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ENTRETIEN. Yacine Oualid, ministre des startups : « L’Algérie est une terre d’opportunités. »

ENTRETIEN. Yacine Oualid, ministre des startups : « L’Algérie est une terre d’opportunités. »

Dans cet entretien exclusif à TSA, le ministre de l’Économie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises nous parle sans langue de bois de la révolution des startups en Algérie, de l’auto-entreprenariat, du départ des compétences algériennes à l’étranger et de comment les retenir, des facilités accordés aux jeunes entrepreneurs, des objectifs du gouvernement, les Algériens de l’étranger…

Quel est le rôle du ministère de l’Économie de la connaissance, des Startups et des Micro-entreprises ?

Notre ministère est issu de la fusion de deux ministères délégués il y a un peu plus de deux ans.

Je considère qu’il est au carrefour de ce projet de réforme économique qui était entamé par monsieur le président de la République et qui, aujourd’hui, met l’accent sur le fait qu’on doit libérer des initiatives au niveau national et permettre aux jeunes de créer leurs entreprises.

Donc, nous avons des objectifs en matière d’entrepreneuriat, mais nous avons aussi d’autres objectifs pour que l’économie algérienne soit une économie qui produise plus de valeur ajoutée et bien-sûr en rapprochant davantage l’université du secteur de l’industrie.

Donc c’est un peu la raison pour laquelle le ministère chargé des startups et des micro-entreprises, mais aussi de l’économie de la connaissance, a été créé.

Pour résumer, le périmètre d’action de notre ministère, est la motivation des Algériens, notamment les jeunes et les compétences, à créer des entreprises en Algérie et à participer à cet effort national de diversification de l’économie.

Ce serait également de faire en sorte que les entreprises algériennes produisent plus de valeur ajoutée et qu’elles soient plus compétitives et, par conséquent, qu’elles puissent exporter plus facilement leurs produits et leurs services, et de faire également en sorte qu’il y ait un rapprochement entre le monde académique et l’industrie.

Et c’est dans cette optique-là que notre ministère a été créé. C’est une mission transversale que j’ai l’honneur et le plaisir de partager avec une équipe très jeune. On a une moyenne d’âge au niveau du ministère qui tourne autour des 29-30 ans avec des cadres qui viennent principalement du secteur académique ou du secteur privé ou économique.

C’est le leitmotiv du ministère et de ce qui nous anime quotidiennement à mettre en place des politiques publiques qui ont comme objectif de faciliter et simplifier la prise d’initiative pour les entrepreneurs, simplifier l’acte d’entreprendre, simplifier l’accès également au capital, notamment pour les jeunes startups ainsi que les entrepreneurs qui démarrent, et accélérer la croissance de ces entreprises à travers l’accompagnement de qualité et une exposition au marché international.

Quels sont les avantages des startups, notamment en ce qui concerne le financement, la fiscalité et l’accès au marché, sachant que certaines administrations et institutions publiques ne font pas appel aux startups pour leurs confier des projets ?

Il faut rappeler que notre ministère a mis en place une cadre réglementaire qui, aujourd’hui, permet aux startups d’avoir beaucoup d’avantages fiscaux en obtenant simplement un label. Les demandes se font en ligne via la plateforme startup.dz.

Les startups bénéficient d’une exonération fiscale importante (sur l’IBS « Impôt sur les Bénéfices de Société », l’IRG « Impôt sur le Revenu Global », les droits de douanes, la TVA « Taxe sur la Valeur Ajoutée »). Ainsi, différents avantages sont octroyés sur une simple demande.

En respectant bien-sûr un certain nombre de critères, ces startups peuvent également bénéficier de financement, que ce soit à travers le fonds algérien des startups (AFS), qui je le rappelle est l’instrument de financement et une société d’investissement qui a été créée dans l’objectif de financer les startups en fonds propres et quasi-propres.

C’est un fonds qui est devenu un acteur majeur du financement des startups et qui investit entre 5.000.000 DA et 150.000.000 DA sur des startups en early stage, c’est-à-dire en début de création.

L’objectif de ce fonds est de pallier aux difficultés d’accès au capital pour les startups qui viennent de démarrer, tout en sachant que le financement des startups dans tous les pays du monde relève davantage du secteur privé que du secteur public.

