« C’est l’accélération de l’extrême droitisation du centre et de la droite républicaine ». C’est ainsi qu’un député de La France Insoumise (LFI), Éric Coquerel, a qualifié le débat que souhaite lancer en France le Premier ministre François Bayrou sur le droit du sol.
Le sujet est remis sur le tapis en pleine crise avec l’Algérie, alors que les premiers à être impactés par une éventuelle remise en cause de ce droit, ce sont les Algériens, qui constituent la première communauté étrangère de France.
Jeudi 6 février, un premier grand pas a été franchi vers la « réforme » du droit du sol avec les changements apportés par l’Assemblée nationale (chambre basse du Parlement) aux dispositions en vigueur à Mayotte.
Jusque-là, un enfant né dans ce département français d’outre-mer devait avoir, pour devenir français, au moins un parent résidant sur l’archipel depuis trois mois. Le nouveau texte stipule désormais qu’il faut que les deux parents soient résidents dans le département depuis au moins trois ans.
Après cette restriction du droit du sol à Mayotte, le Premier ministre François Bayrou a proposé un débat plus large sur le droit du sol dans toute la France et plus globalement sur l’identité française.
Il y a quelques jours, le premier ministre avait partagé son sentiment que la France faisait face à une "submersion migratoire".
Le Rassemblement national (RN) a réclamé dans la foulée la suppression pure et simple de ce droit. Il s’agit d’une vieille revendication de l’extrême-droite. À gauche, la question semble diviser les Insoumis, foncièrement contre ce débat, et les socialistes.
Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a exprimé une position timorée sur le sujet, estimant que « le débat sur l’identité nationale n’est pas tabou ». « Tout dépend ensuite de ce que l’on en attend : la confrontation de tous avec tous ou la cohésion », a-t-il écrit sur X.
Parmi les avis exprimés dans le camp centriste, celui de Naïma Moutchou, vice-présidente de l’Assemblée nationale, et porte-parole du parti Horizons d’Édouard Philippe.
Si elle applaudit les dispositions prises pour Mayotte qui est « une situation particulière où la pression migratoire est telle que la moitié de la population de l’île est une population étrangère », la députée estime en revanche que « le débat qui consiste à dire qu’il faut supprimer le droit du sol de manière générale est un mauvais débat et est dangereux ». "Je n’y suis pas favorable », a-t-elle tranché sur France Info.
Débat sur le droit du sol en France : les Algériens ciblés ?
« Ce que veulent les Français, c’est de lutter contre l’immigration illégale et imaginer un débat sur le quota d’immigration légale », dit-elle, prévenant qu’elle elle ne veut pas d’un débat « xénophobe, raciste, qui stigmatise ».
Or, il sera difficile à un tel débat, s’il est engagé maintenant, de ne pas déborder sur le racisme et la stigmatisation.
À cause du timing, du contexte de la crise aiguë entre Alger et Paris et les intentions que les pourfendeurs du droit du sol ne cachent plus. Il est évident que la première communauté qui serait impactée par tout changement des dispositions liées au droit du sol, c’est la communauté algérienne, la plus importante en nombre en France.
Du reste, une grosse incompréhension entoure ce projet de réformer le droit du sol. Les français d’origine étrangère transmettent systématiquement la nationalité française à leurs enfants, en vertu du droit du sang.
Pour les enfants nés en France de parents immigrés établis légalement dans ce pays, ils doivent attendre leurs 18 ans pour pouvoir demander la nationalité française. Ceux qui naissent en France de parents sans papiers, ils ne sont tout simplement pas concernés par le droit du sol.
Ceux qui appellent à un tel débat n’expliquent pas ce qu’il y a à réformer. À moins que l’intention ne soit de supprimer carrément le droit du sol.
Le risque est de faire des enfants nés en France des immigrés jusqu’à leur majorité où ils pourront postuler, en tant que tels, à une naturalisation, sans garantie de l’obtenir.