Les rumeurs ont la peau dure dans certains cercles de la droite et de l’extrême droite françaises, notamment quand il s’agit de dénigrer l’Algérie et les Algériens.
Chez Europe 1, on continue d’effectuer un virage serré à droite depuis 2020, année pendant laquelle le groupe Vivendi, détenu par Vincent Bolloré, est devenu le premier actionnaire du groupe Lagardère, propriétaire de la station de radio française.
Lors de l’émission « On marche sur la tête », animée par Cyril Hanouna et diffusée mardi 19 novembre sur Europe 1, la sempiternelle question des retraités centenaires algériens qui profiteraient (alors qu’ils sont décédés) des pensions de retraite française a refait surface.
Dans le cadre de cette émission consacrée au thème de la fraude, Hanouna a donné la parole à un certain Dominique. Un intervenant pas comme les autres, vu qu’il était le suppléant de Charles Prats, un candidat du Rassemblement National (RN) battu, lors des dernières législatives de juin dernier, en Savoie.
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Prats, ex-magistrat, est surtout connu pour les chiffres aussi tapageurs que suspects, souvent erronés, qu’il donne sur la fraude sociale en France. Continuant sur la lancée de son candidat titulaire, Dominique tire à boulets rouges sur les retraités algériens sur les ondes d’Europe 1.
Dominique a en effet assuré que « des milliers, des dizaines de milliers de centenaires en Algérie » profitent de leurs retraites françaises. Le problème, poursuit-il, c’est « qu’ils sont morts depuis des années et des années et que personne n’a déclaré le décès, et on continue de leur verser leurs pensions ».
Selon cet intervenant, il y a en Algérie « des centenaires qui ont 110 ans, 112 ans, 115 ans, mais par dizaines de milliers ! ». Pour tout commentaire, l’animateur vedette d’Europe 1 acquiesce par un « C’est ça ! ».
« La carte vitale, c’est le point d’entrée de la fraude sociale », selon Dominique, auditeur et suppléant de Charles Prats (RN) aux élections législatives 2024, dans #OMSLT avec @Cyrilhanouna sur #Europe1. pic.twitter.com/pPUt9T0iXI
— Europe 1 (@Europe1) November 19, 2024
Centenaires algériens, Fraude à la retraite française : « Un énorme scandale » qui fait pshitt devant les chiffres
Dominique reprend alors de plus belle et estime qu’il s’agit d’un « scandale de fou », assurant que les « les vrais chiffres » sont cachés par les médias de peur de susciter un « scandale monstrueux ».
Il s’agit pourtant d’une information complètement erronée, souligne le média français Libération qui rappelle que les derniers chiffres dévoilés par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) indiquent qu’il y a avait en Algérie, à la fin décembre 2023, environ 360.000 retraités qui perçoivent des retraites françaises.
Parmi ces 360.000 retraités, il n’y avait que 1.018 centenaires, 700 femmes et 318 hommes, soit moins de 0,3 % du total des pensionnaires, note le média français qui explique que la majorité sont des femmes car il y a parmi elles des veuves qui bénéficient de la retraite de leurs maris décédés.
Ce n’est pas la première fois que ce « fantasme » de fraude massive concernant les retraités algériens en France est agité par les milieux de droite et d’extrême droite françaises. Il s’agit d’un sujet qui revient régulièrement aux devants de la scène depuis 2010.
Fraude à la retraite française en Algérie : un « fantasme » de l’extrême droite
En 2012, un député LR a même interrogé la Cour des comptes sur « nombre important de retraités centenaires recensés en Algérie ». L’organisme financier a répondu par les chiffres et a assuré que le pourcentage des retraités centenaires résidant en Algérie est « très légèrement inférieur à celui obtenu en France (0,096 % en Algérie contre 0,097 % en France) ».
Mais cela n’a visiblement pas calmé les ardeurs des détracteurs de l’Algérie. En effet, en 2018, une énorme rumeur a circulé selon laquelle il y aurait plus de 50.000 retraités centenaires en Algérie qui percevaient des pensions françaises, alors que la CNAV assurait qu’ils n’étaient que 1.018.
Bien que le nombre des retraités centenaires résidant en Algérie et bénéficiant de pension françaises soit largement inférieur à celui donné par certains, cela ne veut pas dire que les soupçons de fraude sont écartés par les autorités françaises.
En septembre 2024, la CNAV a envoyé deux personnes au consulat de France à Alger afin de vérifier le statut de 2.611 retraités âgés de plus de 94 ans. Invités tous à se présenter à l’ambassade, seulement 1.604 ont fait le déplacement, 1.565 d’entre eux étaient en règle.
Concernant les retraités qui ne se sont pas présentés au rendez-vous, cela ne veut pas forcément dire qu’il s’agit de cas de fraude, estime Renaud Villard, le directeur général de la CNAV, expliquant que certains ne pouvaient sûrement pas se déplacer ou seraient décédés récemment.
Bien qu’il s’agisse de deux explications fortement plausibles, les retraites des personnes n’ayant pas répondu ont été « suspendues », a fait savoir le premier responsable de la CNAV.