Politique

Débat sur l’accord de 1968 en France : « Stop à l’Algérie-bashing ! »

Les Franco-Algériens sont de plus en plus nombreux à s’exprimer sur la crise entre Alger et Paris, apportant la contradiction au courant extrémiste anti-Algérie qui, jusque-là, monopolisait presque le débat.

Les sénateurs Akli Mellouli et Rachid Temal, l’industriel Yazid Sabeg, le recteur Chems-Eddine Hafiz ou encore le militant associatif Yefri Benzerga font entendre un autre son de cloche, nettement différent du discours belliqueux du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, de la droite dure et de l’extrême-droite.

Tous ont appelé à cesser de faire de l’Algérie et des Algériens le “bouc émissaire” des maux de la France.

Mardi 4 mars, le fameux accord de 1968 sur ‘immigration a fait l’objet d’un débat au Sénat français. Le sénateur d’origine algérienne Akli Mellouli a dénoncé avec force ce qu’il a qualifié de “dérive inquiétante d’une partie de la classe politique française” qui fait de l’Algérie un bouc émissaire “au gré des calculs électoraux”. Il a dit « stop à l’Algérie bashing » en France.

Il est temps de dire stop” à tout ce à quoi l’on assiste aujourd’hui, soit “l’instrumentalisation politicienne”, les “mensonges”, la “stigmatisation d’une communauté” et le “négationnisme historique”, a-t-il dit devant ses paires.

Évoquant l’accord franco-algérien de 1968, Mellouli a tordu le cou à une contre-vérité ressassée par ceux qui appellent à sa révocation. Non seulement le texte n’est pas avantageux pour l’immigration algérienne en France, comme ils le soutiennent, il est au contraire désavantageux pour les Algériens qu’il “exclut de nombreuses avancées législatives” qui bénéficient aux ressortissants d’autres pays, comme le passeport talents.

Le sénateur écologiste d’origine algérienne a aussi signalé que les attaques actuelles vont au-delà de l’Algérie et “blessent aussi des Français” des “milliers d’hommes et de femmes” qui ont “un lien affectif avec l’Algérie”.

Akli Mellouli a déploré que des personnalités en France parlent encore des bienfaits de la colonisation française en Algérie. « Le seul bienfait de la colonisation fut la décolonisation », a-t-il assené.

Algérie – France : “Ceux qui jouent avec le feu doivent mesurer les conséquences de leurs actes

Yefri Benzerga, président de l’Association des Algériens de Charente-Maritime, voit pour sa part dans les attaques de Retailleau une “stratégie devenue presque mécanique” qui consiste à faire de l’Algérie et de ses ressortissants “un bouc émissaire facile pour détourner l’opinion publique française de ses propres maux”.

Dans un communiqué diffusé ce mercredi 5 mars et dont une copie est parvenue à TSA, Benzerga a exprimé sa “profonde indignation” face à ce qu’il qualifie de “spirale de provocations qui piétine à la fois l’histoire, la mémoire et la dignité du peuple algérien”.

L’Algérie n’a de leçons à recevoir de personne. C’est une nation souveraine, libérée au prix du sang de millions de martyrs, et nous avons toujours défendu notre honneur face à ceux qui pensaient pouvoir nous dominer, nous intimider ou nous faire porter la responsabilité de leurs propres faillites sociales et politiques”, écrit le représentant des Algériens de Charente-Maritime.

Benzerga a rappelé aux anti-algériens que ce n’est pas l’Algérie qui a créé des “ghettos à la périphérie des grandes métropoles françaises”, qui a “abandonné des générations entières à la précarité et à la discrimination” et qui a “saboté les promesses de la République envers ses propres citoyens d’origine immigrée”.

Membre actif par ailleurs du Comité national algérien de soutien au peuple sahraoui, Yefri Benzerga pointe aussi une “hypocrisie structurelle” de la France vis-à-vis de la question du Sahara occidental.

La crise actuelle a été déclenchée pour rappel par la reconnaissance par la France de la “souveraineté marocaine” sur le Sahara occidental, fin juillet dernier.

Pour Benzerga, les récentes visites officielles de la ministre de la Culture Rachida Dati et du président du Sénat Gérard Larcher dans les territoires sahraouis occupés constituent une “provocation directe non seulement envers l’Algérie, mais aussi envers l’ensemble du droit international”.

L’Algérie ne pliera jamais face aux pressions, aux insultes ou aux intimidations. Nous avons résisté hier, nous résisterons demain”, assure-t-il.

Le militant associatif appelle en outre ceux qui, à Paris, “prennent plaisir à jouer avec le feu”, à prendre la mesure des “conséquences de leurs actes”, leur rappelant que près de 7 millions d’Algériens vivent en France et respectent les lois de la République française tout en restant “viscéralement attachés à leur pays d’origine”. Parmi eux, précise-t-il, “plus de deux millions de binationaux qui exercent leur droit de vote en France”…

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