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Espace Schengen : le spectre d’un retour des contrôles aux frontières

La décision de l’Allemagne de rétablir les contrôles aux frontières met à l’épreuve la politique migratoire commune de l’Europe et soulève des interrogations sur l’avenir de l’espace Schengen et de la libre circulation au sein du vieux continent. Est-ce l’effet inéluctable de la montée de l’extrême-droite dans de nombreux pays européen ?

Lundi soir, Berlin a annoncé le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures. L’annonce a été faite par la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, qui a précisé que ces contrôles “temporaires” seront rétablis à partir du 16 septembre pour une durée de six mois, dans le cadre de la lutte contre l’immigration illégale.

Lutte contre l’immigration illégale

L’Allemagne a des frontières terrestres avec la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Belgique, le Danemark, la Suisse, l’Autriche, la Pologne et la République Tchèque. Les contrôles seront désormais rétablis sur toutes ces frontières.

Le dispositif de l’espace Schengen, en vigueur depuis 1985, prévoit la suppression de tout contrôle aux frontières intra-européennes. Le franchissement de ces frontières se fait sans aucun contrôle et sans passeport. Il s’agit d’une très grande avancée en matière de libre circulation des personnes et un acquis important pour les ressortissants européens et les étrangers établis légalement en Europe.

Le dispositif permet la libre circulation totale entre 29 États membres de l’UE et de 4 États de l’AELE (Association européenne de libre-échange), comprenant la Suisse, le Liechtenstein, l’Islande et la Norvège.

Les accords et la convention de Schengen, signés au Luxembourg en 1985 et 1990, prévoient des dérogations, c’est-à-dire le rétablissement des contrôles temporaires en cas de motif valable (flux migratoire important, menace terroriste, événement politique ou sportif important…).

Retour des contrôles aux frontières internes en Europe : que reste-t-il des accords Schengen ?

Depuis quelques années, de plus en plus de pays européens ont recours au rétablissement temporaire des contrôles. La décision de l’Allemagne, l’un des plus grands pays de l’Union européenne, suscite des inquiétudes quant à l’avenir de cet accord dans une Europe qui se renferme de plus en plus sous l’effet conjugué de la montée de l’immigration clandestine et de la menace terroriste et de la pression de l’extrême-droite.

S’agissant de l’Allemagne, il s’agit d’un recul spectaculaire pour ce pays qui a accueilli en 2015 plus de 1 million de réfugiés syriens d’un coup. L’Allemagne fait, elle aussi, face à la montée de l’extrême-droite et à la menace terroriste. Une attaque au couteau à fait trois morts en août dernier à Solingen, à l’ouest du pays.

Schengen dans le viseur de l’extrême droite

La décision de Berlin est toutefois jugée disproportionnée et même rejetée par ses voisins. La Commission européenne a indiqué ce mardi que ces mesures doivent être « proportionnées » et rester « exceptionnelles » au sein de l’espace Schengen.

La Pologne, qui partage une longue frontière avec l’Allemagne, a rejeté et dénoncé la décision de Berlin. “Ce dont la Pologne a besoin, ce n’est pas d’un renforcement des contrôles à nos frontières, mais d’une plus grande participation des pays, y compris de pays comme l’Allemagne, à la surveillance et à la sécurisation des frontières extérieures de l’Union européenne », a indiqué le Premier ministre polonais Donald Tusk.

En Europe, c’est désormais un “effet domino” qui est redouté avec la montée, y compris dans les plus grands pays d’Europe, de l’extrême-droite qui a le dispositif Schengen dans le viseur.

En Allemagne, le scénario français est en train de se reproduire, avec l’instrumentalisation par l’extrême droite de faits graves comme les actes terroristes ou banals comme les faits divers impliquant les étrangers.

L’immigration est imposée comme un sujet central du débat politique et le gouvernement cède progressivement sur la question à l’extrême-droite. Les observateurs estiment que le gouvernement d’Olaf Scholz est mis plus que jamais sous pression après l’attaque au couteau d’août dernier, à deux semaines des élections régionales.

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