Mais à un moment donné, nous avons senti l’importance que le gouvernement fasse office de catalyseur pour permettre l’accès au financement pour ces startups et motiver davantage par la suite le secteur privé à investir dans les startups moyennant des incentives, donc des avantages fiscaux considérables que nous offrons à tous les opérateurs privés, à toutes les entreprises économiques, à tous les business angels qui investissent sur des startups qui vont des déductions d’impôts, aux crédits d’impôts et aux avantages des abattements sur l’IBS et l’IRG. Ce sont des avantages très importants que nous offrons à ces investisseurs.

L’accompagnement a également été un des éléments les plus importants de notre stratégie. Nous considérons qu’en matière de politique publique, il ne s’agit pas simplement de mettre en place des réglementations ou de redistribuer de la rente comme ça a été le cas dans des programmes qui ont échoué dans le passé, comme l’Ansej.

Nous considérons que l’accompagnement est un facteur déterminant. Donc pour cela, nous avons également mis en place un cadre qui favorise  la création d’incubateurs qui ont vu leurs nombre augmenter de manière significative ces quatre dernières années.

Au moment où je vous parle, on est à plus de 100 incubateurs qui sont labellisés par notre ministère sur le territoire national

C’est également un établissement qui permet aux startups algériennes de proposer leurs services et leurs produits dans les plus grands salons technologiques du monde.

L’année dernière, on a eu une très forte participation dans des salons, comme iTech, VivaTech, et prochainement CES (Consumer Electronics Show), etc. C’est également une manière pour nous de montrer que l’Algérie est en train de se développer et qu’il y a énormément de compétences dans le domaine des startups.

Notre préoccupation est également de faire en sorte que ces startups puissent accéder à des opportunités, parce qu’il ne s’agit pas juste de démarrer son entreprise et de proposer une innovation, mais de pouvoir mettre des innovations sur le marché.

Beaucoup négligent l’importance de la commande publique dans le secteur des startups. Il faut savoir que la technologie de manière générale est tirée par la commande publique dans beaucoup de pays dans le monde, notamment aux Etats-Unis, en Chine, etc. La commande publique joue un rôle très important.

Pour cela, nous avons, dans le dernier code des marchés publics en Algérie, introduit une mesure qui permet aux entités publiques de faire une procédure qu’on appelle la négociation directe.

Cette procédure permet une plus grande flexibilité quand il s’agit d’une startup ou d’une entreprise qui propose une innovation technologique. L’objectif est de faire en sorte qu’une plus grande partie de la commande publique ou de la dépense publique parte vers de l’innovation et de la technologie.

Et cela prend tout son sens dans un pays comme l’Algérie où on a toute l’économie finalement qui gravite autour de la commande publique. C’est très important.

Pour vous donner un peu une idée, aux Etats-Unis, c’est la commande publique, notamment la commande militaire, qui est à l’origine de l’invention d’Internet. Les capteurs que vous allez trouver dans vos smartphones sont initialement des besoins exprimés par le secteur public et qui, par la suite, ont trouvé des marchés pour un public plus large.

En Algérie, on considère que l’Etat doit jouer ce rôle de catalyseur pour qu’il y ait davantage confiance dans ces startups. Par la suite, ces startups pourront bien-sûr se développer et proposer d’autres services.

Nous encourageons également les grandes entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, à donner leur chance à des startups dans le cas de ce qu’on appelle l’Open Innovation (l’innovation ouverte).

Sachant que toutes les dépenses engagées par une entreprise avec une startup ou un incubateur lui permettent d’avoir des abattements sur l’IBS qui peuvent aller jusqu’à 200.000.000 DA.

C’est aussi une manière d’encourager les grandes entreprises à faire confiance aux startups et dans certains cas à externaliser certaines de leurs activités pour qu’elles puissent profiter aux startups.

Brièvement, une startup qui obtient le label en Algérie bénéficie d’énormément d’avantages. Je rappelle qu’on a deux labels : un qu’on donne après la création d’entreprise et l’autre avant la création.

Avant la création d’entreprise, on a lancé un programme qui s’appelle Kick Start qui nous permet de prendre en charge les frais de création d’entreprise et de prototypage au profit des porteurs de projets innovants. C’est aussi une manière pour nous d’encourager un maximum de porteurs de projets à matérialiser leurs initiatives et à aller vers la création d’entreprise.

Nous avons constaté durant ces dernières années que beaucoup de porteurs de projet, notamment ceux issus de l’université, ont parfois des difficultés à créer leur entreprise.

