Économie

Culture du tournesol, le nouvel or jaune des agriculteurs algériens

Les efforts d’introduction de la culture du tournesol en Algérie commencent à porter leurs fruits, les superficies augmentent.

Le ministère de l’Agriculture et du Développement rural ambitionne de les porter à 300.000 hectares pour réduire les importations et alimenter les usines locales de trituration de graines oléagineuses afin de produire une huile de table 100% algérienne.

À Ménéa, dans le sud du pays, au milieu d’un champ de tournesol en pleine floraison, l’ingénieur Brahim est fier du résultat obtenu par l’exploitation de Mahmoud Hedjad.

À l’occasion d’une vidéo reprise par la page « Tout sur l’agriculture algérienne », Brahim, ingénieur auprès de la société d’agrofourniture PhytoBiochem confiait fin octobre que ce résultat a été obtenu par une variété semée le 20 août.

L’exploitation compte deux parcelles sous pivot totalisant une surface de 45 hectares. Des parcelles qui présentent une végétation d’un vert qui tranche avec l’aridité environnante. Les tiges se terminent par d’énormes fleurs aux pétales d’un jaune vif dont le cœur, le capitule, est rempli de graines.

L’exubérante végétation indique un excès d’irrigation avant floraison, mais sur la parcelle menée en irrigation continue, l’eau n’est pas un facteur limitant.

Simplement, la nécessité d’ajustements futurs pour ces agriculteurs se lançant dans une nouvelle culture. La greffe semble prendre. Dans le sud algérien, des investisseurs commencent à cultiver le tournesol.

Et les entreprises privées spécialisées dans l’importation de semences et de désherbants les accompagnent en assurant un approvisionnement en intrants et conseil technique.

Certes, les investisseurs installés dans le sud du pays n’ont pas le choix. Au mois de juillet, Youcef Cherfa, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural a indiqué que les bénéficiaires de concessions agricoles au niveau des périmètres irrigués du sud ont obligation d’établir des plans de culture triennaux et de les présenter aux services agricoles. Des plans qui doivent inclure en priorité des cultures stratégiques : céréales, maïs en grains, légumineuses et oléagineux.

Tournesol : développement timide au nord de l’Algérie

Au nord de l’Algérie, les semis de tournesol restent limités. Pourtant, dans les sols profonds et dans les zones climatiques les plus arrosées, la culture est possible, quitte à prévoir une irrigation d’appoint lors de la floraison.

Contrairement au colza semé en même temps que le blé et qui se suffit de la pluie, le tournesol a besoin d’un minimum de 8°C pour germer. Ce qui oblige à des semis au printemps et expose la culture aux sécheresses du mois de mai à moins d’utiliser des variétés précoces permettant un gain de 5 à 6 quintaux.

Le 2 avril dernier a eu lieu dans la wilaya de Guelma le lancement officiel de la campagne de semis du tournesol. Un lancement en petit comité à la différence des céréales et que relaie sur les réseaux sociaux l’ingénieur Nabil Athmania de l’Institut Technique des Grandes Cultures.

PhytobioChem a fourni gratuitement une assistance matérielle et technique sur une parcelle de 10 hectares à travers semences, herbicides et engrais. Une variété différente de celle utilisée au sud afin de tenir compte des conditions climatiques locales.

Tournesol, une culture rémunératrice

Fin août, ce sont près de 700 hectares qui ont été semés à Aïn Defla au niveau de la ferme pilote Ben Brik Si Ibrahim. Après avoir testé la culture sur 27 hectares la saison précédente et avec un rendement de 20 quintaux, les dirigeants de l’exploitation estiment la culture rentable.

D’autant plus que les prix au quintal sont très intéressants.   Selon les services agricoles, les agriculteurs algériens devraient bénéficier d’un prix minimum garanti de 5.600 DA par quintal de tournesol.

À cela, devrait être ajoutée une prime d’État de 3.000 DA, soit un total de 8.600 DA. Par comparaison, le blé dur est actuellement payé 6.000 DA le quintal.

En septembre dernier l’agriculteur Mohamed Haroun, membre de la Confédération des industriels et des producteurs algériens (CIPA) faisait remarquer qu’au prix mondial de 490 euros la tonne de tournesol et sur la base d’un euro équivalent à 148 DA, l’agriculteur pourrait se voir proposer un prix de base de 7.300 DA.

Un prix auquel devrait être rajouté la prime de 3.000 DA. Actuellement, le prix de la tonne atteint actuellement 620 euros au niveau du port de Rouen, selon le site spécialisé Terre-Net qui note que « les prix du tournesol retrouvent des sommets de près de deux ans sur le physique français, dans un marché en manque d’offre et de qualité ».  Un résultat qui s’explique par les conditions pluvieuses lors de la récolte de tournesol en France.

Les gestionnaires de la ferme pilote Ben Brik Si Ibrahim sont d’autant plus confiants dans la culture de tournesol que les autorités locales les ont assurés de « la sécurisation de l’eau d’irrigation par le creusement de puits », relate le média Al Iktissad DZ.

Autre avantage de la culture de tournesol, permettre une rotation d’espèces différentes du blé et ainsi éviter la persistance des mauvaises herbes et parasites inféodés à la culture des céréales.

Oléagineux, un programme ambitieux

Le programme national de développement des oléagineux est ambitieux. A l’occasion d’une rencontre avec des investisseurs, le ministre de l’Agriculture a indiqué que dans les 3 années à venir, l’objectif était d’arriver à 300.000 hectares d’oléagineux. Un développement qui s’inscrit dans le programme national d’un million d’hectares cultivés au sud.

Dans ce cadre, Youcef Cherfa a indiqué que pour tout investisseur de plus de 10.000 hectares, l’interlocuteur serait directement le ministère. Le ministre a également insisté sur la nécessité de rotations culturales annuelles à base de céréales, légumes secs et oléagineux.

Approvisionnement des usines de trituration

En Algérie, l’entrée en production d’unités de trituration a remplacé le traditionnel raffinage d’huiles brutes importées. Le développement local de la culture d’oléagineux, dont le tournesol, vise à approvisionner ces unités. Celles-ci sont le plus souvent situées à proximité des ports afin de faciliter leur approvisionnement à partir de matière première importée.

L’unité Cevital de Béjaïa dispose d’une capacité annuelle de trituration de 6.000 tonnes de tournesol, 5.000 tonnes de colza et 11.000 tonnes de soja. Quant à celle installée dans le port de Djen-Djen, elle devrait dans une première phase assurer la trituration de 5.000 tonnes de graines oléagineuses du programme oléagineux.

L’usine AGC-SIM d’El Hamoul (Oran) possède également d’importantes capacités de trituration.

Maîtrise des coûts

Les prix d’achat du tournesol proposés aux agriculteurs par les pouvoirs publics sont particulièrement rémunérateurs et constituent un atout pour la réussite du programme oléagineux. Au sud, il repose sur la disponibilité en eau et semences. Des semences hybrides qui sont actuellement importées dans leur totalité.

Concernant les produits phytosanitaires, selon l’étude menée en 2016 par l’enseignant-chercheur Ali Daoudi sur « le financement informel du secteur maraîcher en Algérie : le cas du crédit fournisseur », pour ces produits phares recherchés par les agriculteurs, « les marges dépassent les 500% ».

Pour les agriculteurs, la maîtrise des coûts de culture du tournesol passe par la disponibilité d’intrants à prix modérés.

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