En France, alors que le discours de l’extrême droite domine le débat public, des personnalités influentes de binationaux dont des Franco-Algériennes prennent la parole pour dénoncer ce climat hostile et leur marginalisation.
Dans une contribution publiée ce vendredi 14 mars sur les colonnes du journal Le Monde, le collectif de binationaux ont notamment déploré la normalisation de « l’idée que certains Français devraient sans cesse prouver leur appartenance, alors que d’autres en seraient les dépositaires naturels ».
Les signataires de la tribune, dont le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz , le diplomate Karim Amelal, le professeur en médecine Sadek Beloucif, Amine Benyamina, professeur de psychiatrie, Université Paris-Saclay, Aicha Mokdahi ou Karima Khatim, ont d’emblée dénoncé « la violence de cette époque qui, à défaut de nous comprendre, tente de nous contraindre à choisir » entre leurs origines respectives et la France, « comme si choisir signifiait renoncer à une part de nous-mêmes ».
La crise entre Paris et Alger « démontre à quel point nous sommes au cœur de cette tension entre les nations »
« Comme si notre existence, façonnée par le dialogue entre nos identités, devait se soumettre à l’injonction du soupçon, à l’exigence d’une loyauté exclusive, à la remise en cause incessante de notre attachement à la France », indique encore le collectif.
Les binationaux signataires de la tribune affirment qu’ils ne sont pas faits de moitié de morceaux que l’on pourrait soustraire ou additionner et refusent d’être réduits à « des pièces détachables de nations concurrentes », comme c’est le cas de la crise actuelle entre la France et l’Algérie.
À ce propos, ils citent l’exemple des binationaux algéro-français, « pris en tenaille par la crise actuelle », ce qui « démontre à quel point nous sommes au cœur de cette tension entre les nations ». Lorsqu’un conflit éclate, « nous en ressentons les répliques dans notre chair », déplorent ainsi les signataires.
Ils estiment qu’aujourd’hui que des voix s’élèvent pour faire de l’identité une forteresse, un rempart dressé contre ceux qui, « comme nous », refusent d’abdiquer leur dimension plurielle, soulignant que ces voix ne sont pas seulement celles de l’extrême droite.
« Elles s’infiltrent insidieusement dans le discours public, normalisant l’idée que certains Français devraient sans cesse prouver leur appartenance, alors que d’autres en seraient les dépositaires naturels ».
En France, les binationaux sont « les premiers à éprouver le poids de ces conflits »
Pour eux, les polémiques actuelles autour de l’immigration, de la laïcité, de l’identité nationale ne cessent de leur rappeler que leur présence dérange, que leurs noms, leurs visages, leurs traditions sont perçus comme des fissures dans l’unité de la France.
Et le plus grave, du point de vue de ces binationaux, c’est que ces pensées s’invitent désormais dans les couloirs du pouvoir, dans les colonnes des journaux et sur les plateaux de télévision.
Et au lieu de profiter de la capacité unique de cette catégorie à faire le lien entre les peuples, « on nous soupçonne, on nous somme de choisir, on nous intime de prouver une fidélité qui ne devrait jamais être mise en doute », indiquent-ils, soulignant que leur double appartenance n’est pas un péril, mais plutôt une chance.
En France, les binationaux sont les premiers à éprouver le poids de ces conflits, selon les rédacteurs de ce cri de cœur. Et pourtant, « certains nous demandent de nous justifier à chaque événement qui secoue nos pays d’origine ».
Et au lieu d’être pointés à chaque fois, les binationaux sont toujours disposés à apporter leur contribution à « déchiffrer les nuances des langues et des cultures, à désamorcer les crispations là où d’autres dressent des murs ».
Parmi les signataires de la tribune, on citera Chems-Eddine Hafiz, Sadek Beloucif, Mohammed Salah Ben Ammar, Myriam Edjlali-Goujon, Kamel Kabtane, Fadila Khattabi, Tokia Saïfi, Nacer Kettane, Xavier Leclerc, Djillali Annane…