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En France depuis 20 ans, cette Algérienne peine à renouveler son titre de séjour de 10 ans

En France, les étrangers peinent toujours à renouveler leurs titres de séjour  en raison de la dématérialisation des prises des rendez-vous. Devant les préfectures, des files d’attente se forment chaque jour, sans aucune assurance d’accéder à l’intérieur de l’administration.

Il suffit de faire un tour devant n’importe quelle préfecture pour se rendre compte de la précarité dont souffrent de nombreux étrangers en France. Aux difficultés administratives s’ajoute un ton souvent méprisant des agents de sécurité de certaines préfectures.

C’est ce qu’a constaté récemment le média français Street Press devant la sous-préfecture de Saint-Denis, au nord de Paris. Dans un article paru ce mardi 19 novembre, le site rapporte plusieurs témoignages d’étrangers, dont des Algériens, qui peinent à renouveler leurs cartes de séjour.

« Vous n’avez pas de rendez-vous, vous ne rentrez pas ! »

Des centaines de personnes forment une file d’attente devant la sous-préfecture. Et c’est le cas chaque jour. Dans tous les cas rencontrés sur place, le blocage est lié à l’indisponibilité des rendez-vous sur la plateforme de l’ANEF.

La vie de ces étrangers bascule du jour au lendemain. Certains perdent leur travail, leurs droits et risquent même d’être expulsés de France, s’ils ne renouvellent pas leurs documents dans les délais. Mais c’est quasiment impossible d’obtenir un rendez-vous.

Samah, une ressortissante algérienne, qui vit en France depuis 20 ans, rencontrée sur place, affirme que son contrat de travail a été suspendu. Faute d’un rendez-vous, elle vient tous les jours pour tenter d’accéder à la préfecture et d’entamer les démarches de renouvellement, en vain.

« Vous n’avez pas de rendez-vous, vous ne rentrez pas ! », lui a répondu agressivement un agent de sécurité. « Sauf que des rendez-vous, il n’y en a pas ! », a crié l’Algérienne sous l’effet de la colère et de la panique.

Samah est cadre en management depuis 17 ans, maman de trois enfants. Elle possède une carte de résidence de 10 ans. Sa vie rangée a brusquement basculé à cause des difficultés d’obtenir un rendez-vous en préfecture.

La ressortissante algérienne affirme avoir passé la quasi-totalité de sa semaine à faire la queue devant la sous-préfecture, avec l’espoir de renouveler son titre de séjour. En vain. 

Le dispositif d’accompagnement mis en place par les préfectures n’a rien changé

Depuis le lancement de la dématérialisation en 2021, la prise de rendez-vous se fait obligatoirement en ligne, sur l’ANEF, l’administration numérique pour les étrangers en France. Mais la prise des rendez-vous est devenue quasiment impossible, faute de disponibilité de créneaux.

Sur le site de l’ANEF, une réponse automatique, demandant de patienter ou indiquant qu’il n’y a pas de créneau disponible, est envoyée régulièrement aux utilisateurs.

L’administration laisse entrer quelques personnes sans rendez-vous, mais au compte-goutte, d’où les interminables files d’attente qui se forment chaque jour devant les préfectures. Désespérés, beaucoup d’étrangers qui viennent finissent en larmes.

Même le dispositif d’accompagnement mis en place par les préfectures n’a rien changé à la situation. Il s’agit du Centre de contact citoyen, qui propose notamment un accompagnement téléphonique et du Point d’accès numérique, accessible uniquement si le Centre de contact citoyen n’a pas aidé.

« Ils traitent les gens comme des bêtes ! »

82 % des personnes ayant sollicité ces dispositifs n’ont reçu « aucune aide concrète », selon une récente enquête de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). C’est uniquement lorsque ces deux dispositifs n’aident pas que les étrangers ouvrent droit à déposer leur dossier physique en préfecture ou dans une boîte postale.

Toutefois, l’enquête de la FAS indique que la plupart des préfectures « n’ont pas rempli leur obligation d’accès aux guichets ». L’enquête souligne aussi qu’environ la moitié des personnes en voie de régularisation ont perdu leurs droits à la Caf, à France Travail et/ou à l’emploi à cause du manque de rendez-vous.

Durant ces journées d’attente interminables, les demandeurs font aussi face à un traitement méprisant des agents de sécurité. « Ils traitent les gens comme des bêtes ! », déplore une étrangère de 52 ans, en France depuis 24 ans, rencontrée devant la sous-préfecture de Saint-Denis.

La rareté des créneaux a également donné naissance à un marché parallèle de vente des rendez-vous. Ils sont proposés entre 150 et 800 euros dans les taxiphones, selon les personnes rencontrées sur place. « C’est eux qui nous poussent vers le marché noir ! », s’est indigné un étranger.

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