Parfois, ils ont même quelques besoins pour maturer leur prototype avant d’arriver à des phases de maturation plus importantes de mise sur le marché par exemple.

Je pense que depuis la création du ministère, il y a énormément de dispositifs qui ont été mis en place et beaucoup d’avantages qui sont accessibles en ligne.

N’importe quel porteur de projet qui est dans une logique d’innovation et de technologie trouvera forcément quelque chose qui puisse l’aider à progresser dans son projet.

Quel est le rythme de la création des startups en Algérie ? En êtes-vous satisfait ?

Je pense qu’on est dans un moment assez intéressant. Durant les deux dernières années, le nombre de startups labellisées à notre niveau a augmenté de 224 %. Alors, il y a une augmentation très significative. Il y a un engouement très important pour la création de startups. Il y a de plus en plus de personnes qui se lancent et réussissent.

Après, nos objectifs ne sont pas que quantitatifs. Effectivement, l’engouement est important, mais au final, ce qui nous intéresse, c’est d’avoir des champions et des startups qui puissent réellement exporter leurs produits, se développer à l’international, et être des sources de valeur ajoutée pour l’économie nationale.

Nous sommes très optimistes par rapport à quelques éléments très importants. Chaque année, il y a par exemple le prix attribué au meilleur exportateur algérien.

Chaque année, on a des startups qui se font distinguer et qui arrivent à exporter des montants qui varient de quelques centaines de milliers d’euros à plusieurs millions d’euros.

Pour des entreprises qui ont été créées il y a deux à trois ans, ce sont  vraiment des éléments qui nous poussent à être optimistes par rapport à la progression et à la croissance de cet écosystème.

Après, c’est sûr qu’on a beaucoup de défis, parce qu’il ne faut pas simplement se satisfaire des objectifs quantitatifs ou de l’engouement.

On a des objectifs pour que ces startups-là puissent trouver des sources de capital, quel que soit leur degré de maturité, pour qu’elles puissent s’internationaliser de manière plus fluide et moins bureaucratique et qu’elles puissent également rapatrier des fonds qui sont issus de l’exportation.

Tout cela, ce sont des challenges qui sont en train d’évoluer au fur et à mesure que cet écosystème prend en maturité.

Y aura-t-il des nouveautés et d’autres facilitations pour les jeunes auto-entrepreneurs ?

L’auto-entrepreneur, c’est également une mesure que notre ministère a mis en place et qui vise à simplifier l’acte d’entreprendre.

C’est un dispositif qui permet aujourd’hui à n’importe quelle personne de pouvoir démarrer une activité d’entreprenariat sans bouger de chez elle. La création se fait simplement en s’inscrivant sur la plateforme. Cela ne prend que quelques minutes.

En vous inscrivant, vous obtenez en même temps votre carte d’entrepreneur et votre numéro d’identité fiscale (NIF). Vous serez automatiquement affilié à la Casnos (Caisse de sécurité sociale pour les non-salariés) et vous obtenez votre numéro de sécurité sociale, et on vérifie votre identité à travers le ministère de l’Intérieur. L’envoie de la carte se fait par le réseau postal. Vous n’aurez donc même pas à vous déplacer à notre niveau pour obtenir votre carte.

Je pense que tout cela est vraiment une avancée très importante en matière de qualité et de modernité des services publics.

Au-delà de la facilité offerte par le statut d’auro-entrepreneur, qui est une première dans l’administration de l’Algérie, ce dispositif permet également d’avoir beaucoup d’avantages comme un impôt forfaitaire de 0,5 % seulement, ce qui est quasi-symbolique. Vous êtes soumis à une cotisation au niveau de la Casnos qui est de l’ordre de 24.000 DA par an. C’est également un avantage considérable.

Vous pouvez domicilier votre activité chez vous donc vous n’avez pas ce besoin de d’avoir un bail de location qui est également une manière de simplifier un peu les choses.

L’engouement est très important. Au moment où je vous parle, nous avons 19.000 auto-entrepreneurs. Nous sommes sur le point d’atteindre les 20.000 dans quelques mois.

L’engouement est très très important. On considère que ce nouveau dispositif connaîtra une popularité encore plus importante maintenant qu’on a multiplié les efforts en matière de communication.

On a récemment lancé une campagne qui sort de la communication classique. Ce dispositif permet également de couvrir des activités qui n’étaient pas autrefois.

