Les relations entre l’Algérie et la France traversent leur pire crise depuis l’indépendance en 1962. Depuis quelques mois, les rapports entre les deux pays vont en se dégradant.
En ce début d’année 2025, les tensions sont exacerbées par l’affaire des "influenceurs algériens" arrêtés ces derniers jours en France, et dont un a été expulsé jeudi vers l’Algérie qui l’a renvoyé.
Des membres du gouvernement français se sont mis à évoquer publiquement la possibilité de « riposter » et d’actionner des « leviers ».
La situation actuelle, qui a atteint "un seuil extrêmement inquiétant" selon l’expression du ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau, est la résultante d’une somme de reproches faits de part et d’autre sur des questions diverses, allant de la mémoire à l’économie, en passant par la mobilité et le dossier du Sahara occidental.
Ce que reproche la France à Algérie
Paris exprime régulièrement son mécontentement concernant la question des laissez-passer consulaires pour l’exécution des OQTF, que les consulats algériens ne délivreraient pas en quantités suffisantes.
Les Français se plaignent aussi du recul de leur présence économique dans une Algérie qui diversifie ses partenaires.
L’Algérie achète par exemple de moins en moins de blé français, au profit d’autres fournisseurs, comme les Russes. Mais la liste des griefs que l’Algérie retient à l’égard de la France est bien plus longue.
Selon nos sources, ces reproches sont liés à l’immigration, le Sahara occidental, la présence sur le territoire de personnes recherchées en Algérie, la mémoire, la décontamination des sites des essais nucléaires français dans le Sahara algérien…
Mémoire : les « vrais sujets sont occultés »
Bien que le président Emmanuel Macron ait fait quelques gestes dans le cadre de son projet de "réconciliation des mémoires« , il lui est reproché d’agir au »goutte à goutte" et de limiter la reconnaissance des crimes de la colonisation à un certain niveau de la chaîne de commandement.
Dans le débat sur la mémoire, "les vrais sujets" sont occultés, selon nos sources. C’est le cas par exemple des sites des essais nucléaires français dans le Sahara algérien que la France refuse de décontaminer.
"Si vous voulez aborder les sujets sérieux, venez nettoyer les sites où vous avez effectué des expériences nucléaires. Il y a des gens qui meurent encore, d’autres impactés. Vous êtes devenus une puissance nucléaire, et nous avons eu les maladies. Venez nettoyer Oued Namous, où vous aviez développé vos armes chimiques", a lancé début octobre dernier le président Abdelmadjid Tebboune à l’adresse des dirigeants français.
En décembre dernier, il a réitéré que l’Algérie ne demande pas de réparation financière, mais une reconnaissance par la France des crimes de la colonisation en Algérie.
La France abrite des « agents subversifs »
Alger reproche aussi à la France d’abriter sur son territoire des individus considérés en Algérie comme des "agents subversifs« , dont certains sont condamnés par la justice algérienne ou considérés comme »terroristes".
Aux yeux des autorités algériennes, Paris ne coopère pas non plus davantage concernant la traque des auteurs de détournement et de spoliation des biens publics en Algérie sous l’ancien régime.
Les attaques de l’extrême-droite française contre l’immigration algérienne ne sont pas faites pour arranger les choses, ainsi que l’insistance sur la révocation de l’accord de 1968 sur l’immigration, réclamée désormais même par des membres du gouvernement français.
Traitement « discriminatoire » des Algériens en France
Cet accord est présenté comme avantageux pour les Algériens, mais les autorités algériennes ne partagent pas cet avis, puisque dans les faits, c’est le contraire qui est constaté avec le traitement « discriminatoire » que subissent les ressortissants algériens au niveau de certaines préfectures françaises où il arrive que des OQTF soient délivrées parfois même pour ceux établis légalement en France, selon nos source.
Sur le plan diplomatique, l’Algérie a très mal accueilli la décision de la France de s’aligner complètement sur les thèses marocaines sur le Sahara occidental.
Le 31 juillet dernier, la France a reconnu la "souveraineté marocaine« sur le territoire occupé et annoncé qu’elle considérait le plan d’autonomie présenté par le Maroc comme »seule base" pour parvenir à un règlement du conflit. C’est ce revirement qui a amené l’Algérie à procéder au retrait de son ambassadeur à Paris.
Sahara occidental et Sahel, deux sujets de discorde
Le poste est vacant depuis plus de cinq mois. Du reste, la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, a toujours joué un rôle néfaste au sein de cette instance concernant la question du Sahara occidental.
On peut ajouter, sur le volet diplomatique, la question du Sahel. Bien que n’ayant plus aucune influence directe après le retrait de ses troupes de la région et ses rapports tendus avec les nouveaux dirigeants du Mali, du Niger et du Burkina Faso, Alger reproche à la France de continuer à agir indirectement dans toute la région.