L’événement fera date dans l’histoire de l’action africaine commune et des relations entre l’Algérie et l’Afrique du Sud. Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, s’est adressé ce vendredi 6 décembre 2024 aux membres du Parlement algérien.
Députés et sénateurs ont été réunis en session extraordinaire au Palais des nations d’Alger pour écouter le président de l’un des plus importants Etats du continent, en tout cas la première puissance économique d’Afrique. Le congrès du Parlement, un événement rare en Algérie, a été convoqué par décret présidentiel le 3 décembre.
Dans la conjoncture actuelle, il s’agit d’un geste très fort qui découle de la grande entente entre Alger et Johannesburg sur quasiment tous les dossiers internationaux, particulièrement ceux du continent.
Cyril Ramaphosa est arrivé jeudi soir à Alger pour une visite d’Etat, à l’invitation de son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune.
Le président sud-africain est subjugué par la beauté de la ville d’Alger. Il l’a dit et répété plusieurs fois dans son discours d’une vingtaine de minutes, prononcé vers 18h.
C’est vêtu d’un burnous algérien que Ramaphosa est entré dans la salle circulaire du Palais des nations, sous les applaudissements nourris de l’assistance.
L’Algérie et l’Afrique du Sud sont deux nations liées par l’histoire, a-t-il rappelé. « Nos deux pays ont connu le colonialisme, nos deux peuples ont souffert. Nous avons lutté contre l’apartheid et le colonialisme et nous avons vaincu. En étant aujourd’hui indépendants, nous avons la mission d’améliorer la situation de nos peuples », a-t-il dit.
Dans leur lutte contre l’apartheid, le Congrès national africain (ANC) et son chef Nelson Mandela ont trouvé aide et assistance auprès de l’Algérie nouvellement indépendante.
Mandela y a séjourné au début des années 1960, avant de rentrer chez lui où il se fera emprisonner pour près de trois décennies par le régime d’apartheid qui dirigeait l’Afrique du sud. « L’armée algérienne a fait de moi un homme », dira-t-il à sa libération en 1990.
Cyril Ramaphosa a évidemment rappelé cet épisode, rendant hommage à l’Algérie. Le Sud-africain a rappelé cette phrase d’Ahmed Ben Bella, premier président de l’Algérie indépendante, dans son premier discours : « L’Algérie a le devoir de soutenir les mouvements de libération dans toute l’Afrique. »
« Ces propos vous rendent exceptionnels en tant que peuple et nation » et « l’Algérie a effectivement tenu parole envers les peuples d’Afrique », a reconnu Ramaphosa, ajoutant que son pays a « une dette envers l’Algérie ». « Nous nous sommes libérés parce que vous nous avez aidés », a-t-il ajouté.
C’est en signe de reconnaissance aussi que Mandela avait réservé l’un de ses premiers voyages à l’étranger après sa libération à l’Algérie, qui avait entamé, comme l’Afrique du Sud, un processus de transformation démocratique. Mandela s’est adressé à une jeunesse algérienne très enthousiaste à la Coupole olympique d’Alger en mai 1990.
Cyril Ramaphosa, lui, a parlé devant les parlementaires réunis en session extraordinaire pour l’écouter. Un acte qui traduit la constance des deux nations dans le même combat pour l’émancipation des peuples.
« Nous avons hérité de la flamme de la liberté, c’est une responsabilité pour nous. Nous devons faire en sorte que cette flamme éclaire la voie du développement pour l’Afrique », a-t-il déclaré.
À Alger, le président sud-africain réitère le soutien de son pays à la Palestine et au Sahara occidental
L’Algérie et l’Afrique du Sud conjuguent leurs efforts sur la scène internationale pour mettre fin au dernier avatar colonial du continent, qui est l’occupation du Sahara occidental par le Maroc,et particulièrement depuis une année, pour permettre au peuple palestinien de disposer d’un Etat indépendant.
La cause palestinienne a trouvé en l’Afrique du sud, « le meilleur soutien » pour briser le mur d’impunité derrière lequel l’occupation sioniste s’appuie pour échapper à toute reddition de compte, a déclaré jeudi le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf.
Cyril Ramaphosa est revenu sur le soutien qu’apporte son pays à la cause palestinienne. « Malgré la distance, Mandela nous a appris que notre liberté ne sera pas complète jusqu’à ce que les Palestiniens aient leur liberté et leur autodétermination », a-t-il rappelé.
A propos des actions engagées par l’Afrique du sud devant la justice internationale contre Israël, Ramaphosa a souligné que ce pays « tue des femmes et des enfants, détruit les maisons et les hôpitaux, bloque l’aide humanitaire ».
« C’est une honte. Nous ne pouvons pas laisser passer ces dépassements, nous avons la responsabilité d’arrêter ce génocide », s’est-il écrié, suscitant une longue ovation.
Ramaphosa a fait se lever l’assistance lorsqu’il évoque la question du Sahara occidental. « L’Algérie et l’Afrique du Sud doivent poursuivre leur engagement pour assurer l’autodétermination du peuple sahraoui. Nous saluons le soutien permanent de l’Algérie à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental », a indiqué le président sud-africain, rappelant à la communauté internationale « sa responsabilité pour faire respecter le droit international ».
Les deux pays, œuvrent ensemble sur la scène internationale pour un monde plus juste à travers la réforme de l’ONU, a-t-il ajouté, remerciant au passage le rôle que tient l’Algérie au Conseil de sécurité en tant que membre élu.
Les deux pays sont aussi liés par le présent et l’avenir. Outre cette alliance politique qui a fait ses preuves, l’Afrique du Sud et l’Algérie ont aussi la possibilité et l’ambition de constituer un axe économique de premier ordre qui réunira la première et la troisième économie d’Afrique, l’une à la pointe sud du continent, l’autre tout à fait au nord.
La visite de M. Ramaphosa va aussi dans ce sens. Jeudi, un forum d’affaires conjoint s’est tenu à Alger et les deux présidents ont présidé ce vendredi la 7e session de la Haute commission bilatérale de coopération ainsi qu’une cérémonie de signature de plusieurs protocoles accords.
« Nous allons renforcer nos relations à travers la commission mixte. Nous ambitionnons de développer notre commerce et nos investissements pour le bénéfice de nos peuples. Notre commerce et nos investissements peuvent se développer davantage », a-t-il estimé, citant des secteurs porteurs comme l’énergie, l’hydrogène vert, l’agriculture, les infrastructures…
« Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres, nous avons des valeurs communes et des approches communes », a dit le président sud-africain qui a en outre lancé une invitation au président Abdelmadjid Tebboune pour prendre part au sommet du G20 en 2025 et à tous les présents pour venir visiter l’Afrique du Sud, leur « deuxième maison ».