On a beaucoup de personnes qui ont des sources de revenus, mais qui ne pouvaient ni avoir de registre de commerce parce que leur activité n’était pas considérée comme une activité commerciale ni être des professionnels libéraux ni des artisans.

Le statut d’auto-entrepreneur permet d’élargir les dispositifs de formalisation des activités. C’est pour cela que nous considérons que la mise en place du statut d’auto-entrepreneur est l’une des mesures d’inclusion financière, fiscale et sociale les plus importantes que l’Algérie ait connues durant les dernières années.

Le dernier point, c’est qu’il faut prendre en considération qu’en Algérie 98,7 % des entreprises ont moins de 10 employés. On est donc clairement dans une économie de TPE (très petite entreprise). Nous avons senti avec le temps la nécessité de créer ce statut et que la législation ainsi que la réglementation devaient s’adapter à cette réalité.

On ne peut pas soumettre des personnes qui activent à titre individuel aux mêmes conditions et à la même administration que des entreprises de centaines ou de milliers d’employés.

Quels sont les résultats de la politique d’encouragement de la création des startups ?

Alors le résultat, c’est qu’on a de plus en plus de jeunes entrepreneurs qui s’orientent vers cette voie qui est la création de startups. Le résultat est qu’on ouvre beaucoup de perspectives pour les talents algériens.

Cette question de startup est une sorte de troisième voie qui s’est ouverte à beaucoup de talents algériens.

Auparavant, beaucoup de talents avaient le choix entre l’emploi ou l’immigration. Je pense qu’à travers la création de startups, on arrivera à faire en sorte d’offrir des opportunités à beaucoup d’Algériens et leur permettre de réussir dans leur pays.

C’est quelque chose de très important pour nous, parce que l’objectif avant tout est de faire en sorte que ces talents participent activement au développement économique de leur pays.

L’autre résultat, c’est qu’on a une université qui est plus connectée au monde économique. Dans n’importe quelle université du pays, vous allez voir qu’il y a un engouement très important pour la création d’entreprise.

Ce qui n’était pas le cas avant. On a au niveau des universités des incubateurs et des centres de développement d’entreprenariat qui dépendent de notre ministère et de celui de l’Enseignement supérieur et qui ont comme vocation de faire de la sensibilisation et de la formation dans le domaine de l’entrepreneuriat.

Je pense que l’un des résultats est aussi qu’à travers ces différentes politiques publiques nous sommes en train d’encourager les bonnes personnes à entreprendre.

Si vous comparez ce qui en train d’être fait maintenant avec ce qui se faisait auparavant, l’entrepreneuriat était perçu comme une bouée de sauvetage. C’était principalement les personnes qui n’arrivaient pas à accéder à de l’emploi et au marché du travail qui partaient vers l’entrepreneuriat.

D’ailleurs, c’est pour ça qu’on appelait cela « emploi des jeunes » (tachghil el chabab). C’était clairement cela l’orientation des politiques publiques et qui ont été, comme je l’ai dit au début, un échec total avec un nombre très important de projets qui n’ont pas abouti.

Si je devais donner des chiffres, je dirais qu’au niveau de l’Anade (ex-Ansej), plus de 70% des entreprises qui ont été financées sont dans la case C3, c’est-à-dire en défaut de paiement. Et ce taux avoisinerait plutôt les 81 % chez les banques. C’est dire un peu l’échec des différentes politiques qui ont été menées auparavant.

Avec le temps, nous avons compris que le plus important, c’est d’investir sur de vrais entrepreneurs,  d’être dans des logiques de méritocratie, d’encourager et de motiver les talents à créer des entreprises et à rester dans leur pays pour participer à son développement économique.

Il y a énormément d’entreprises et de startups qui sont en train de se développer, créent de l’emploi et participent à la diversification de l’économie.

Et pour toutes ces raisons, je pense qu’à l’avenir, sur le moyen et long termes, toutes ces nouvelles politiques auront un impact très important sur l’économie algérienne. Un impact sur la capacité nationale à créer de la valeur ajoutée, à ne pas être simplement sur des industries à faible valeur ajoutée et d’être dans des industries qui tirent profit de notre matière grise.

Dans quels secteurs activent les principales startups déjà créées ? Quels sont les domaines qui attirent le plus les startuppeurs algériens ?

Je pense que le secteur du e-commerce est en train de se développer de manière très importante. Après, vous avez des startups dans différents secteurs, comme AI Outils, Industrie 4.0.

