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Des tomates cerise destinées à l’export cultivées dans des serres high-tech en Algérie

Des tomates cerise destinées à l’export cultivées dans des serres high-tech en Algérie

Par Taras Garkusha / Adobe Stock
Tomates cerises

L’Algérie va bientôt changer de statut dans le domaine de la production de la tomate cerise, avec l’entrée en production du projet du groupe privé Souakri dans le désert, pour devenir un important exportateur de ce produit.

Les premiers plants de tomates ont été mis en terre dans les serres géantes du groupe à El Meghaier dans le sud-est algérien. Des serres ultramodernes fruit d’un partenariat avec une entreprise hollandaise. Le groupe Souakri compte démarrer avec une production de 6000 tonnes de tomates.

« Nous avons terminé l’installation des serres sur 10 hectares. Les travaux ont duré 18 mois. Nous avons aussitôt lancé les plantations et la production devrait commencer fin 2024-début 2025. Les tomates sont cultivées dans un environnement extrêmement contrôlé. Nous utilisons de la musique classique pour que les tomates ne stressent pas », explique à TSA Abdenour Souakri, patron du groupe éponyme.

D’ici quelques semaines les premières tomates cerises devraient être récoltées et dirigées vers les marchés européens. Des marchés ultra-concurrentiels.

C’est à El Meghaier, à 600 km au sud-ouest d’Alger, que sont installées, en plein désert, les serres multichapelles du groupe algérien. Au nombre de 8, elles sont réparties sur 10 hectares, et dessinent une tache blanche dans ce coin de désert au sol de couleur ocre. La Télévision algérienne leur a consacré un reportage.

Des serres ultra-modernes

À l’intérieur, l’activité est bourdonnante. Des employés vêtus de combinaisons blanches s’affairent autour de chariots sur lesquels sont disposés des caisses de jeunes plants.

Délicatement ceux-ci sont transplantés par une main d’œuvre, en partie féminine, dans des bacs en plastique comportant un mélange horticole.

Le tout est alimenté en eau et en engrais par un système de goutte à goutte. Il s’agit d’une technologie hollandaise qui permet d’apporter les éléments fertilisants selon le stade de la plante.

L’eau inutilisée par les plantes est récupérée ce qui permet une économie de 50% de l’eau d’irrigation.  Des capteurs de température et d’hygrométrie permettent de maintenir une ambiance propice à la culture selon un programme informatique.

« Quand il fait 70°C à l’extérieur, la température à l’intérieur des serres est de 27-28 °C. Tout est contrôlé à partir du laboratoire de l’exploitation. Rien n’est laissé au hasard. Ce sont des serres high-tech », ajoute Abdenour Souakri.

La hauteur de ce type de serre permet aux plants de tomates d’atteindre jusqu’à 16 mètres de haut ce qui maximise la production.

Pour réduire les maladies, les plants ne sont pas en contact avec le sol mais conduit selon la technique du hors-sol. Nulle trace de terre n’apparaît dans la serre, les sols sont entièrement recouverts d’une bâche plastique de couleur blanche. Sur les murs de ces serres d’1,25 hectare chacune, des extracteurs renouvellent en permanence l’air.

L’énergie électrique est fournie par des panneaux photovoltaïques ce qui permet une autonomie du complexe.

Ce type d’alimentation permet de réduire l’empreinte carbone et constitue un atout face aux normes européennes de plus en plus exigeantes en matière écologique.

Abdenour Souakri confie : « Ce sont des plants qui vont produire durant toute une année et non pas seulement pour une saison de 3 mois ». Il ajoute : « Il s’agit de produire des tomates répondant aux normes internationalesNous réalisons ce qu’il y a de meilleur pour le pays. Nous souhaitons apporter des techniques qui rehaussent le niveau technologique du pays. Nous préparons l’après-pétrole ».

Près de 80% de la production de la tomate cerise produite dans ces serres ultramodernes devrait être exportée vers l’Europe, le Proche-Orient et la Russie.

Un ingénieur, travaillant sur le projet, confie à la Télévision algérienne : « La société hollandaise nous a permis d’acquérir une technologie ultramoderne dans la culture des légumes sous serre ».

 Jusqu’aux semences qui sont d’origine hollandaise et correspondent au type de tomates cerises recherchées par les consommateurs européens. Des consommateurs particulièrement exigeants. 

Dans une deuxième étape, 10 autres serres devraient être installées. L’ensemble des serres et des installations annexes s’étendent sur dix hectares et le projet emploie déjà 300 personnes. « Nous avons des problèmes pour trouver de la main d’œuvre. C’est difficile. Certains ne veulent pas être déclarés à la Sécurité sociale pour ne pas perdre l’allocation chômage », affirme Abdenour Souakri.

