Des voix continuent à s’élever en France pour dénoncer la surenchère de l’extrême-droite et de la droite dure concernant la relation avec l’Algérie.
Sans surprise, Dominique de Villepin a rejoint ceux qui développent un discours de raison. L’ancien Premier ministre et chef de la diplomatie française sous Jacques Chirac a dénoncé ceux qui cherchent à "donner un coup à l’Algérie", à travers notamment la suppression de l’accord de 1968 sur l’immigration.
Alors que les leaders de l’extrême-droite, mais aussi des responsables gouvernementaux, comme le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, poussent les deux pays vers la rupture par leurs excès de langage, des voix de la raison se font entendre en France.
Et elles sont de plus en plus nombreuses à dénoncer la rhétorique belliqueuse du courant extrémiste qui fait de l’Algérie un tremplin au service de son agenda politique.
Accord de 1968 : De Villepin marque son désaccord avec Retailleau
Après Jean-Luc Mélenchon, Ségolène Royal, Marine Tondelier et de nombreuses figures de la gauche, Dominique de Villepin est lui aussi monté au créneau pour fustiger les va-t-en-guerre.
"Quelque chose qui m’afflige tous les jours, c’est la façon dont les grandes affaires diplomatiques sont traitées aujourd’hui par les hommes politiques français, par Twitter en quelques phrases", a-t-il déclaré dans un entretien avec Edwy Plenel, le fondateur de Mediapart, et dans laquelle il a annoncé sa volonté de se porter candidat à l’élection présidentielle française de 2027.
L’allusion au ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau ainsi qu’à d’autres hommes politiques comme l’ex-premier ministre Gabriel Attal ne fait guère de doute lorsque De Villepin cite le tapage qui est fait autour de l’accord franco-algérien sur l’immigration.
"Il faut dénoncer l’accord de 1968 avec l’Algérie… Quand on a l’histoire que nous avons avec l’Algérie, est-ce qu’on peut la ramener à une formule comme celle-là ? Qu’est-ce que ça veut dire ‘il faut supprimer l’accord de 68’ ? Ça veut dire quoi ? Ça veut dire en gros, il faut donner un coup à l’Algérie. C’est ça une diplomatie ? C’est ça une politique vis-à-vis d’un pays avec lequel nous sommes liés par la culture, par l’histoire, par la géographie et par le peuple ?", s’est interrogé Dominique de Villepin.
Dominique de Villepin : vouloir supprimer l’accord de 1968 c’est ‘’donner un coup à l’Algérie"
Pour lui, "on ne peut pas aujourd’hui prétendre parler au monde en employant uniquement le langage de la surenchère.
Parce que, explique-t-il, il s’agit d’appuyer sur une touche pour dire : surenchère, exclure, éloigner, marquer de la fermeté‘".
"Ce sont des marqueurs politiques« , dans une société »où on progresse dans les sondages, on progresse dans les vues et les likes, parce qu’on emploie les bons marqueurs", souligne-t-il encore.
Emission L’echappée @edwyplenel du 17/01/2025 pic.twitter.com/bfT2nxGed1
— Dominique de Villepin (@Villepin) January 18, 2025
Jeudi dernier, le leader de La France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, a poussé un coup de gueule contre ceux qui poussent à la rupture avec l’Algérie.
"Nous ne voulons pas la guerre avec l’Algérie. Ce sont nos frères, nos sœurs, nos grands-parents, nos amis !« , s’est-il écrié, dénonçant lui aussi le langage de menaces et de représailles employé par certains hommes politiques. »Y en a assez de ce vocabulaire, assez de dire que nous allons riposter. Ça suffit de montrer du doigt, toujours les mêmes, pour les culpabiliser. Il n’y aura pas de riposte, il doit y avoir une discussion (…) Vous parlez de nos familles, ça suffit !", a-t-il ajouté.
Avant Mélenchon, Ségolène Royal, candidate à l’élection présidentielle de 2007, a plaidé pour un retour "à des relations diplomatiques respectueuses les uns des autres« , estimant que »ce n’est pas à partir d’un seul cas qu’on doit stigmatiser la totalité d’un pays« , en allusion à l’affaire des influenceurs algériens arrêtés en France pour »appels à la violence".
Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes, avait, elle, fustigé le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qu’elle a accusé d’être un "pyromane« qui »allume un incendie chaque semaine".
Alors que les deux pays sont au bord de la rupture, des voix sensées se font entendre au sein même du gouvernement français. Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, a exprimé indirectement son exaspération des immixtions répétées de certains responsables, dont Retailleau, dans cette question de politique étrangère qui, a-t-il rappelé fermement, "se forge au Quai d’Orsay, sous l’autorité du président de la République".
"Ni l’Algérie, ni la France n’ont intérêt à ce que s’installe une situation de crise (…) Nous sommes deux pays voisins, deux grands pays de la Méditerranée, nous avons intérêt à aplanir les difficultés", a plaidé Barrot jeudi sur RTL.