Il y a beaucoup de startups qui apportent des technologies pour le domaine industriel.

En agri-tech, on a également, à travers différentes initiatives, découvert beaucoup de jeunes startups très prometteuses qui permettent de faire de l’irrigation intelligente et qui aujourd’hui ne sont pas de simples ambitions, mais des projets qui sont concrétisés sur le terrain.

On a également beaucoup de startups qui activent dans le domaine des FinTech (technologies financières) dans l’objectif de proposer des solutions de paiement, notamment mobile conviviale.

Je considère que les FinTech sont probablement le secteur qu’il faut surveiller de près pour les prochaines années. Parce que nous avons, depuis quelques années, introduit de nouvelles facilités réglementaires dans ce domaine avec l’introduction des PSP (Payment Service Provider) et des banques digitales. Des facilités réglementaires ont été également introduites comme la mise en place récente de Switch Mobile qui connecte les banques et Algérie poste.

Toutes ces initiatives feront, dans un futur très proche, beaucoup de nouveaux champions qui viendront proposer des solutions de paiement conviviales aux Algériens comme cela se fait dans beaucoup de pays, comme la Chine.

Nous avons également beaucoup de startups qui activent dans le domaine de l’intelligence artificielle. En Algérie, on a beaucoup de potentialités dans ce domaine car nous avons beaucoup investi sur la formation à travers les universités et la nouvelle école d’intelligence artificielle qui a été créée. Et ces startups commencent à proposer des solutions dont certaines sont déjà commercialisées.

Dans l’ensemble, toute innovation est importante pour l’économie nationale surtout celle qui nous permet de monter en valeur ajoutée et de développer davantage ce qu’on appelle le contenu local.

Je vous donne un exemple simple : depuis quelques années, nous avons entamé un projet très intéressant avec Sonatrach pour pouvoir donner davantage de chances et d’opportunités aux startups algériennes dans le domaine de l’énergie.

Aujourd’hui, beaucoup d’entre elles arrivent à avoir des marchés et des contrats très importants et qui leur permettent d’éviter les sorties de devises et le recours à des prestataires étrangers.

Il y a également cette notion de souveraineté numérique qui se développe chaque fois qu’il est possible de donner la chance à des compétences locales et ne pas recourir à des prestataires étrangers.

Pour répondre à la question, il y a des startups qui activent dans la digitalisation, dans le développement de solutions pour entreprises, des ERP, des solutions mode SaaS. Des CRM sont également en train de connaître une croissance très importante et participent activement à la croissance numérique du pays.

Quel est l’engouement des Algériens de l’étranger pour la création des startups en Algérie ? Ont-ils les mêmes droits et avantages ?

Statistique importante : 10 % des ceux qui ont obtenu le label startup à notre niveau sont des Algériens issus de notre communauté à l’étranger. Ça reste un chiffre assez important et en constante augmentation.

Pratiquement, dans toutes les occasions où j’ai eu l’opportunité de rencontrer notre communauté à l’étranger, on a organisé beaucoup de rencontres et on fait en sorte de les encourager à investir dans leur pays et de leur expliquer qu’investir en Algérie, ce n’est pas juste pour aider le pays, mais c’est parce que l’Algérie est une terre d’opportunités. C’est vraiment un pays qui offre beaucoup d’opportunités d’investissement et de création d’entreprises.

De nombreux secteurs sont vierges et beaucoup sont sans concurrence. Il y a encore beaucoup de marge de manœuvre. Il y a beaucoup de secteurs qui sont complètement sous-investis et qui peuvent intéresser les compétences algériennes à l’étranger.

D’ailleurs, j’invite par l’occasion à s’intéresser de près à ce qui se passe actuellement en Algérie et à considérer que l’Algérie est un pays qui non seulement offre des opportunités dans le cadre du marché domestique, mais également des perspectives de déploiement régional, notamment dans la région Mena et en Afrique, qu’il faut prendre en considération.

Il y a beaucoup d’ingénieurs qui partent à l’étranger. Les nouvelles startups trouvent-elles facilement des compétences ?

Je pense que les startups  permettent, participent ou contribuent grandement à retenir ces talents en Algérie.

C’est un pays qui souffre comme beaucoup d’autres pays africains du phénomène du « brain drain » où la fuite des cerveaux, principalement à cause de la proximité avec l’Europe et du fait que les Algériens parlent au minimum trois langues. Il y a aussi le fait que les Algériens bénéficient d’une formation de très bonne qualité.

