Emmanuel Macron s’est exprimé pour la première fois ce lundi 6 janvier sur l’affaire Boualem Sansal, arrêté et emprisonné en Algérie depuis plus d’un mois et demi.
La première réaction du président français sur cette affaire, qui empoisonne davantage la relation entre les deux pays, est une violente charge contre l’Algérie. La crise entre les deux pays est plus que jamais partie pour s’aggraver et s’inscrire dans la durée.
Devant les ambassadeurs de France à l’étranger, réunis ce lundi 6 janvier à l’Élysée, Emmanuel Macron a estimé que l’Algérie se "déshonore« en maintenant l’écrivain en détention et en l’empêchant »de se soigner".
"L’Algérie que nous aimons tant et avec laquelle nous partageons tant d’enfants et tant d’histoires entre dans une histoire qui la déshonore, à empêcher un homme gravement malade de se soigner. Ce n’est pas à la hauteur de ce qu’elle est", a-t-il déclaré.
Emmanuel Macron a aussi lancé un appel direct au gouvernement algérien pour remettre l’écrivain en liberté.
"Et nous qui aimons le peuple algérien et son histoire, je demande instamment à son gouvernement de libérer Boualem Sansal", a-t-il ajouté dans des propos rapportés par plusieurs médias français, dont l’AFP et Le Monde.
Les autorités françaises semblent avoir rompu avec la stratégie de la prudence adoptée jusque-là vis-à-vis de cette affaire.
Boualem Sansal, 75 ans et naturalisé français en 2024, a été interpellé à l’aéroport d’Alger le 16 novembre, quelques semaines après avoir soutenu dans un média français d’extrême-droite les visées expansionnistes du Maroc sur le territoire algérien.
Poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’État et à l’intégrité du territoire national, il a été placé en détention provisoire.
Si l’extrême-droite française mène, depuis, une campagne véhémente pour obtenir sa libération, les autorités françaises ont opté pour la retenue et la "discrétion".
Après l’annonce de l’interpellation de l’écrivain, l’entourage du président français a simplement fait savoir à l’AFP, le 21 novembre, qu’Emmanuel Macron était "très préoccupé« par sa »disparition" et que « les services de l’État sont mobilisés pour clarifier sa situation« .
Algérie – France : Macron prend le risque d’aggraver la crise
"L’efficacité commande la discrétion (…) Ce qui est important, ce n’est pas de donner de la voix, mais d’obtenir des résultats", a déclaré le 26 novembre le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau pour expliquer le silence relatif du gouvernement français.
Celui-ci a toutefois peu à peu rompu avec cette stratégie de la discrétion. Le 18 décembre, le même Retailleau a brandi la menace de "déployer un certain nombre de mesures" contre l’Algérie, sans préciser lesquelles, si Boualem Sansal n’est pas libéré.
Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot avait déjà jugé, le 27 novembre, "sans fondement est tout simplement inacceptable« la détention »d’un écrivain français".
Barrot est revenu à la charge dimanche 5 janvier en déclarant sur RTL que "la France est très attachée à la liberté d’expression, la liberté d’opinion et considère que les raisons qui ont pu conduire les autorités algériennes à l’incarcérer ne sont pas valables« .
Ce lundi, c’est le président français en personne qui tient un discours très dur et qui n’est pas susceptible d’apaiser les fortes tensions entre les deux pays.
L’Algérie est sans ambassadeur en France depuis la décision prise par Emmanuel Macron fin juillet dernier de reconnaître la "souveraineté marocaine" sur le Sahara occidental.
L’affaire Sansal est venue compliquer davantage la crise, suivie des révélations faites en décembre par un ancien terroriste sur la tentative des services français de l’enrôler pour créer des cellules terroristes en Algérie. À cause de cette dernière affaire, l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, a été convoqué au ministère des Affaires étrangères à la mi-décembre.
Les nouveaux propos d’Emmanuel Macron risquent de ne rien arranger. Pendant l’automne 2021, les deux pays avaient traversé une grave crise à cause de propos tenus par le président français sur l’Algérie, ses dirigeants et son histoire.