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Crise France – Algérie : Bruno Retailleau a-t-il perdu la partie ?

Bruno Retailleau a-t-il perdu la partie face à l’Algérie ? Le Quai d’Orsay est en train de reprendre ses droits dans l’épineux dossier de la crise entre l’Algérie et la France, après avoir été éclipsé par l’offensive du ministre de l’Intérieur. Les dernières déclarations du ministre français des Affaires étrangères le laissent en tout cas penser.

À deux reprises en 24 heures, Jean-Noël Barrot a désavoué indirectement ses collègues va-t-en-guerre du gouvernement, particulièrement le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui pousse au durcissement de la position de la France.

Mercredi, le chef de la diplomatie française a signifié sur la plateforme Brut que « c’est au Quai d’Orsay, sous l’autorité du président de la République, que se forge la politique étrangère de la France ». Barrot répondait à une question sur la proposition faite par le ministre de la Justice Gérald Darmanin de réinstaurer le visa pour les porteurs du passeport diplomatique algérien.

Invité ce jeudi 16 janvier sur RTL, Jean-Noël Barrot a développé un discours très mesuré. Par exemple, il a parlé de « difficultés » et a refusé d’utiliser le mot « crise » pour décrire l’état actuel de la relation bilatérale, malgré l’insistance du journaliste de la radio publique française.

La France veut « restaurer » sa relation avec l’Algérie

« Je crois que le niveau de tension n’est pas à la hauteur de l’amitié et des liens qui doivent être ceux qui rassemblent la France et l’Algérie », a-t-il simplement dit.

Pour lui, « ni l’Algérie, ni la France n’ont intérêt à ce que s’installe une situation de crise, une situation de tension ». « Nous sommes deux pays voisins, deux grands pays de la Méditerranée, nous avons intérêt à aplanir les difficultés », a-t-il estimé.

Mercredi, devant le Parlement, Barrot avait annoncé une réunion dans les prochains jours autour du président Emmanuel Macron sur cette question de la relation avec l’Algérie.

« Nous allons dans les prochains jours autour du président de la République et du Premier ministre définir les suites à donner, les mesures à prendre pour restaurer la coopération indispensable entre nos deux pays », a-t-il répété ce jeudi, expliquant donc que la réunion a plutôt comme objectif de sortir de la situation actuelle. Dans la foulée, Barrot a réitéré, pour la troisième fois depuis vendredi, sa proposition de venir en Algérie pour aplanir les différends.

Soit tout le contraire de ce que disait la veille, également devant le Parlement, Bruno Retailleau. « Toutes les mesures doivent être mises sur la table, des mesures individuelles et plus générales », a dit le ministre de l’Intérieur à propos de la rencontre annoncée autour du chef de l’État.

France-Algérie : Bruno Retailleau hors-jeu ?

Retailleau a multiplié les déclarations tapageuses à propos de l’Algérie, dans la continuité de son discours anti-algérien qu’il développait avant même d’entrer au gouvernement. Depuis septembre dernier, Bruno Retailleau est en quelque sorte la voie de l’extrême-droite au sein de l’Exécutif, particulièrement sur les questions de l’immigration et des relations avec l’Algérie.

C’est lui qui, le 10 janvier, au lendemain du refus d’Alger d’accueillir un influenceur expulsé de France pour « appels à la violence », a accusé l’Algérie de chercher à « humilier la France ».

Retailleau est accusé de souffler sur les braises. Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Écologistes, l’a qualifié de « pyromane » qui « allume un feu chaque semaine ».

Il n’y a décidément pas que la gauche qui le soupçonne d’agir sur la question de l’Algérie en fonction d’un agenda lié à la prochaine élection présidentielle en France.

Son agitation commence visiblement à irriter au sein même du gouvernement, à en juger par les dernières sorties du locataire du Quai d’Orsay.

L’Algérie s’en prend à l’extrême droite française

Dans un long article consacré à la question, Mediapart écrit que le ministre de l’Intérieur « tente d’entraîner Emmanuel Macron dans sa bataille ». Peine perdue ? C’est en tout cas ce que laissent déduire les mises au point à peine voilées du Quai d’Orsay.

L’Algérie aussi semble avoir deviné les desseins de Bruno Retailleau et du courant politique qu’il représente. Dans sa communication sur le sujet, le gouvernement algérien pointe du doigt « l’extrême-droite revancharde et haineuse » et évite soigneusement de s’attaquer à la France.

Dans son dernier communiqué daté de samedi 11 janvier, le ministère des Affaires étrangères algérien a réfuté toute « logique d’escalade, de surenchère ou d’humiliation », en réponse aux accusations de Bruno Retailleau.

« C’est bel et bien l’extrême-droite et ses représentants qui veulent imposer à la relation algéro-française leurs vues faites de velléités d’intimidation, de menace et d’un bras de fer dont ils parlent sans retenue et sans nuances », a rétorqué la diplomatie algérienne. L’homme qui, en France, promet depuis plusieurs mois un « bras de fer » à l’Algérie, c’est précisément Bruno Retailleau.

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