C’est une relation à couteaux tirés à laquelle les Français assistent depuis quelques jours entre Bruno Retailleau et les magistrats du tribunal administratif de Melun.
Le ministre français de l’Intérieur reproche aux juges administratifs d’avoir pris une « décision politique » en annulant l’OQTF d’un influenceur algérien après son expulsion ratée vers l’Algérie.
Il s’agit de l’influenceur Doualemn, accusé, en janvier dernier, d’avoir diffusé des messages appelant à la haine sur les réseaux sociaux.
Les services de M. Retailleau se sont empressés de lui retirer son titre de séjour de 10 ans et de l’expulser vers l’Algérie, qui l’avait vite renvoyé en France, tout en dénonçant une expulsion « arbitraire et abusive ». La justice française a vite donné raison à l’Algérie.
Le tribunal administratif de Melun a en effet décidé, le 6 février dernier, d’annuler l’OQTF de l’Influenceur algérien et d’enjoindre aux services préfectoraux de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en attendant le réexamen de sa situation.
« Si cette loi ne lui convenait pas, il ne fallait pas la voter »
Une décision qui est restée au travers de la gorge du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui a déclaré qu’il comptait faire appel. Mais selon un magistrat du tribunal de Melun, la réaction du ministre est pour le moins contradictoire.
C’est lors d’un passage en direct sur les ondes de France Inter, ce mercredi 12 février, que le ministre de l’Intérieur s’est fait interpeller par un auditeur qui s’est présenté comme magistrat administratif au tribunal de Melun.
Ce dernier a rappelé au ministre de l’Intérieur que la cour administrative de Melun, dans le cadre de l’affaire Doualemn, n’a fait qu’appliquer une loi que le ministre avait lui-même votée en janvier 2024.
Il s’agit de l’article L432-12 du Code des étrangers, précise le magistrat qui rappelle au ministre « qu’elle a été votée en janvier 2024 par le groupe LR (Les Républicains), dont Bruno Retailleau était le président », rapporte le journal français L’Indépendant.
« si cette loi ne lui convenait pas il ne fallait pas la voter ! »
Un magistrat recadre sévèrement Retailleau et lui rappelle que la loi qu’il critique a été votée en janvier 2024 notamment par le groupe LR présidé par Retailleau lui-même !!!
Bravo à lui de dénoncer l’hypocrisie… pic.twitter.com/BwNnZDDLSu
— Elodie Dievart (@Elodie_Dievart) February 12, 2025
« Je voulais juste vous rappeler, M. le ministre, que le jugement qui a eu l’air de vous contrarier n’est que la stricte application du droit », a assuré le magistrat, soulignant que si « cette loi ne convenait pas à M. Retailleau, il ne fallait pas la voter ».
Retailleau a-t-il vraiment voté pour cette loi ?
« Cela m’étonne, mais peu importe », a répondu Bruno Retailleau de son côté, assurant au passage que le tribunal administratif de Melun ne devrait pas « se sentir visé » par ses critiques vu que ces dernières visent « des textes dont il va falloir revoir profondément un certain nombre de règles ».
Bruno Retailleau jette en pâture à l’extrême-droite les magistrats avec son hostilité manifeste contre l’Etat de droit.
Il reproche à un juge de faire appliquer une loi qu’il a votée. Ridicule, pathétique et dangereux. pic.twitter.com/QtLMIyKKVU
— Pierre-Yves Cadalen (@pycadalen) February 12, 2025
Selon le site Public Sénat, l’article du Ceseda a été ajouté à la loi immigration du 26 janvier 2024 par un amendement des sénateurs Muriel Jourda (LR) et Philippe Bonnecarrère (centriste).
La même source précise que l’amendement en question a été examiné en novembre 2023. Bruno Retailleau était bien présent, en tant que sénateur LR de Vendée, et il avait même levé la main pour voter pour.
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