Groupe Souakri, une diversification dans l’agriculture

Le groupe Souakri est surtout connu pour ses activités dans la production de ciment et d’autres matériaux de construction.

En juillet 2022 en présence de Elizabeth Moore Aubin ambassadrice des USA en Algérie, le groupe Souakri et Global Health Services Network ont posé la première pierre de l’hôpital Meftah General Hospital d’une capacité de 300 lits dont l’entrée en fonction est prévue en 2026.

Abdenour Souakri est le président du conseil de surveillance de Ciment Lafarge Souakri (Cilas) dont le groupe Souakri détient 51 % du capital. Un partenariat qui permet la production de 3 millions de tonnes de ciment par an et dont les perspectives d’exportations pour 2023 étaient de l’ordre de 50 millions de dollars confiait en janvier dernier Abdenour Souakri lors d’un entretien à TSA.

À priori, rien ne permettait d’imaginer une diversification du groupe dans le domaine agricole. Mais la famille Souakri a toujours été attachée à la terre comme en témoigne la petite exploitation agricole qu’elle possède dans la Mitidja.

Tomates algériennes, à l’assaut du marché européen

Être présent sur le marché européen de la tomate signifie entrer en concurrence directe avec les producteurs d’Espagne, de Hollande, de Turquie et du Maroc. Des concurrents dont certains possèdent 25 années d’expérience.

En novembre 2023, un rapport des Chambres d’agriculture de France indiquait que les achats de l’UE sont originaires pour 70 % du Maroc et pour 23 % de la Turquie. Des exportations marocaines favorisées par « l’entrée en vigueur en 2013 de l’accord d’association UE-Maroc qui a largement favorisé ce développement » selon la même source.

Des tomates notamment produites au Sahara occidentaloccupé où les investisseurs bénéficient de larges exonérations fiscales et des ressources locales en eau. La production est ensuite expédiée par la route jusqu’à Agadir pour y être estampillées tomates du Maroc.

Parmi les producteurs au Maroc, le groupe franco-marocain Azura qui s’est spécialisé dans la filière fruits et légumes et a largement investi au Maroc depuis 25 ans. Il fournit aujourd’hui les supermarchés européens en barquettes de tomates cerises marocaines au prix défiant toute concurrence de  99 centimes d’euro le kilo.

Produire en quantité des tomates aux normes européennes et correspondant au goût des consommateurs – ils raffolent des tomates légèrement sucrées – n’est qu’un premier pas. Encore faut-il passer les barrières douanières de l’UE.

Pour les expéditions vers l’Europe les producteurs peuvent compter sur les aides en matière de transport, quant aux barrières douanières européennes, celles-ci sont particulières et peuvent comprendre deux niveaux.

Dans le cas du Maroc, l’UE autorise l’importation de tomates, seulement du 1er octobre au 31 mai, afin de ne pas concurrencer la production des agriculteurs européens. Sans quoi les exportateurs, hors UE, se voient appliquer des taxes supplémentaires.

Aussi, les producteurs marocains arrêtent de récolter fin mai les tomates de leurs serres alors en pleine production pour cause des restrictions imposées par le calendrier de l’UE.

Cependant, des exportateurs au Maroc, arrivent encore à exporter à des tarifs concurrentiels vers l’UE après le 31 mai et cela malgré des taxes supplémentaires.

En effet, l’accord d’association du Maroc avec l’UE accorde une réduction des droits de douane de 60 % de la valeur des produits entre « juin et septembre sans limitation ». 

Cette poursuite des exportations de tomates s’explique par le salaire horaire qui « s’élève à 0,74 € au Maroc contre 13,64 € en France » selon Légumes de France.

En avril 2024, face au statut avantageux accordé au Maroc  depuis 2013 et non réactualisé, l’hebdomadaire français Le Point a titré: « le sacrifice de la tomate française ! »

Toutefois, les tomates marocaines produites au Sahara occidental ont subi un coup dur avec l’arrêt de la Cour de justice européenne (CJUE) qui a invalidé définitivement les accords dans le domaine de la pêche et de l’agriculture entre l’Union européenne et le Maroc. Les deux parties ont une année pour appliquer cette décision.

Une opportunité qui pourrait profiter aux tomates algériennes du groupe Souakri qui a la capacité d’exporter massivement des tomates vers l’Europe. « Nous allons commencer à exporter à partir de 2025 et l’Europe est notre première cible », affirme M. Souakri.

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