La meilleure manière pour prévenir ce phénomène est d’ouvrir plus d’opportunités en Algérie et de ne pas dire aux gens qu’il ne faut pas partir ou quoi que ce soit d’autre.

C’est vraiment de leur permettre de réussir dans leur pays. Et c’est pour cela que je pense que tout ce qui a été fait autour des startups permet de justement retenir ces talents en Algérie.

Après, vous avez des secteurs qui sont très pénuriques dans le marché du travail. Par exemple, les métiers autour du développement, de la programmation et de l’IA. Il y a un effort également important qui est fait en matière de formation pour justement former davantage de personnes.

On considère, par exemple, que coder ne devrait pas être simplement relever que du ressort des ingénieurs en informatique. Tout le monde devrait apprendre des langages de programmation qui sont plus accessibles et plus faciles à apprendre qu’auparavant.

Il y a également un enrichissement de la formation professionnelle pour inclure des nouveaux métiers du web, du digital et du développement. Et il y a, depuis quelques années, énormément d’écoles privées qui s’ouvrent également pour apprendre aux jeunes les data sciences, la programmation et les différents métiers du digital.

Je pense que tout cela participe progressivement à réduire ce manque de compétences et à faire en sorte que nos startups puissent accéder à la ressource humaine algérienne.

Des startuppeurs algériens sont convoités par des pays étrangers qui offrent bien plus de financement. Alors, comment éviter que ces créateurs d’entreprises partent à l’étranger ?

Déjà en leur offrant des conditions de réussite dans le pays. Je pense que la régulation, le fait qu’on leur permette de réussir et de se développer à l’échelle régionale sont également des points très importants.

Pour le financement et l’accès au capital, comme je l’ai dit, il y a un effort très important qui a été fait pour le faciliter et encourager l’auto-financement. C’est ce qu’on appelle dans le jargon le « bootstrapping » pour les startups à travers les avantages fiscaux. Donc ce sont des efforts importants qui ont été déployés par l’Etat.

Il faut que le secteur privé s’implique davantage dans le financement des startups, pas parce que c’est du mécénat, du sponsoring ou des budgets RSE comme le font beaucoup d’entreprises algériennes, mais parce que les startups représentent une véritable opportunité d’investissement.

A terme, ce qu’on aimerait, c’est que cette culture qui se développe en Algérie qu’on retrouve un peu dans les pays très développés qu’on appelle le « fear of missing out » qui signifie la peur de rater une opportunité d’investissement.

Parce qu’ il y a des startups qui se créent qui ne valent pas beaucoup leur valorisation. Mais cette valorisation qui n’est pas très importante au départ pourrait être multipliée par 100 ou 200 dans quelques années. Alors il ne faut pas passer à côté d’opportunités d’investissement.

Je pense que tout ça participe à faire en sorte qu’on conserve nos startups et nos talents ici.

Le dernier point est que dans les pays développés, la concurrence est très rude dans beaucoup de secteurs d’activités. Et dans ces mêmes secteurs, vous n’avez parfois même pas de concurrence en Algérie où il y a énormément de secteurs où il est  extrêmement facile de s’implanter, de se déployer et de devenir leader en un temps relativement court.

Que pouvez-vous nous dire sur le fonds d’investissement dédié aux startups ?

ISF est un fonds d’investissement qui a été créé dans l’optique de répondre aux besoins de financement des startups en early stage (startups en début de création).

C’est un fonds qui est issu d’un travail conjoint que nous avons mené avec les six banques publiques actionnaires de ce fonds qui a un capital de 2,4 milliards de dinars, mais qui gère également les fonds de wilaya, à savoir 1 milliard de dinars par wilaya.

C’est un fonds qui investit en fonds propres et quasi-propres dans des startups. Donc il fait du capital investissement et du capital-risque.

ISF est le premier fonds d’investissement en Algérie en nombre d’investisseurs et en montants investis. ISF a investi plus pendant les trois dernières années que l’ensemble des fonds d’investissement algériens réunis pendant une période de 20 ans. Juste pour vous dire que c’est un fonds qui est en train de connaître une évolution importante.

Ce fonds devra bien-sûr de manière continuelle augmenter ses moyens financiers pour répondre à cette demande croissante de besoins de financement sans toutefois se substituer aux éventuels opérateurs privés qui pourraient venir un jour également financer des startups.

