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Crise avec l’Algérie, rapprochement avec le Maroc : à quoi joue le Mali ?

Nouveau casse-tête chinois pour Alger. Après l’avortement de son initiative au Niger, voilà qu’elle se retrouve confrontée à un début de crise avec son voisin malien avec qui pourtant les relations sont historiques, tout en tentant un rapprochement avec le Maroc.

À l’origine de la brouille : la convocation mercredi dernier par le ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale malien de l’ambassadeur d’Algérie à Bamako.

Par ce geste, Bamako entendait, selon un communiqué officiel, protester contre des rencontres tenues à Alger quelques jours plus tôt entre les autorités algériennes et des groupes rebelles du Nord Mali, le MSA (Mouvement pour le salut de l’Azawad), principal groupe signataire pro-Bamako, et une délégation des rebelles du CSP (Cadre stratégique permanent), qu’elles ne citent pas au demeurant.

Bamako n’a pas aussi apprécié le tapis rouge déroulé à Mahmoud Dicko, chef de la confrérie Kountia, un homme très influent, disposant d’un vaste réseau dans le Nord et en bisbilles avec les dirigeants du nouveau régime issu du coup d’État de 2020.

Qualifiées d’ « actes inamicaux, sous couvert de processus de paix », ces rencontres sont perçues par les autorités maliennes comme une « ingérence dans les affaires intérieures du Mali ».

Même si elles réitèrent leur « engagement » en faveur de la mise en œuvre de l’accord d’Alger, le communiqué exhorte Alger à « privilégier le dialogue avec les autorités maliennes, les seules légitimes à maintenir les échanges d’État à État avec les partenaires du Mali ».

En réaction à ce geste, l’Algérie a décidé de son côté de convoquer l’ambassadeur du Mali à Alger pour lui rappeler son attachement « ferme » à la souveraineté, à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale de ce pays voisin.

Aussi, le chef de la diplomatie algérienne a rappelé à son interlocuteur que l’Algérie avait exhorté le 13 novembre dernier, via un communiqué, l’« ensemble des parties maliennes » à réaffirmer leur engagement à exécuter l’Accord de paix et de réconciliation issu du Processus d’Alger. Dès lors, les rencontres tenues avec ces groupes signataires de l’accord sont conformes, selon Alger, à l’esprit et au texte du communiqué. Pourquoi alors l’agacement de Bamako ?

Derrière cette fébrilité, se dissimule à vrai dire une volonté des nouvelles autorités de Bamako de remettre en cause le plan de paix. Sinon, comment expliquer leur offensive, appuyée par le groupe Wagner, de novembre dernier à Kidal dont ils se sont emparés ?

Le Mali se fâche avec l’Algérie et veut remettre en cause l’accord d’Alger

Un acte perçu par les groupes signataires de l’accord d’Alger comme un « casus belli » et qui n’a pas manqué d’impacter les populations locales. Aux yeux des observateurs, cet acte traduisait une volonté des nouvelles autorités de porter un coup de grâce à l’accord d’Alger qui prône une grande décentralisation et une intégration des membres de la rébellion dans l’armée régulière.

Autre indice : en pleine zone de turbulences que traversent les relations entre les deux pays, le chef de la diplomatie malienne a décidé de se rendre au Maroc pour participer à une réunion de coordination, initiée par le Royaume, avec d’autres pays du Sahel, dont le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Objectif de l’initiative : désenclaver les pays du Sahel en leur permettant un accès à l’océan Atlantique via le Sahara occidental occupé, leur donner accès aux infrastructures marocaines et leur ouvrir les portes du commerce international.

Une initiative qui semble emballer ces pays puisqu’ils ont convenu de créer, chacun, une Task force nationale pour préparer et proposer les modalités d’opérationnalisation de cette initiative avec laquelle le Maroc cherche à contrecarrer la transsaharienne algérienne et à acter sa politique du fait accompli au Sahara occidental.

Dans la guerre d’influence qu’elle mène à l’Algérie, le Maroc, encouragé sans doute par le désengagement français du Sahel, entend se déployer davantage dans cette région qui est en proie à toutes les crises.

Le Maroc cherche à « parasiter » les efforts de l’Algérie pour trouver une solution à la crise au Mali, pointe une source algérienne qui soupçonne Rabat d’être derrière les faux communiqués du ministère des Affaires étrangères algérien qui ont procédé à l’éclatement de la crise entre Alger et Bamako.

Et tout comme le Niger, le Burkina Faso ou encore le Tchad où les nouvelles autorités issues de coups d’État sont désavouées par nombre de pays, le Mali semble voir dans l’initiative marocaine une formidable opportunité pour sortir de l’isolement et s’imposer aux yeux de la communauté internationale.

Mais reste l’essentiel : comment les autorités à Bamako parviendront-elles à sceller la réconciliation, sans un engagement franc pour la mise en œuvre de l’accord d’Alger, avec certains groupes politico-militaires du Nord avec lesquels la rupture semble consommée ? D’où la question qui coule de source : à quoi joue Bamako ?

Une réponse à cette question est venue de l’imam Mahmoud Dicko qui s’est interrogé dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux sur la durée de la transition au Mali qui dure depuis le coup d’État de mai 2021 : « Allons-nous rester dans une transition qui ne finira jamais ? Qui souhaite que nous demeurions dans cette transition sans trajectoire » ?

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