Bruno Retailleau est de plus en plus isolé dans ses attaques contre l’Algérie et sa croisade contre l’accord de 1968. Le ministre français de l’Intérieur est très critiqué en dehors de la sphère extrémiste alors que la pression monte sur le président Emmanuel Macron.
D’un côté, les extrémistes réclament des sanctions contre l’Algérie, et de l’autre, de plus en plus de voix marquent leur différence et appellent à l’apaisement.
Dominique de Villepin, qui a estimé dimanche que la dénonciation de l’accord franco-algérien sur l’immigration, c’est « donner un coup à l’Algérie », est revenu à la charge ce lundi 20 janvier sur France Info, plaidant pour des relations apaisées entre les deux pays.
Au lendemain du renvoi par l’Algérie d’un influenceur expulsé de France le 9 janvier, Bruno Retailleau avait crié à l’« humiliation ». Une accusation qu’il a réitérée dimanche 19 janvier sur BFMTV.
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« Je suis diplomate de formation, et s’il y a un sentiment dont il faut se méfier en matière de diplomatie, c’est l’humiliation. L’humiliation de qui, de quoi ? », lui a répondu ce lundi De Villepin.
L’ancien chef de la diplomatie et Premier ministre de Jacques Chirac a rappelé des épisodes de l’histoire, dont le fameux « coup de l’éventail » qui a servi de prétexte pour la France pour envahir l’Algérie en 1830.
« Rappelez-vous la dépêche d’Ems. Là aussi, la France était humiliée et on est parti en guerre pour cela (contre la Prusse en 1870, ndlr). Parce qu’on a jugé qu’on était humilié, c’était en fait une manipulation. Rappelez-vous le coup d’éventail du Dey d’Alger, il y a presque 200 ans. Là aussi, la guerre a suivi. On ne va pas rejouer une nouvelle guerre d’Algérie », a déclaré de Villepin ce lundi sur franceinfo.
France : Bruno Retailleau très critiqué pour ses attaques contre l’Algérie
Qualifiant la crise en cours de plus grave entre les deux pays depuis la guerre d’Algérie, le diplomate a estimé qu’ « il faut faire preuve de beaucoup de sang-froid ».
« Il ne faut pas oublier qu’entre nous et l’Algérie, il y a des millions d’Algériens de France, des millions de Franco-algériens et plus largement que cela, des millions de Français issus du Maghreb, qui tous voient avec beaucoup d’inquiétude, ces fluctuations, ces évolutions », a-t-il ajouté.
De Villepin n’a pas épargné Bruno Retailleau. « Il y a un malentendu depuis le départ, le ministre de l’Intérieur qui veut régler des questions qui ne se règlent que par la diplomatie, à la place du ministre des Affaires étrangères, et de la diplomatie », a-t-il accusé.
Dominique de Villepin a évoqué de nouveau l’accord franco-algérien de 1968 sur l’immigration. « Si nous souhaitons rediscuter de ces accords, eh bien parlons-en avec les Algériens. Est-ce qu’on est obligé d’adopter une position punitive ? Sortons de ces logiques ! », a-t-il exhorté, dénonçant la tentation qu’ont certains « de se laisser aller à régler des comptes ».
« Ce n’est pas la nature de la relation entre la France et l’Algérie. Nous avons payé à travers l’Histoire suffisamment cher pour apprendre qu’il n’y a qu’un chemin : c’est celui de l’amitié, du respect, et je l’espère très fortement de la réconciliation », a plaidé l’ancien Premier ministre.
Ségolène Royal est, elle aussi, revenue à la charge contre la ligne adoptée par le ministre de l’Intérieur dans la gestion de la crise avec l’Algérie, se demandant sur X, s’il est « ministre des Affaires étrangères ». Sur un dossier relevant, en effet, de la diplomatie, Bruno Retailleau est omniprésent et multiplie les postures belliqueuses.
Crise France – Algérie : Barrot recadre Retailleau
« Quand on a soutenu la loi inqualifiable sur ‘les bienfaits de la colonisation’, est-on légitime pour menacer l’Algérie, afin de faire oublier le fiasco d’une expulsion claironnée avant d’être réalisée ? », s’est encore interrogée la candidate à l’élection présidentielle française de 2007.
Ségolène Royal, qui fait allusion à l’expulsion ratée de l’influenceur Doualemn le 9 janvier, dit « comprendre » la démission du conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron, « un diplomate professionnel respecté et expérimenté, conscient de l’effondrement de l’estime pour la France en Afrique en raison de postures arrogantes d’un autre âge ».
Il est ministre des Affaires Étrangères ? Quand on a soutenu la loi inqualifiable sur «les bienfaits de la colonisation», est-on légitime pour menacer l’Algérie, afin de faire oublier le fiasco d’une expulsion claironnée avant d’être réalisée ? On comprend la démission du… https://t.co/0noSwdff9e
— Ségolène Royal (@RoyalSegolene) January 19, 2025
De nombreux médias français, dont La Lettre et Politico, ont rapporté que le principal conseiller diplomatique de l’Élysée, Emmanuel Bonne, a déposé sa démission vendredi 10 janvier sur le bureau d’Emmanuel Macron à cause, entre autres, des immixtions répétées de Bruno Retailleau dans les affaires diplomatiques, précisément la gestion de la crise avec l’Algérie.
Un grief que retient également le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui a dû le répéter ce lundi matin sur RMC.
« C’est bien au quai d’Orsay et sous l’autorité du président de la République que se forge la politique étrangère de la France », a rappelé le chef de la diplomatie française pour la troisième fois en moins d’une semaine. La remarque est destinée à Bruno Retailleau, ainsi que cette conclusion sur l’accord de 1968 : « Ce n’est pas une recette miracle de le supprimer ou de l’abroger. Sinon, ça ferait longtemps qu’on le saurait. »
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