Il y a quelques initiatives de la participation du secteur privé dans le financement des startups, qui n’est pas très important pour le moment. Cela reste très timide.

Nous considérons qu’à force d’avoir des « success stories » et des entreprises qui réussissent, on mobilisera davantage de capital privé dans le financement des startups à l’avenir.

ISF n’est pas le seul instrument de financement de notre ministère pour les startups. Nous avons aussi des subventions qu’on donne aux porteurs de projet pour démarrer leurs activités à travers le programme Kick Start.

Nous prenons en charge des frais de propriété intellectuelle et nous avons également mis en place un cadre réglementaire pour ce qu’on appelle le crowdfunding ou le financement participatif.

Et très récemment, on a eu la première plateforme de crowdfunding algérienne qui permettra de diversifier l’offre de financement des startups dans notre pays.

L’Algérie va accueillir la Conférence africaine des startups, qui aura lieu à Alger du 5 au 7 décembre 2024. Quels sont les objectifs de cette conférence ?

La Conférence africaine des startups est le plus grand événement continental qui leur est dédié.

Cette année, on ambitionne d’accueillir plus de 25.000 participants. C’est un événement qui a connu un engouement très important durant les deux dernières éditions, avec une forte participation. En 2023, on a eu la participation de 35 pays qui ont été représentés principalement au niveau des différents chefs de délégation.

C’est aussi un événement qui a été couronné les deux dernières éditions par l’adoption à l’Union africaine de deux décisions très importantes : la déclaration d’Alger sur le développement des startups et la charte africaine pour la lutte contre la fuite des cerveaux.

Cette conférence renforce le leadership algérien sur le continent africain en matière de startups et des nouvelles technologies.

L’édition 2024 sera marquée par l’organisation d’une exposition très importante de startups. On s’attend à avoir au minimum 500 startups qui vont exposer de toutes les nationalités africaines.

Il y aura beaucoup de « co-located events », donc des événements secondaires, sur des thématiques diverses telles que l’IA ou le capital-risque, un sommet sur le capital risque et un sommet ministériel sur l’intelligence artificielle.

Je rappelle également que l’édition de cette année aura comme thème de « Réimagine l’Afrique avec l’IA « (Imagine Africa with AI). L’IA sera le sujet principal de cette conférence.

J’invite toutes les startups algériennes à s’inscrire pour participer. C’est une opportunité pour vous afin de gagner de la visibilité, rencontrer des partenaires potentiels de différents pays africains ainsi que des experts de renommée mondiale, des plus grandes entreprises technologiques au monde et d’experts de très haut niveau qui viendront animer des panels à l’occasion.

Que diriez-vous à un jeune qui veut créer une startup, mais qui hésite à le faire ?

Je lui dirais qu’il faut rréfléchir. Ces dernières années, j’ai rencontré des dizaines de milliers de jeunes, pour ne pas dire des centaines de milliers,qui débordent tous d’énergie de cette ambition d’aller vers le monde de l’entrepreneuriat.

Ce ne sont pas tous ceux que je rencontre qui finissent par créer des entreprises, parce que souvent, l’entrepreneuriat en Algérie suscitent certaines craintes.

Je pense que l’entrepreneuriat est une véritable opportunité pour tous les jeunes algériens afin de mettre en pratique les compétences qu’ils ont acquises à l’université et de participer aux efforts de diversification de l’économie nationale.

Il faut que tous ceux qui ont des ambitions entrepreneuriales créent leur entreprise. Je pense que le cadre a beaucoup évolué ces quelques dernières années. Beaucoup de facilités sont accordées aux entrepreneurs, que ce soit des micro-entreprises, des startups ou pour les auto-entrepreneurs.

L’acte d’entreprendre est devenu beaucoup plus simple et sera simplifié davantage dans les mois à venir, et finalement, l’entrepreneuriat est la forme la plus, j’ai envie de dire, importante d’ambition que nous pouvons avoir. C’est-à-dire que ce sont les entrepreneurs qui créent de la richesse. Ce ne sont pas les personnes qui travaillent dans l’administration, quand bien même ils seraient ministres, qui créent de la richesse, ce sont les entrepreneurs.

L’Algérie a besoin d’entrepreneurs. On a besoin de beaucoup plus d’entrepreneurs pour développer l’économie du pays et on a besoin de véritables entrepreneurs qui ont des capacités techniques, qui sont bien formés et qui sont ambitieux.

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