Politique

Crise France – Algérie : la pression monte sur Macron pour s’exprimer

La perspective d’un rapprochement entre Alger et Paris s’est de nouveau éloignée après la visite de la ministre française Rachida Dati au Sahara occidental, le 17 février, alors que la pression continue de monter sur le président Emmanuel Macron pour prendre la parole.

Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau en a rajouté une couche avec de nouvelles accusations contre l’Algérie après l’attentat de Mulhouse, samedi 22 février. Pendant que la crise se complique, la pression monte sur le président Emmanuel Macron, qui se mure dans le silence.

En France, la pression exercée par le courant anti-Algérie fait son effet. Le gouvernement français s’apprête même à décréter des mesures contre l’Algérie, dont la limitation du nombre de visas à délivrer aux ressortissants algériens.

Des décisions devraient être arrêtées mercredi prochain lors d’un Conseil interministériel consacré à l’immigration, a laissé entendre la porte-parole du gouvernement français, Sophie Primas.

Quel avenir pour la relation Algérie-France ?

Après six mois d’une crise sans précédent entre les deux pays, le président Abdelmadjid Tebboune a pris ses responsabilités en posant un préalable loin d’être insurmontable pour la reprise du dialogue politique, « quasiment interrompu ».

Dans un entretien au journal français L’Opinion début février, Abdelmadjid Tebboune a invité indirectement Emmanuel Macron à s’exprimer et à se démarquer du discours belliqueux de la droite dure et de l’extrême-droite.

« Encore faut-il que le président français, les intellectuels, les partisans de la relation puissent faire entendre leurs voix », a répondu le président algérien à une question sur la reprise rapide du contact.

Abdelmadjid Tebboune attend des déclarations « fortes » du côté français. En attendant que le président sortant prenne éventuellement la parole, ce sont au contraire des gestes très préjudiciables pour la relation qui ont émané de Paris, comme cette visite de la ministre de la Culture dans les territoires sahraouis occupés.

C’est à peine si le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a recadré du bout des lèvres son collègue de l’Intérieur déterminé à imposer un rapport de force à Alger.

Dans le bras de fer qu’il a engagé avec l’Algérie, Bruno Retailleau est en roue libre et rien ne semble en mesure de l’arrêter. Samedi dernier, il est revenu à la charge en accusant l’Algérie d’avoir refusé « dix fois » de délivrer un laissez-passer pour l’exécution de l’OQTF (obligation de quitter le territoire français) qui frappait l’auteur de l’attaque au couteau à Mulhouse, un Algérien arrivé illégalement en France en 2014.

Bruno Retailleau a évidemment réitéré son appel à engager « un rapport de force » avec l’Algérie, et réclamé l’abrogation de l’accord de 1968, faisant ainsi le lien entre l’immigration et le drame de Mulhouse.

France – Algérie : Macron se mure dans le silence, Retailleau en roue libre

Dimanche, le chef de la diplomatie Jean-Noël Barrot a répondu qu’il n’était pas intéressé par le rapport de force qui, selon lui, « ne marche pas ». « Nous agissons par la diplomatie, avec une palette d’outils dont nous parlons, et d’autres dont nous ne parlons pas », a dit le chef du Quai d’Orsay.

« C’est au Quai d’Orsay, sous l’autorité du président de la République, que se forge la politique étrangère de la France », avait déjà signifié Barrot le 20 janvier, en réaction aux immixtions du ministre de l’Intérieur dans un dossier diplomatique, qui plus est très sensible.

La prise en charge de fait du dossier « Algérie » par Bruno Retailleau aggrave la crise et rapproche chaque jour les deux pays de la rupture. Pour l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin, ce qu’est en train de faire le ministre de l’Intérieur est « loin de débloquer, il conduit au contraire à une impasse encore plus grande ».

Crise France – Algérie : De Villepin critique la méthode Retailleau

S’exprimant dimanche sur BFMTV, De Villepin a mis un autre coup de pression sur Emmanuel Macron pour intervenir dans ce dossier qui est de sa « responsabilité », car, estime-t-il, « la situation de notre relation avec l’Algérie est inacceptable ».

« Nous ne pouvons pas ne pas trouver un terrain d’entente avec l’Algérie pour régler ce problème », a affirmé l’ancien chef de la diplomatie française, appelant Emmanuel Macron à prendre la parole.

« À ce que je sache, les relations avec l’Algérie ne sont pas dans l’escarcelle de Monsieur Retailleau. C’est la responsabilité du ministre des Affaires étrangères et la responsabilité du président de la République », a-t-il rappelé, déplorant « un problème de cohérence des différentes chaînes de responsabilité ».

Le diplomate estime qu’il n’appartient pas au ministre de l’Intérieur de s’adresser à l’Algérie. « S’il y a un message à porter à l’Algérie, un message de fermeté, mais en même temps qui permet de faire avancer des solutions, ce message doit être porté par le président de la République et le ministre des Affaires étrangères », a-t-il insisté.

Bien que le sujet soit omniprésent dans le débat public en France, Emmanuel Macron ne s’est pas exprimé sur la crise avec l’Algérie depuis le 6 janvier, lorsqu’il a estimé que l’Algérie se « déshonore » en maintenant en détention l’écrivain Boualem Sansal.

Alors que de nombreuses voix en France estiment qu’il doit prendre la parole. C’est le cas du sénateur socialiste Rachid Temal qui, après une visite de deux jours à Alger (8 et 9 février), il a salué l’interview du président Tebboune dans L’Opinion et demandé au président Macron de s’exprimer sur la crise afin de renouer le dialogue avec l’Algérie.

Le président français a la responsabilité de clarifier les choses maintenant que la relation bilatérale avec un partenaire important est au bord de la rupture. Pour le moment, il se garde de le faire.

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