Alors que l’Algérie et la France sont entrées dans une nouvelle phase de tensions après une éphémère tentative de rapprochement, Benjamin Stora intervient de nouveau dans le débat. Il dénonce les « calculs politiques » de Bruno Retailleau ainsi que les craintes de tous ceux qui ont en France un lien avec l’Algérie.
Dans un entretien au Nouvel Obs paru ce mercredi 23 avril, l’historien spécialiste de l’Algérie fustige particulièrement l’attitude du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qu’il accuse d’obéir dans sa démarche de rapport de force avec l’Algérie, à des « calculs politiques ».
Benjamin Stora déplore aussi ce qu’il appelle la « droitisation effective » de la classe politique française.
Benjamin Stora : Quand Retailleau parle de l’Algérie, cela renvoie à la colonisation
Dans son analyse, l’historien spécialiste de la guerre d’Algérie estime que derrière « les calculs politiques » du ministre de l’Intérieur, qui « entend s’opposer à celui des Affaires étrangères », apparaît la contradiction de Bruno Retailleau. Celui-ci, qui « appartient à un parti qui se réclame du gaullisme », développe un discours « perpétuellement centré sur un rapport d’hostilité à l’Algérie ».
Cela se situe, estime l’auteur de « Le mystère de Gaulle : Son choix pour l’Algérie », « à l’inverse de la démarche du général de Gaulle qui s’était prononcé en faveur d’un processus de décolonisation ».
"Les Algériens appuient peut-être sur cette contradiction. Quand le ministre de l’Intérieur s’exprime si fortement aujourd’hui, cela renvoie aussi implicitement au temps où l’Algérie était divisée en trois « départements » français, donc sous le contrôle du ministère de l’Intérieur, signale Stora.
Bien que ces attitudes et ces postures « de circonstance » envers l’Algérie peuvent évoluer au rythme des accords qui peuvent intervenir sur des questions comme le gaz et les investissements ou en fonction de la situation internationale, comme le jeu de la Russie au Sahel, Benjamin Stora constate avec « regret » la « droitisation effective » de la classe politique. Ce « glissement », dit-il, « s’opère au détriment d’une position de la France qui doit voir plus loin que de simples calculs électoraux ».
Benjamin Stora évoque les craintes de la communauté franco-algérienne
Cette situation lui fait craindre une remise en question de tout ce qui a été entrepris par le président Emmanuel Macron sur le plan mémoriel avec l’Algérie.
Déjà, regrette-t-il, cette question mémorielle passe au second plan, derrière d’autres comme les flux migratoires ou l’activité des influenceurs algériens sur le sol français. « Or, dit-il, la mémoire entre la France et l’Algérie reste un sujet hautement inflammable. »
L’historien né en Algérie évoque une autre crainte, celle de la forte communauté franco-algérienne. « La crainte existe chez tous ceux qui ont un lien de cœur avec l’Algérie. Et ils sont nombreux. L’existence d’un espace mixte franco-algérien est désormais trop grande pour que se « défasse » ce lien », estime-t-il.