqu’à être présenté comme le visage de la droite dure et de l’extrême-droite anti-algérienne au sein du gouvernement français. Dans sa rhétorique, comme le “rapport de force”, et ses propositions, telle la révocation de l’accord sur l’immigration de 1968, le ministre de l’Intérieur a fait du copier-coller sur Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France à Alger.

Début janvier, Retailleau a publiquement accusé l’Algérie de “chercher à humilier la France” pour avoir refusé d’accepter l’expulsion d’un influenceur algérien.

Le 22 février, il a saisi au vol une attaque au couteau commise à Mulhouse pour accuser l’Algérie d’avoir refusé “à dix reprises” de délivrer un laissez-passer consulaire pour l’expulsion de l’auteur de l’attentat. 

Recadré plusieurs fois par Emmanuel Macron et le chef de la diplomatie Jean-Noël Barrot, Retailleau a menacé, le 19 mars, de démissionner si le gouvernement cède face à l’Algérie sur les questions en suspens, notamment le cas Boualem Sansal et les OQTF. 

France : attaques incessantes contre l’Algérie et les Algériens

Le ministre de l’intérieur a fait du dossier Algérie presque une question personnelle, et, surtout, un tremplin pour les besoins de ses ambitions politiques. En France, la gauche le soupçonne en tout cas, et le disent maintenant sans ambages, de cibler l’électorat extrémiste en prônant une ligne dure contre l’Algérie.

Fin mars, Manuel Bompard, le coordinateur de LFI, l’a accusé d’avoir d’autres soucis que la libération de Boualem Sansal qu’il présente comme son ami. 

Les autorités algériennes, eux, ont compris dès le début que cet homme est le problème et ne peut faire partie de la solution, tout en évitant de s’en prendre à toute la France.

“Tout ce qui est Retailleau est douteux compte tenu de ses déclarations incendiaires contre notre pays”, a déclaré début février le président Abdelmadjid Tebboune dans un entretien à L’Opinion. 

Le ministre français de l’Intérieur s’étonne qu’il soit attaqué en Algérie et perd de vue que ce pays ainsi que ses ressortissants en France fait, depuis plusieurs mois, l’objet d’attaques inadmissibles et inédites émanant des partis, médias et personnages de la droite et de l’extrême-droite française.

Bruno Retailleau et son rival Laurent Wauquiez ont même fait de l’Algérie un thème central et un objet de surenchère en prévision du congrès de leur parti. Bruno Retailleau s’est désigné lui-même à l’Algérie comme un écueil à une relation apaisée avec la France. 

 | Sur le même sujet : 

Diaspora algérienne en France : graves dérapages des médias français

Agent consulaire algérien arrêté en France : de nouveaux détails dévoilés

Les plus lus