C’est une première depuis plusieurs années qui illustre la montée des tensions entre l’Algérie et la France. Dans un contexte de grave crise entre les deux pays, le ministre français de l’Intérieur ne sera pas présent au traditionnel Iftar des ambassadeurs qu’organise chaque Ramadan depuis 2022 la Grande mosquée de Paris.
Alors que Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur entre 2020 et 2024, a toujours répondu présent à ce qui est appelé « l’iftar des ambassadeurs », son successeur Bruno Retailleau n’est pas annoncé parmi les convives au repas prévu ce mardi 18 mars à la Grande mosquée de Paris, rapporte l’AFP. C’est le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot qui représentera le gouvernement français.
L’absence annoncée de Bruno Retailleau n’est pas tout à fait une surprise dans un contexte de vives tensions entre l’Algérie et la France qui n’ont pas épargné la Grande mosquée de Paris et son recteur franco-algérien Chems-Eddine Hafiz.
Absence de Retailleau à l’Iftar de la Grande mosquée de Paris : un autre signe des tensions entre Alger et Paris
Le ministre de l’Intérieur se distingue depuis plusieurs mois par ses griefs contre l’Algérie contre laquelle il préconise d’engager « un rapport de force » sur la question migratoire et l’affaire Boualem Sansal, cet écrivain franco-algérien, incarcéré depuis novembre dernier en Algérie.
En janvier dernier, le premier flic de France, qui brigue la présidence des LR (Les Républicains, droite) avec un œil rivé sur les présidentielles de 2027, s’en est pris frontalement à la Grande mosquée de Paris sur la question de la certification Halal pour le compte de l’Algérie. L’institution avait été accusée d’avoir mis en place « un juteux système financier » après avoir obtenu du gouvernement algérien l’exclusivité de la certification Halal des produits importés par l’Algérie des pays de l’Union européenne et du reste du monde.
Bruno Retailleau avait promis d’agir contre la Grande mosquée de Paris et ce qu’il a qualifié d’« Islam consulaire, très influencé par des pays étrangers ». « J’ai demandé à mes services de voir, d’examiner les conditions sur lesquelles cette taxe avait été instaurée », a-t-il déclaré le 24 janvier. « Une mosquée est un lieu de culte, ce n’est pas une ambassade », a-t-il dit en allusion à l’institution dirigée par Chems-Eddine Hafiz.
France-Algérie : la Grande mosquée de Paris prise dans le tourbillon de la crise
Quelques semaines plus tôt, Xavier Driencourt, l’autre voix du courant anti-Algérie en France, s’était, lui aussi, attaqué dans les mêmes termes à Chems-Eddine Hafiz, lui rappelant qu’il n’est pas « l’ambassadeur officieux de l’Algérie » et l’invitant à s’occuper "de religion et non de politique.
Le recteur de la plus importante institution religieuse musulmane en France avait dénoncé une « campagne médiatique sans précédent » et des « attaques extrêmement virulentes, totalement mensongères » émanant des « milieux hostiles à l’apaisement des relations entre la France et l’Algérie ».
« La Grande mosquée de Paris fait les frais de la détérioration des relations franco-algériennes », confirme auprès de l’AFP le sociologue Franck Frégosi.
Signe supplémentaire de tension, aucun imam n’est arrivé cette année d’Algérie pour le Ramadhan, alors que d’habitude à cette période de l’année, 80 imams algériens sont envoyés pour encadrer les fidèles pendant le mois du jeûne dans les différentes structures affinées à la GMP.
« La situation est compliquée » a seulement commenté Hafiz, selon Sud-Ouest. Ce dernier a expliqué que ses tourments sont antérieurs à la crise France-Algérie. Ils ont commencé précisément depuis qu’il a refusé de marcher aux côtés de l’extrême-droite contre l’antisémitisme en novembre 2023. « Avant, j’étais le musulman qu’il fallait fréquenter à tout prix. Après, je deviens le pire des antisémites », dit-il.